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Les Dinothérium se sont éclipsés depuis longtemps, mais les premiers éléphants, les premiers chevaux, les rhinocéros à larges narines errent çà et là, tandis que l’ours (Ursus arvernensis), l’hyène pliocène et un terrible carnassier, le Machairodus, rôdent pour chercher leur proie ; tâchons de recomposer le paysage, les masses végétales qui servaient d’abri à ces animaux et fournissaient leur nourriture à la plupart d’entre eux. Les calcaires concrétionnés de Meximieux permettent d’esquisser ce tableau. Les eaux incrustantes de la localité pliocène, non pas découverte, mais explorée pour la première fois avec intelligence par M. Faisan, étaient couronnées de plantes qui se penchaient sur elles, entourées de grands arbres qui ombrageaient leur cours ; elles traversaient de puissantes forêts dont les dépouilles entraînées par les flots rapides ont laissé dans la roche eu voie de formation l’empreinte fidèle de leurs diverses parties : feuilles, fruits, fleurs, rameaux, hampes, folioles éparses et parfois des tiges ou des branches entières.

La forêt de Meximieux ressemblait à celles qui font encore l’admiration des voyageurs, dans l’archipel des Canaries. Ce sont, en partie au moins, les mêmes essences qui reparaissent, en tenant compte de la richesse plus grande dont la localité pliocène garde le privilège. Pour émettre à son égard une juste appréciation, il faut joindre aux Canaries l’Amérique du Nord, à l’Europe moderne l’Asie caucasienne et orientale, et recomposer, au moyen des éléments empruntés à ces divers pays, un ensemble qui donnera la mesure exacte de la végétation qui couvrait alors le sol aux environs de Lyon.

Beaucoup de ces plantes étaient des essences purement forestières et sociales ; on distingue parmi elles : une taxinée, Torreya nucifera, maintenant japonaise ; un chêne vert, Quercus prœcursor Sap., presque semblable au nôtre, si l’on consulte les variétés aux plus larges feuilles du Q. ilex L. ; plusieurs laurinées canariennes ou américaines (Laurus canariensis Webb, Oreodaphne Heerii Gaud., Apollonius canariensis Webb, Persea carolinensis, etc.) ; un tilleul, Tilia expansa Sap. et Mar. (fig. 1), certains érables (Acer opulifolium pliocenicum, Acer lœtum C. A. Mey.), dont l’un se retrouve en Asie, tandis que l’autre a persisté sur le sol de l’Europe ; un noyer, Juglans minor Sap. et Mar., etc. Parmi les arbres d’une taille moins élevée, il faut mentionner des houx (Hex canariensis Webb, Hex Falsani Sap.) ; et parmi les arbustes, un Daphne, D. pontica D. C., maintenant réfugié dans l’Asie Mineure et en Thrace ; un buis, Buxus pliocenica, Sap. et Mar., à peine différent du nôtre, et enfin plusieurs viornes (Viburnum pseudo-tinus Sap., V. Rugosum Pers.), dont l’une au moins se retrouve aux îles Canaries (fig. 3).

Les arbres qui suivaient de préférence le bord des eaux courantes ou se pressaient dans leur voisinage comprenaient, avec notre peuplier blanc, Populus alba pliocenica, le platane, le magnolia et le tulipier, à peu près tels que les possède l’Amérique, mais avec des nuances différentielles, d’autant plus curieuses qu’elles sont reconnaissables, bien que peu sensibles. La catégorie des plantes sarmenteuses comptait une clématite et une Ménispennée (Cocculus) d’affinité nord-américaine.

Fig. 1. — Espèces caractéristiques des tufs pliocènes de Meximieux.
1. Oreodaphne Heerii Gaud. — 2, 3. Laurus canariensis Webb, base et terminaison supérieure d’une feuille. — 4, 5. Tilia expansa Sap. et Mar. — 4. Fruit, grand, nat. — 5. Fragment d’une feuille.

Notre laurier-rose, presque semblable à ce qu’il est maintenant, et un grenadier (Punica Planchoni Sap.) particulier à l’Europe pliocène, mais peu éloigné de celui que la culture nous a transmis, servaient aux eaux de ceinture immédiate. Près d’elles encore, le Glyptostrobus tertiaire, G. europœus, dont on a recueilli jusqu’aux cônes, survivait comme un souvenir de l’âge antérieur ; mais on ne saurait passer sous silence un bambou, B. Lugdunensis Sap., de taille médiocre (fig.4), dont les nombreuses colonies surgissaient partout le long des berges humides. Aux rocailles des cascatelles étaient attachées deux fougères remarquables dont l’une, Adiantum reni-