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la région du Cap dans l’Afrique intérieure et à Madagascar.

Des Aralia frutescents, aux feuilles ornementales, palmatinerves et profondément incisées, se dressaient çà et là au milieu des massifs, ajoutant à la physionomie exotique du paysage. On doit les comparer aux Cussonia de l’ordre actuel. Enfin, il ne faut pas oublier de mentionner un Cercis ou gaînier (fig. 3), vulgairement arbre de Judée, dont les fleurs devaient faire au printemps l’ornement de cette nature semée de contrastes, à la fois sévère et gracieuse.

En avançant plus loin dans l’intérieur des terres, on se serait trouvé en présence d’une région boisée, très-analogue par l’aspect et la combinaison des formes végétales avec celles que renferme l’Afrique centrale.

Les Acacia ou gommiers y dominaient évidemment. On en a découvert jusqu’ici une dizaine d’espèces reconnaissables à leurs fruits et à leurs folioles éparses, dont nos figures reproduisent les principales formes. On sait que de nos jours les girafes font des rameaux de ces arbres leur nourriture favorite ; dressant leur long cou au milieu des solitudes peuplées de ces arbres, elles vont broutant leur feuillage léger, divisé en menues folioles, atteignant sans peine au sommet des plus hautes branches. Les girafes ne se montrent en Europe que vers la fin du miocène, mais, parmi les animaux qui composaient la faune du temps des gypses d’Aix, on remarque le Xyphodon, sorte de ruminant prototypique, aux formes grêles et au long cou, dont les mœurs et le régime alimentaire devaient se rapprocher de ceux de la girafe, et qui, probablement, broutait comme celle-ci les rameaux des acacias éocènes.

À côté des Acacias se plaçaient de nombreux Diospyros ou plaqueminiers, reconnaissables à leurs calices fructifères, marqués de fines rugosités extérieures. D’autres essences forestières ne nous sont connues que par des débris fort rares de quelques-uns de leurs organes ; elles devaient croître sur un plan plus éloigné, peut-être vers le fond de certaines vallées, le long des ruisseaux ou sur le penchant des escarpements boisés.

Je signalerai, parmi elles, un Magnolia, dont il n’existe qu’une seule feuille ; le fruit, la graine et même la corolle d’un Catalpa de petite taille, comparable à une espèce chinoise (fig. 4) ; un ailante, dont les samares ne sont pas très-rares, et celles d’un frêne qui, par contre, ne se sont rencontrées qu’une ou deux fois seulement. Les magnifiques corolles, détachées et encore munies de leurs étamines, d’un Bombax ou fromager, sorte d’arbre qui contribue puissamment à l’ornement des grandes forêts tropicales, ne sauraient être passées sous silence ; enfin je veux dire quelques mots de deux genres qui paraissent éteints : l’un est le Palœocarya qui appartient aux Juglandées et dénote un type allié de très-près à celui des Engelhardtia, de l’Asie australe ; l’autre, l’Helerocalyx, se rattache aux Anacardiacées et retrace, par plusieurs des caractères qui le distinguent, les Astronium et Loxostylis, sans se confondre pourtant avec ceux-ci.

Les parties fraîches de l’ancienne région comprenaient un figuier remarquable par la ressemblance que présentent ses feuilles avec celles du Ficus pseudocarica, Miq., de la Haute-Égypte, dont les fruits sont comestibles bien que douceâtres et presque sans saveur ; nous figurons ce figuier éocène sous le nom de F. venusta. Mais l’élément le plus curieux de la végétation locale de cette époque récente de l’éocène consiste dans une réunion de formes congénères de celles qui sont depuis demeurées l’apanage plus particulier de notre zone tempérée. Il n’y avait pas seulement auprès d’Aix, du temps des gypses, des palmiers, des dragonniers, des Acacia, des Bombax et tous les types d’arbres ou arbustes dénotant une station chaude, que je viens de passer en revue ; on y rencontrait encore des aunes, des bouleaux, des charmes, des chênes, des saules et des peupliers, des ormes, des érables, des amélanchiers peu éloignés de ceux que nous avons sous les yeux et dénotant, pour cet âge, l’existence de conditions locales, de nature à justifier leur présence et à favoriser leur essor.

Ces derniers types nous sont connus par de rares échantillons, dont l’authenticité ne saurait être pourtant contestée, puisque dans la plupart des cas leurs feuilles se trouvent accompagnées de leurs fruits ou de leurs semences, surtout lorsque ces fruits ou ces semences étaient ailés ou aisément transportables à cause de leur légèreté. Les samares d’orme et de bouleau, celles d’érable et de frêne ; certains organes frêles et membraneux, comme une bractée trilobée du bouleau (voy. les figures) des gypses, attestent la présence de ces genres et forcent bien à admettre qu’ils jouaient alors un rôle réel, bien que subordonné. La rareté même de ces vestiges qui auraient dû, s’il s’agissait de végétaux très-répandus, abonder sur les plaques marneuses, favorise l’hypothèse que nous avons affaire à des espèces que leur station plaçait assez loin et assez haut au-dessus du niveau de l’ancien lac, pour qu’elles aient été soumises à l’influence d’un climat distinct de celui des vallées inférieures. à la fois plus tempéré et moins sec.

Il faut observer, en outre, que des nuances différentielles, importantes aux yeux du botaniste, séparent ces formes, congénères des nôtres, de celles que nous possédons maintenant en Europe ou dans le reste de la zone tempérée froide.

Le bouleau des gypses, Betula gypsicola, Sap. (fig. 5), dont la feuille, la bractée fructifère et la samare sont jusqu’à présent représentées par des échantillons uniques, doit être rangé, non pas parmi les bouleaux du Nord, mais parmi les Betulaster, bouleaux particuliers à l’Asie centrale. Il en est de même de l’ormeau des gypses, Microptelea Marioni, Sap., qui se rattache au groupe sud-asiatique des Microptelea, qui craignent le froid et présentent des feuilles semi-persistantes et subcoriaces.