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Un premier progrès est réalisé lorsque ce protoplasme devient apte à sécréter une enveloppe membraneuse au sein de laquelle il se divise de manière à donner naissance à des Zoospores plus ou moins nombreux. L’enveloppe est-elle de nature albuminoïde, l’organisme qui l’a produite se rapproche du règne animal ; est-elle, au contraire, de la nature de la cellulose, l’organisme tend à se rapprocher du règne végétal. Les substances albuminoïdes sont toujours plus ou moins flexibles, la cellulose est résistante ; il suit de là que les mouvements du protoplasme pourront encore se manifester au dehors dans le premier cas ; ils cesseront d’être apparents dans le second. C’est pourquoi tous les animaux sont capables de se mouvoir, tandis que le plus grand nombre des végétaux sont toute leur vie immobiles. La tendance vers le règne végétal s’accuse encore si dans la masse du Protoplasme se déposent des granules d’amidon, ou une matière colorante verte ou rouge, comme on le voit dans beaucoup d’infusoires flagellifères. Si la matière colorante n’apparaît pas, l’indétermination subsiste et l’on peut tout aussi bien rattacher les formes qui en sont dépourvues au règne animal, qu’au rameau du règne végétal représenté par les Champignons. Les Myxomycètes sont le dernier terme du passage des Protistes proprement dits aux Champignons.

Au contraire, les Euglènes, les Astasies et autres Infusoires flagellifères colorés, nous conduisent directement aux Algues vertes ou rouges, et par celles-ci aux végétaux les plus élevés et les mieux caractérisés.

Quant au passage aux animaux, il s’établit d’une façon si naturelle qu’il faut un certain effort d’esprit pour ramener au règne végétal les êtres qui viennent de nous occuper. Le premier mouvement est d’en faire des animaux et de fait les premières formes franchement animales du monde organique sont infiniment plus près des Protistes que les premières formes franchement végétales. Le Protoplasma, quelque paradoxal que cela paraisse, a dû moins se modifier pour produire les premiers animaux que pour produire les premiers végétaux. Ceux-là ont peut-être précédé ceux-ci dans l’ordre d’apparition.

Les Grégarines, découvertes en 1826 par Léon Dufour, nous montrent à leur tour comment peut s’opérer la transformation des Monères en organismes cellulaires, c’est-à-dire en organismes dont le Protoplasme contient un noyau et est entouré d’une membrane.

Les Grégarines adultes se composent de une ou deux cellules dont l’antérieure est parfois surmontée d’un appendice caduc servant peut être d’organe de fixation (fig. 6, n° 1) ; toutes sont parasites. On les trouve par petits amas (de là leur nom de Grégarine) dans l’intestin d’un très grand nombre d’insectes, dans celui des Taupes, dans la cavité du corps de certains Vers, dans les Organes reproducteurs des Lombrics qui en sont presque toujours bourrés. Elles ont été étudiées avec soin par Lieberkühn, Édouard Van Beneden et Aimé Schneider. À une certaine période de leur existence, elles s’entourent d’un kyste résistant ; quelquefois deux Grégarines s’unissent pour s’enkyster en commun. Dans tous les cas le contenu du kyste se divise bientôt et se transforme en une foule de corpuscules ayant chacun la forme d’une petite navette, d’où leur nom de pseudo-navicules. Bientôt de longs tubes se développent à la surface du kyste (fig. 6, n° 3), les pseudo-navicules s’y engagent et sont ainsi mises en liberté. Sous l’influence de l’humidité, l’enveloppe extérieure de ces petits corps se rompt et il en sort une petite masse protoplasmique douée de mouvements amiboïdes. M. Édouard Van Beneden a étudié le développement de ces corps amiboïdes chez une Grégarine gigantesque (Gregarina gigantea), de près d’un centimètre de long, qui habite l’intestin du homard. La masse protoplasmique, après s’être mue pendant quelque temps d’une façon irrégulière, ne conserve plus que deux pseudopode ;  : l’un d’eux est rigide, immobile ; l’autre est, au contraire, flexible et sans cesse agité d’un mouvement vermiculaire. Ce dernier se détache bientôt ; il ressemble alors tout à fait à un petit ver, à une petite filaire sortant de l’œuf. Mais l’examen le plus attentif ne saurait y faire reconnaître la moindre trace d’organes : c’est une véritable Monère, la pseudofilaire de M. E. Van Beneden.

Bientôt cependant, dans sa région moyenne, apparaît une petite tache claire qui grandit peu à peu. Il semble qu’une sorte de départ se fasse dans la masse protoplasmique, qu’une partie plus cohérente, plus réfringente se précipite et se condense dans la région centrale : c’est l’origine du noyau dont le mode de formation serait ainsi presque mécanique. La Monère, pourvue d’un noyau, est devenue une cellule. La cellule, pour être complète, n’a plus qu’à s’entourer d’une membrane ; une simple modification physique de la couche la plus externe du Protoplasma suffit à produire ce phénomène, et la jeune Grégarine se trouve ainsi achevée.

On a contesté que les pseudo-navicules fassent partie du cycle d’évolution des Grégarines ; quelques naturalistes voient en elles de simples parasites des Grégarines enkystées ; mais cela ne remet nullement en question la partie de l’histoire embryogénique des Grégarines qui les relie, par l’intermédiaire d’une phase où elles sont de véritables Monères, à la masse protoplasmique qui produit les pseudo-filaires : M. Édouard Van Beneden n’a pas observé, en effet, les pseudo-navicules de la Gregarina gigantea.

Ainsi le passage graduel des animaux et des végétaux aux Monères se trouve établi de la façon la plus complète : nous voyons les Monères se transformer en organismes cellulaires. Ceux-ci vivent d’abord à l’état de simples cellules, capables de revêtir successivement plusieurs formes ; mais bientôt elles acquièrent une aptitude nouvelle, celle de s’as-