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socier. Les cellules nées les unes des autres demeurent unies en véritables familles dont les membres conservent cependant tout d’abord une grande indépendance réciproque, comme on le voit chez les Dinobryon, les Anthophysa, les Codosiga, etc. Souvent même, comme dans les Rhipidodrendon et les Phalansterium, l’union des individus semble n’avoir lieu que par l’intermédiaire de parties secondaires dont la masse est considérable et qui viennent compliquer la colonie d’un élément important ; mais les membres de la famille peuvent aussi, par un progrès nouveau, contracter une union plus intime et constituer alors de véritables individus polycellulaires, composés d’ailleurs de cellules toutes semblables entre elles, comme chez les Volvox et les algues voisines ou chez les Magosphœra. Toutes les cellules composant cette individualité nouvelle sont aptes à la reproduire, contiennent en elles-mêmes la loi de son développement et la transmettent à leur descendance.

C’est une conséquence nécessaire de ce fait que la reproduction des cellules n’a jamais lieu que par une simple division. Les parties qui proviennent de cette division sont forcément identiques à la cellule mère et en possèdent par conséquent toutes les propriétés chimiques ou physiologiques, y compris celles qui déterminent son mode d’évolution. C’est la raison toute mécanique de la loi d’hérédité, en vertu de laquelle chaque organisme transmet à sa descendance ses caractères hérités ou acquis. L’hérédité est la conséquence inéluctable du mode de reproduction des éléments constitutifs des êtres vivants : nous aurons à développer plus complètement cette proposition.

Les sociétés une fois constituées — et le phénomène a lieu de bonne heure puisque nous connaissons des Monères sociales, telles que le Myxodiclium sociale — intervient, tout comme dans les sociétés humaines, à titre de progrès nouveau et important, la division du travail physiologique. Les éléments constituant une société ou colonie sont d’abord tous semblables entre eux, comme dans les colonies dont il a été question dans cet article ; mais bientôt demeurent associés des éléments dissemblables, provenant cependant les uns des autres, représentant les phases successives que peuvent revêtir certains êtres monocellulaires ayant dans l’association des rôles différents, vivant chacun pour son compte, mais accomplissant aussi au profit commun certaines fonctions qui leur sont propres. De là naît une variété plus grande : les organismes, au lieu d’être comparables à une association d’échoppes d’ouvriers travaillant chacun pour soi, semblent être de vastes usines où la puissance de production se développe rapidement dans des proportions considérables. C’est le phénomène fondamental que nous présentera l’histoire des Éponges.

Edmond Perrier,
Professeur au Muséum d’Histoire
naturelle de Paris.