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LE GRAND BALLON CAPTIF À VAPEUR
DE M. HENRY GIFFARD
(Suite. — Voy. 71, 103 et 124.)

Le ballon captif est fixé à terre par ses huit câbles d’amarre, seize hommes d’équipe les détachent, l’aérostat se soulève, il s’agite comme un oiseau gigantesque impatient de prendre son vol. La passerelle glissée sur la cuvette va rejoindre la porte d’entrée de la nacelle. Une quarantaine de voyageurs la traversent, ils prennent place dans la galerie, où deux aéronautes donnent le signal du départ. Le ballon s’élève avec la légèreté de l’hirondelle. On monte sans secousse ; la terre s’éloigne, le tableau de Paris s’offre aux regards, puis l’horizon des campagnes avoisinantes s’ouvre bientôt en un panorama éblouissant, en un cercle immense de plus de 100 kilomètres de diamètre. Les spectacles aériens, couchers de soleil incomparables, surface du sol en pleine lumière, nuages mamelonnés et vaporeux, sont désormais accessibles à tous, grâce à ce nouveau tramway aérien.

Fig. 1. — Le peson du grand ballon captif à vapeur de M. Henry Giffard.

On monte jusqu’à l’altitude de 500 à 600 mètres, où l’aérostat s’arrête à l’extrémité de son câble, à la hauteur de treize arcs de triomphe superposés. Si l’air est calme, le câble tendu par la force ascensionnelle de l’aérostat est rigide et vertical comme une barre de fer ; si l’air est vif on est légèrement balancé dans l’espace, le vent siffle dans les cordages, le ballon s’incline, doucement bercé par les flots invisibles de l’océan aérien. On est parti de la cour des Tuileries ; la nacelle dans les airs peut planer à 300 mètres du point de départ (fig. 3), on peut se trouver de l’autre côté de la Seine, au-dessus de la rue du Bac, ou dans d’autres directions, au-dessus du Palais-Royal ou de la cour du Louvre. Pour que le cercle d’inclinaison dépasse un rayon de 300 mètres, il faut que le vent soit assez fort ; s’il peut atteindre quatre cents mètres et au delà, c’est tout à fait exceptionnellement et par des temps où l’aérostat, après une ascension d’essai, reste à terre.

À 600 mètres d’altitude, la cour des Tuileries, la cuvette au-dessus de laquelle le ballon était amarré, se réduisent à des proportions lilliputiennes. On croirait qu’on ne reviendra jamais dans ces bas-fonds lointains ; mais le câble est là, et les machines sont prêtes à l’enrouler autour de son treuil. Le géant, malgré ses efforts, est ramené au logis.

Le vertige n’existe guère en ballon, parce qu’on est isolé dans l’espace et qu’on n’a pas à considérer cette ligne verticale que présente au regard le mur des monuments ou des tours. Nous conseillerons toutefois aux voyageurs qui sont soumis au vertige de ne pas suivre des yeux le câble qui se déroule, mais de regarder au loin, de considérer l’horizon, ou bien encore de lever la tête pour ne voir par moments que l’aérostat, sphère monumentale où ils se trouvent pendus dans la nacelle, comme dans une cage. Une question se présente naturellement à tous ceux qui exécutent l’ascension dans le ballon captif. Qu’arriverait-il si le câble cassait ?

Nous avons déjà dit que la rupture du câble n’est