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ment explicable, et sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’hypothèse d’une seconde, et dans certains cas d’une troisième création, n’en est pas moins très-curieux, puisque, grâce à lui, nous obtenons la mesure exacte des changements opérés dans l’espace intermédiaire et que nous saisissons sans effort les aptitudes de fixité ou de plasticité inhérentes aux anciennes espèces, en constatant l’étendue des modifications plus ou moins sensibles éprouvées par elles. Les figures qui accompagnent ces lignes (fig. 5 et 6) exposent les éléments de la question, en ce qui concerne les flores comparées d’Hæring et du Trocadéro, la première oligocène, et par conséquent bien plus récente que la seconde qui, nous venons de le voir, se rapporte à l’éocène moyen.


Fig. 7. — Phœnix Aymardi Sap. Dattier éocène des Arkoses du Puy-en-Velay, fronde accompagnée d’un régime de fleurs mâles.
À côté de la flore du calcaire grossier parisien, il faut placer celle que MM. Aymard et Vinay ont recueillie dans les arkoses éocènes du Puy-en-Velay. Cette dernière collection comprend les mêmes formes caractéristiques que la première, entre autres le Dryandra Micheloti (fig. 4, nos 4, 7). Mais la localité du Puy doit être surtout signalée à cause d’un remarquable palmier découvert par M. Aymard, et dont la fronde, à peu près complète, est de plus accompagnée de son régime ou inflorescence mâle, qui présente des caractères suffisant à la détermination du genre, dont l’espèce ancienne faisait partie. Le Phœnix Aymardi Sap. (fig. 7), par les caractères réunis de sa fronde, aux segments pinnés, et de son régime dilaté en spatule aplatie et divisée au sommet en une multitude de ramuscules ou axes secondaires étalés en faisceau, et supportant des résidus de bractées et de fleurs mâles situées à l’aisselle de celles-ci, dénote certainement un dattier congénère du Phœnix dactylifera, mais distinct du dattier ordinaire, non-seulement par certains détails faciles à saisir, mais encore par sa taille beaucoup plus petite. Le genre Phœnix étant de nos jours exclusivement africain, cette assimilation confirme l’existence, attestée déjà par bien d’autres indices, d’un lien étroit rattachant la flore éocène de l’Europe à celle du continent africain.

En remontant la série des dépôts éocènes, nous trouvons encore des flores à deux autres niveaux successifs, correspondant au milieu et à la fin de la période que nous examinons. Je veux d’abord parler du plus ancien de ces deux niveaux. — Postérieurement au retrait de la mer, au fond de laquelle se déposa le calcaire grossier parisien, les eaux douces vinrent à leur tour occuper les dépressions du sol dans les vallées de la Seine et dans l’espace correspondant au plateau qui s’étend actuellement entre la Seine et la Loire. C’est ainsi que les grès de Beauchamp, le calcaire de Saint-Ouen, et finalement les gypses de Montmartre, se formèrent, et en même temps qu’eux des dépôts équivalents et synchroniques qui occupent la Sarthe et les environs d’Angers et qui renferment des plantes. L’île de Wight et les grès à lignites de Skopau en Saxe ont fourni à M. le professeur Heer les restes d’une flore contemporaine de celle des grès de la Sarthe, et cette dernière a été l’objet des recherches particulières de M. Crié, dans Je cours des années précédentes.

En suivant les traces de l’explorateur français, nous ne sommes plus transportés sur des terres basses et fréquemment inondées, à la périphérie intérieure d’un golfe, ni sur des plages chaudes et en partie stérile, nous apercevons plutôt les restes de forêts luxuriantes, peuplées de chênes verts, de lauriers, de plaqueminiers, de