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lement la végétation qui couvrait ses rivages, non pas disparaître subitement, mais diminuer peu à peu de force, de variété et de beauté, perdre insensiblement les caractères et les éléments empruntés au tropique, qu’elle posséda longtemps, et ne revêtir qu’à la longue une autre physionomie, jusqu’au moment où elle donne à la fin naissance, à force d’appauvrissements et de changements partiels, à la végétation européenne actuelle.

Mais s’il est difficile de contester l’existence de mouvements du sol plus ou moins violents et étendus, coïncidant avec l’invasion mollassique, il est également difficile de ne pas considérer l’intervalle qui sépare l’oligocène du moment précis où s’effectua l’invasion, comme un temps de profonde tranquillité, essentiellement favorable à la végétation par la prédominance d’un climat doux et tiède, pendant lequel des lacs étendus, grâce à la configuration du sol, à sa pente peu rapide, à l’assiette des vallées construites de manière à retenir les eaux, s’établirent sur une foule de points. Souvent aussi ces lacs eurent leurs bords et une partie de leur périmètre envahis par une végétation puissante, sous l’empire de conditions propres à la production des lignites.

Je diviserai, d’après ces données, en deux sections la grande période miocène : la première ou sous-période aguitanienne a reçu son nom du falun de Bazas, près de Bordeaux, type qui représente le mieux cet horizon ; elle commence avec le retrait de la mer tongrienne, et se termine à l’invasion de la mer mollassique. La seconde ou sous-période mollassique correspond aux temps qui suivirent cette invasion, et coïncide avec la durée de celle-ci. Plus tard, la mer de mollasse, loin de se retirer brusquement, comme avait fait celle du tongrien, affecta, sans doute par l’effet du relief croissant des Alpes, une marche pour ainsi dire inverse ; elle s’éloigna par étapes successives du centre de l’Europe et persistant plus ou moins vers les extrémités de ce continent, elle fit place à une nouvelle mer, peuplée d’une faune différente, ayant des limites particulières, et donnant lieu à des dépôts distincts des précédents. C’est à ces lits plus récents, auxquels ou a appliqué le nom de couches-à-congéries ou de formation mio-pliocène que s’arrête la sous-période mollassique, pour céder le terrain à la période suivante ou pliocène, la dernière de celles entre lesquelles se divisent les temps tertiaires ; non pas qu’il y ait lieu de les distinguer à l’aide de divergences bien accentuées au point de vue de la végétation, mais par la raison qu’une délimitation étant nécessaire, il existe des motifs plausibles de l’établir comme je le propose, et que tout autre sectionnement aurait plus d’inconvénient que d’avantage, surtout en considérant lu flore, qui seule doit nous préoccuper ici.

Sous-période aquitanienne. — La mer tongrienne ou oligocène, dont le retrait inaugure cette sous-période, bien moins étendue que celle de la mollasse, avait été, pour ainsi dire en tout, le contrepicd de ce que devait être cette dernière. Venue du nord et de l’ouest, au lieu d’arriver par le sud et par l’est, elle avait projeté dans la direction de la vallée du Rhin, jusqu’au pied du Jura, son fiord principal. C’est par le nord aussi qu’elle dut opérer son retrait : restreinte dans ses limites, peu avancée dans les terres du sud de l’Europe, éloignée, à ce qu’il semble, de la vallée du Rhône proprement dite, les oscillations auxquelles elle dut sa naissance et son extension, et qui plus tard accompagnèrent sans douté son départ se firent très-peu sentir dans cette région où l’on voit les lacs de la période précédente continuer tranquillement leurs dépôts et demeurer circonscrits dans les mêmes limites qu’auparavant. Seulement la tendance de ces lacs à diminuer de profondeur, à se laisser envahir par une végétation de plantes aquatiques, et à recevoir leurs débris accumulés peut être aisément constatée ; de là sans doute la présence des lignites si fréquents et quelquefois si puissants sur l’horizon de l’aquitanien. Les principales localités d’où nous sont venues des plantes aquitaniennes, et qui comprennent aussi des lignites exploités, sont celles de Manosque en Provence, de Cadibona en Piémont, de Thorens eu Savoie, de la Paudèze et de Monod dans le canton de Vaud, de Bovey-Tracey dans le Devonshire, de Coumi en Grèce (Eubée) ; il faut joindre à cette énumération les lignites de la région de l’ambre ou région baltique, ceux des environs de Bonn, et enfin le dépôt de Radoboj en Croatie ; cette liste déjà longue pourrait être aisément grossie d’une foule de points secondaires. Le niveau sur lequel se placent toutes ces localités est sensiblement le même d’un bout de l’Europe à l’autre, sur une étendue en latitude de plus de 15 degrés, et dans tout cet espace la flore contemporaine présente une si notable proportion d’éléments communs qu’il en ressort invinciblement la notion d’une égalité, sinon absolue, du moins très-sensible dans les conditions de climat et de température qui présidaient alors à son développement.

Voici d’abord une indication des principaux types et des formes les plus caractéristiques de la flore aquitanienne ; je reviendrai ensuite sur leur distribution géographique, avant de passer à la description des localités les plus intéressantes, considérées séparément, de manière à offrir le tableau approximatif des paysages du temps.

Les fougères montrent par leur fréquence et l’ampleur relative de leurs frondes l’influence d’un sol et d’un climat humides, influence qui n’a cessé de s’accroître depuis la dernière période.

Une très-belle Osmonde, Osmunda lignitum (Gieb.), Ung., dominait alors dans les lieux inondés et sur le bord des lagunes. La figure 1 donne une idée de son aspect, tout en ne représentant qu’une faible portion de sa fronde. Longtemps désignée sous divers noms, elle n’a été rejointe que tout dernièrement au groupes des Osmondes. Elle s’écarte