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ne pèsera pas moins de 2 500 kilogrammes. L’excédant de la force ascensionnelle ordinaire de l’aérostat, avec les voyageurs, sera de 5 000 kilogrammes, double du poids du câble.

Le ballon captif sera situé au milieu d’une enceinte circulaire de 100 mètres de diamètre ; des treuils, placés de distance en distance sur la circonférence, serviront pendant le gonflement, à attacher les cordes fixées à l’équateur de l’immense sphère aérostatique. Le ballon ne sera plus entouré, comme en 1867, d’une charpente circulaire couverte de toiles et formant un tableau peu gracieux ; il dominera les jardins élégants, dont on pourra couvrir son enceinte, et formera le dôme le plus élevé de toutes les constructions du Champ de Mars.

Plan de l’Exposition internationale de 1878, au Champ de Mars, avec l’emplacement projeté, du ballon captif à vapeur, de M. Henri Giffard. (Échelle de 1/12500.)
Hauteurs comparatives de l’Arc de Triomphe de Paris, et de la nacelle du ballon captif à l’extrémité de son câble.

M. Henry Giffard donnera à ce matériel une telle puissance, que l’aérostat amarré à terre pourra, d’après des calculs certains, résister impunément à l’action de vents de 50 à 60 mètres à la seconde. Le ballon ne serait pas endommagé par le souffle des typhons de la mer des Indes, à plus forte raison résistera-t-il aux coups de vent plus cléments de nos climats. Le câble qui dans aucun cas pendant les ascensions n’aura à supporter des tractions supérieures à 10 000 kilogrammes, sera éprouvé tous les quinze jours à l’aide des machines montées à une pression plus élevée que dans le service courant (8 atmosphères au lieu de 5) et soumis dans toute son étendue à un effort bien supérieur à celui qu’il supportera dans l’atmosphère.

Les précautions prises pour vérifier constamment l’état du matériel tout entier rendront illusoire la crainte de tout accident. Nous rappellerons d’ailleurs que le ballon captif de 1867 a fonctionné précédemment sans la moindre mésaventure.

Les appareils à gaz, destinés à remplir le ballon captif et à lui donner une force ascensionnelle capable d’enlever une locomotive de nos chemins de fer, seront formés de cylindres garnis de plomb, enfouis sous terre ; on les remplira de tournure de fer. En ouvrant un simple robinet, on y fera tomber de l’acide sulfurique qui se mélangera automatiquement avec dix fois son volume d’eau. Le gaz hydrogène dégagé arrivera dans le ballon par un tuyau souterrain, après avoir traversé des épurateurs destinés à le sécher et à le purifier. Le liquide chargé de sulfate de fer, résultant de la réaction, sera déversé au dehors par des conduites souterraines. Le gonflement du ballon captif exigera une consommation de plus de cinquante mille kilogrammes de tournure de fer, de plus de cent mille kilogrammes d’acide sulfurique et durera environ 48 heures.

Nous ferions injure à nos lecteurs si nous supposions qu’il soit nécessaire d’insister longuement sur l’importance du merveilleux matériel que nous venons de décrire, et sur les avantages qu’il peut offrir à des points de vue très-divers.

Les grands spectacles aériens n’ont pu être admirés jusqu’ici que par un petit nombre de voyageurs, qui n’ont pas craint d’affronter les aventures du ballon libre. Avec le ballon captif, plus de 200 000 visiteurs pourront être enlevés à 500 mètres au-dessus du sol, pendant la durée de l’Exposition. Ils contempleront à une hauteur qui dépassera celle de onze arcs de triomphe superposés l’imposant tableau de la ville de Paris, et ils verront que les scènes décrites par les aéronautes ne sont pas des peintures exagérées.

L’époque de la construction d’un matériel aérostatique si puissant comptera comme une date mémorable dans les annales de la navigation aérienne. M. Giffard, en effet, en enfermant 20 000 mètres cubes d’hydrogène, dans une enveloppe imperméable, en mettant au jour un aérostat qui sera aux ballons ordinaires ce qu’un navire transatlantique est à une méchante barque de pêcheur, aura singulièrement rapproché le moment où planera dans l’espace le navire aérien dirigeable, qui nécessite, comme on le sait, un grand volume et une grande puissance.