Page:La Nature, 1877, S2.djvu/88

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’intensité, que rien ne laisse entrevoir dans la période qui nous occupe. Nous avons vu quel était le climat européen, ou du moins celui du midi de l’Europe, à la fin de l’éocène, et la physionomie variée, originale, mais non opulente de la flore : semblable à celle de l’Afrique intérieure, soumise à des alternatives de chaleur sèche et de chaleur humide, à des pluies intermittentes, laissant entre elles de longs intervalles, elle comprenait nécessairement des formes maigres, étroites, épineuses et coriaces, avec des extrêmes de toute sorte, et des diversités dues à l’exposition des lieux, à la nature des stations, enfin au voisinage où à l’éloignement des eaux de source et des eaux dormantes ou fluviatiles. La signification du changement qui s’opéra nous est évidemment dévoilé, d’un côté, par le point de départ que nous venons de définir, et de l’autre, par le point d’arrivée, c’est-à-dire par l’état de choses qui devint permanent et qui persista presque sans modification, pendant le cours entier de la période miocène. Or, cet état de choses marque l’influence d’un climat plus également et universellement humide. Les végétaux qui s’introduisirent sur notre sol, dans l’oligocène, et qui occupèrent ensuite l’Europe durant de longs siècles, exigent à peu près tous le voisinage de l’eau ou l’influence d’un ciel pluvieux ; aucun d’eux ne saurait résister à des sécheresses prolongées, à l’exemple des types prédominants des derniers temps de l’éocène.

Fig. 1. — Thuias oligocènes caractéristiques.
1-2. Libocedrus salicornioides, Endl. — 3-5. Chamæcypariseuropæa, Sap. (3. Ramule ; 4. Strobile ; 5. Semence).

Ces types nouveaux durent probablement leur extension à une transformation lente et graduelle du climat, se prononçant toujours plus dans le sens d’une égalisation absolue, à mesure que l’on approche du début de la période suivante, c’est-à-dire de la sous-période aquitanienne. Les preuves abondent en faveur de cette assertion.

Les principaux types de végétaux, dont on constate l’apparition en Europe, dans le cours de l’oligocène, sont les suivants : parmi les conifères, le Libocedrus salicornioides Endl., plusieurs Chamæcyparis (Ch. europæa Sap. : voy. fig. 1, nos 3 à 5, Ch. massiliensis Sap.) ; plusieurs Séquoia (Séquoia Sternbergii Hr., S. Tournalii Sap., S. Couttsiæ Hr.), le Taxodium distichum miocenicum Hr., le Glyptostrobus europæus Hr.

Fig. 2. — Diverses Tonnes de Comptonia oligocènes.
1-5. Comptonia dryandræfolia, Brougn. — 6. C. obtusiloba Hr. (Saint-Jean-de-Garguier). — 7. C. dryandroides Ung. (Sotzka). — 8. C. Matheroniana, Sap. (Armissau).

Parmi les Palmiers, le Sabal haeringiana Hr., le Sabal major Ung., le Flabellaria latiloba Hr. — Parmi les Myricées, le type des Comptonia (fig. 2), et certain Myrica à feuilles largement linéaires, dentées sur les bords, tendent alors à prédominer. Quelques chênes à feuilles munies de lobes anguleux, mucronés au sommet et peu nombreux, commencent à se répandre ; les érables sont moins rares ; les plantes aquatiques et, en particulier, les Nénufars et les Nélumbos, prennent de l’ampleur et se diversifient. De pareils faits, choisis parmi les plus saillants, peuvent se passer de commentaire. Les Libocedrus et les Chamæcyparis, les Taxodium et les Sequoia, les Sabats et les Comptonia, sont des types américains, auxquels la présence de l’eau ou l’influence d’un sol et d’un climat humides sont encore nécessaires maintenant. L’abondance des Laurinées et des Nymphéacécs, la multiplication des érables, des charmes, des ormes, de certains chênes, ne sont pas moins significatives. Ces types s’associent d’abord, se substituent ensuite aux Callitris, aux Widdringtonia et à d’autres plantes, ayant des affinités africaines, et qui généralement n’exigent pas pour prospérer la même fréquence de précipitations aqueuses. — Il est donc visible que le climat européen se modifie dans un sens déterminé, à mesure que ces types, soit américains, soit communs à l’Amérique du Nord et à l’Asie du Pacifique, pénètrent et se propagent à travers toute l’Europe.