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LA NATURE.

LE PROTOXYDE D’AZOTE

Depuis quelques années, le gaz hilarant semble retrouver en partie son ancienne vogue. Ce sont les Américains surtout qui ont fait revivre le protoxyde d’azote, et sur l’exemple de leurs confrères transatlantiques, un grand nombre de dentistes parisiens arrachent aujourd’hui les dents sans douleur, avec le concours du gaz de Davy. — Si l’on parle beaucoup du protoxyde d’azote, on en dit tout à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal : il nous a semblé que le meilleur moyen de bien apprécier les mérites ou les inconvénients de ce curieux produit était d’expérimenter ses effets sur soi-même, et nous nous sommes procuré le nouvel appareil respiratoire qui, fort peu connu de la plupart de nos lecteurs, offre en lui-même un incontestable intérêt.

Nouvel appareil anglais pour l’inhalation du protoxyde d’azote.


— Cet appareil, qui se construit exclusivement en Angleterre, a singulièrement contribué à répandre l’usage du protoxyde d’azote ; il permet à l’expérimentateur d’obtenir le gaz hilarant, immédiatement, sans préparation préliminaire, en ouvrant un simple robinet. Plus de distillation incommode de nitrate d’ammoniaque qui donne naissance non-seulement au protoxyde d’azote, mais à de petites quantités d’acide hypoazotique[1], âcre et dangereux pour les poumons ; plus de réaction délicate, difficile pour celui qui n’a pas un laboratoire à sa disposition. Le gaz aujourd’hui est préparé à l’avance à l’état de pureté, dans une fabrique de Londres ; il est comprimé par des pompes, dans des bouteilles de fer, où il prend l’état liquide ; il se conserve indéfiniment dans ces récipients à parois résistantes, soumis à une pression considérable. Si l’on ouvre le robinet d’échappement, le protoxyde d’azote liquide reprend subitement l’état gazeux, et remplit presque instantanément un sac de caoutchouc du volume de 18 litres, quantité suffisante pour produire l’anesthésie. Une bouteille de fer, qui n’est guère plus grande qu’une bouteille de vin, fournit successivement plus de 400 litres de protoxyde d’azote ; quand elle est vide, on la porte à Paris au dépôt du fabricant anglais, et l’on vous en remet une pleine en échange. L’idée de faire voyager ainsi des récipients contenant

  1. On admet généralement, dans les traités de chimie, que le nitrate d’ammoniaque, soumis à l’action de la chaleur, se dédouble en protoxyde d’azote et en eau, d’après la réaction suivante :
    Azotate
    d’ammoniaque.
    Protoxyde
    d’azote.
    Eau.


    Mais la décomposition est plus complexe, et il se produit en même temps que le gaz hilarant une certaine proportion de bioxyde d’azote, qui forme bientôt des vapeurs rutilantes (acide hypoazotique). — Si l’on veut préparer du protoxyde d’azote pur, il faut avoir soin de le laver, en le faisant passer dans une dissolution de sulfate de protoxyde de fer, qui absorbe le bioxyde d’azote. Il faut avoir soin, en outre, d’employer du nitrate d’ammoniaque cristallisé et pur, bien exempt de chlorhydrate d’ammoniaque.