Page:La Nature, 1879, S1.djvu/213

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES ORIGINES DE LA VIE

Quelles sont les formes les plus simples sous lesquelles la vie puisse se manifester dans la nature actuelle ?

Ces formes peuvent-elles se produire spontanément ? Les forces physiques ordinaires, agissant sur le carbone, l’oxygène, l’hydrogène et l’azote, sont-elles capables de les unir de manière à faire des êtres vivants, comparables, sous le rapport de leur origine, à de simples composés chimiques ? Telles sont les graves questions que nous nous proposons d’examiner dans ce travail.

Il fut un temps où l’on pensait que la vie était le résultat de l’organisation. Les mots être vivant et organisme étaient alors synonymes et l’on entendait par organisme un assemblage de parties de nature différente, combinées de façon à produire ces deux merveilles que l’on appelle un végétal ou un animal. On s’est fait aujourd’hui de tout autres idées sur les conditions nécessaires à la manifestation de la vie. Des découvertes récentes ont fait connaître aux naturalistes des êtres vivants plus étonnants, par leur extrême simplicité que les organismes les plus perfectionnés ne le sont par la complexité de leur structure.

Fig. 1. — Reproduction de la Protomæba primitiva. 2. Myxastrum radians.
Fig. 2. — Protomyxa aurantiaca. — 1. Protomyxa ankystée. — 2. Segmentation de l’intérieur du kyste. — 3. L’animal ayant développé ses pseudopodes.

Un grumeau de gelée ! Voilà tout ce que nous montrent en eux nos meilleurs instruments d’optique, nos microscopiques les plus puissants. Mais cette gelée est vivante : on la voit à chaque instant changer de forme, s’emparer d’animaux d’ordre élevé, les dissoudre et les incorporer dans sa propre substance. Ce grumeau de gelée grandit et se reproduit : parfois il est absolument transparent ; il apparaît dans le liquide qui l’entoure semblable à ces légers filaments qui ondulent dans un verre d’eau au-dessus d’un morceau de sucre qui fond ; d’autres fois sa masse est parsemée de très fins granules, presque toujours entraînés par une sorte de mouvement circulatoire qui leur fait parcourir peu à peu la masse entière. Un semblable mouvement se montre dans les diverses parties du corps d’un grand nombre d’animaux et dans l’épaisseur des tissus de plusieurs plantes. Elle n’a encore reçu aucune explication, et paraît faire partie des propriétés fondamentales de cette gelée homogène, de cette substance vivante élémentaire qui forme la masse entière du corps des êtres les plus simples : on lui donne le nom de circulation protoplasmique, et, pour abréger, nous appellerons désormais du nom de protoplasma — si ce gros mot ne vous effraie pas — la substance vivante élémentaire elle-même.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’attention a été appelée sur cette substance. Déjà, vers 1830, un savant professeur de la Faculté des sciences de Rennes, Dujardin, en avait défini les propriétés principales : il lui avait imposé le nom de sarcode[1]

  1. De σαρϰος, chair et εί δῶς ; forme littéralement substance analogue à la chair, mais qui n’est pas encore de la chair.