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type sous le nom de Polythalames ou de Foraminifères ; ceux qui forment les squelettes siliceux, treillissés, du second type, sous celui de Polycystines ou de Radiolaires.

En présence de l’extrême complication de leur squelette on serait tenté de croire que ces êtres sont eux-mêmes fort compliqués, malgré l’exiguïté de leur taille. Quelques naturalistes distingués, d’Orbigny, de Férussac, avaient eu cette idée. Frappés de la ressemblance que présentent parfois les coquilles microscopiques des Foraminifères, avec celles de certains mollusques marins d’un type fort élevé, voisins des Pieuvres, des Seiches, des Calmars, tels que les Nautiles et les Spirules, tels encore que les fossiles, parfois gigantesques connus sous le nom d’Ammonites, ces savants avaient cru que les Foraminifères étaient eux aussi des Mollusques et ils avaient été confirmés dans leur manière de voir par ce fait que l’ouverture de leur loge donne passage quand l’animal est vivant à une multitude de bras présentant une vague ressemblance avec ceux d’un poulpe. Cependant un examen plus soigneux, fait à l’aide d’instruments suffisamment grossissants conduit bien vite à une toute autre opinion.

Les bras souvent de couleur orangée que l’animal émet en grand nombre par l’orifice de sa coquille, ne montrent nullement la fixité de forme qui caractérise ceux des Poulpes ; non seulement on les voit s’allonger et se raccourcir incessamment, mais encore ils se divisent de mille manières, leurs ramifications se soudent entre elles quand elles se rencontrent et leur ensemble forme souvent des réseaux irréguliers dont les mailles s’ouvrent ou se rétrécissent sans cesse, dont la configuration change d’une manière continuelle Les soudures qui s’établissent entre les diverses ramifications ne sont pas une simple apparence : en examinant avec soin ces prétendus bras, on reconnaît qu ils sont parcourus par des courants de granules ; arrivés au point où les soudures se manifestent, les granules passent indifféremment l’un bras à l’autre, montrant ainsi qu’il y a entre ces bras une continuité bien réelle, qu’il qu’il y a non seulement contact, mais encore fusion complète de leur substance.

Quelle peut donc bien être cette substance apte à se ramifier ainsi à l’infini, à se souder avec elle-même, à s’étaler en un réseau délicat ou à se contracter en un mince grumeau, laissant, comme un liquide, s’établir des courants dans sa propre masse, sensible, contractile et cependant homogène, vivant et cependant semblable à une goutte mucilagineuse, sans structure, qui peut suivant les cas ou se ramasser sur elle-même ou s’étirer en longs filaments ?

Cette substance, nous la connaissons, nous l’avons déjà vue constituer toutes les Monères et les êtres qui s’en rapprochent le plus ? C’est elle encore qui forme les Radiolaires et les Foraminifères : c’est du Protoplasma. On doit surtout à notre illustre compatriote Dujardin d’avoir établi cette vérité, Ce sont les Foraminifères et les Radiolaires qui lui fournirent la première idée de sa théorie du Sarcode dont nous avons déjà parlé : c’est à Dujardin qu’on doit d’avoir démontré que les prétendus bras de ces êtres ne sont que des prolongements sarcodiques. Nous avons déjà désigné sous le nom de pseudopodes, les prolongements analogues des Monères. Ici les pseudopodes se ramifient comme le chevelu d’une racine de végétal ; de là le nom de Rhizopodes[1] sous lequel il réunit nos architectes microscopiques. Les pseudopodes des Foraminifères et des Radiolaires jouissent d’ailleurs exactement des mêmes propriétés que ceux des Monèrcs et des Amibes. Ils paralysent par leur simple contact les Infusoires ou les petits Crustacés qui viennent se frôler contre eux, les saisissent, les enveloppent de leur réseau mucilagineux, les dissolvent, s’incorporent leur substance qui est entraînée parla circulation protoplasmique dans la masse sarcodique principale où pénètrent même parfois des particules solides.

Il n’est donc pas douteux qu’il ne s’agisse ici d’une véritable substance protoplasmique. Dans la masse sarcodique d’une Foraminifère, les recherches les plus minutieuses, celles toutes récentes de Hertwig, par exemple, n’ont pu faire découvrir autre chose qu’un noyau tel que celui des Amibes ou des Actinophrys, noyau qui se déplace dans chaque individu à mesure que le nombre de ses loges augmente.

La structure des Radiolaires est un peu plus compliquée. Au centre de leur masse — qui ne dépasse pas du reste la grosseur d’une tête d’épingle — le microscope montre une capsule membraneuse, dont le contenu est parfois segmenté en masses polyédriques plus ou moins opaques, noyées dans le protoplasma. Il y a continuité entre le protoplasma contenu dans la capsule et celui dont elle est enveloppée. Les spicules et les aiguilles siliceuses traversent souvent ses parois pour se réunir à son centre ; mais elle n’a aucun rapport direct avec le squelette proprement dit. On trouve aussi dans la masse sarcodique des corpuscules réfringents, de couleur jaune, qui paraissent être de véritables cellules et qui sont eux aussi indépendants du squelette. Dans certains types, de taille relativement un peu plus considérable, il existe plusieurs capsules centrales. On doit considérer ces formes comme résultant de la réunion de plusieurs individus ordinaires qui ont mis en commun leur protoplasma et ne demeurent distincts que par leur capsule centrale. Ils sont aux Radiolaires ordinaires à peu près ce que les Myxodyctium sont aux Protomyxa ; ce sont des Radiolaires composés. Il est fort probable qu’il existe aussi des Foraminifères composés et peut-être doit-on considérer chaque loge d’un Foraminifère comme un individu distinct, de sorte qu’il n’y aurait de Foraminifères simples que les Foraminifères uniloculaires comme les Lagena, en forme de petite

  1. Littéralement ῤιζος, racine, πονς, pied. — Animaux à pied en forme de racine.