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LA NATURE.

Pendant les gelées et particulièrement pendant les neiges, le Pic-Vert n’a absolument qu’un moyen d’existence, c’est le piochage des fourmilières. Il les perce comme les troncs d’arbres et bien plus facilement puisque les matériaux des fourmilières ne lui offrent aucune résistance.

Le Pic-Vert pénètre à 0m, 30 et 0m, 40 dans les fourmilières ; chacun peut s’en assurer, en étudiant pendant l’hiver les grosses fourmilières des bois, les seules que le Pic-Vert affectionne. Dès le 22 novembre, M. d’Esterno a vu des fourmilières attaquées ; mais, au mois de février, elles le seront, dit-il, presque toutes et bien plus profondément ; c’est sur elles que le Pic-Vert aura vécu pendant tous les froids.

Et sur ce, M. d’Esterno donne le moyen infaillible de prendre au collet le Pic-Vert sur les fourmilières.

Si quelque jour, dit-il, l’administration découvre que le Pic-Vert perce et perd les troncs d’arbres les plus sains (du moins parmi les bois feuillus), si elle arrive à l’idée de mettre sa tête à prix, c’est sur une fourmilière que sera promptement pris, pendant l’hiver, le dernier de ces oiseaux.

Vous le voyez, notre honorable collègue n’y va pas de main morte. Il veut voir le dernier des Pics-Verts à son dernier soupir. Cela s’explique, M. d’Esterno est propriétaire de bois, et il a collectionné un certain nombre de troncs d’arbres percés par les Pics-Verts. M. d’Esterno défend ses arbres, rien de mieux ; je ne le contredirai pas sur ce point. Habitant de la plaine, je ne sais pas par expérience si les Pics-Verts font un si grand tort aux arbres que le prétend M. d’Esterno. Mais ce que tous les naturalistes ont constaté jusqu’ici, c’est que ces animaux n’attaquent généralement que les arbres malades et envahis par des insectes destructeurs.

Mais, en admettant l’opinion de M. d’Esterno relative à la sylviculture, je suis persuadé que tous les horticulteurs protesteront avec moi contre son arrêt de mort à l’endroit du Pic-Vert.

Les fourmis causent de tels dégâts dans les jardins, que l’oiseau qui les détruit doit être considéré, selon nous, comme un oiseau utile, quoi qu’en disent la Belgique, l’Allemagne et le congrès de Vienne. Le Pic-Vert est le gendarme de nos jardins ; sans lui nos prunes, nos abricots, nos poires, nos pêches et nos raisins, qui sont ravagés par les fourmis, seraient complètement mangés par ces insectes dévorants. Non seulement les fourmis font beaucoup de tort à ces fruits, mais elles communiquent souvent à ceux sur lesquels elles se sont promenées une odeur et une saveur peu agréables connues sous le nom de goût de fourmis. Dans les jardins, elles établissent fréquemment leur habitation au pied des plantes ; elles creusent entre les racines des galeries dans toutes les directions, rendent ces plantes languissantes et les font quelquefois périr par l’acide formique qu’elles répandent à l’entour et qui brûle les radicelles.

Comme tous ceux qui ont des jardins savent combien il est difficile de se débarrasser de ces insectes nuisibles à l’horticulture, nous venons plaider la cause du Pic-Vert ; cet animal a une vilaine voix, c’est possible, mais il faut reconnaître que la nature a sans doute compris qu’un oiseau si préoccupé de son existence ne devait pas chanter. Il est, en effet, comme l’a dit Buffon, assujetti à une tâche pénible et ne peut trouver sa nourriture qu’en perçant les écorces et la fibre dure des arbres qui la recèlent ; occupé sans relâche à ce travail de nécessité, il ne connaît ni délassement ni repos ; souvent même il dort et passe la nuit dans l’attitude contrainte de la besogne du jour ; il ne partage pas les doux ébats des autres habitants de l’air ; il n’entre pas dans leurs concerts et n’a que des cris sauvages, dont l’accent plaintif, en troublant le silence du bois, semble exprimer ses efforts et sa peine.

Et puis nous autres qui avons étudié la médecine, nous plaidons d’autant plus volontiers la cause du Pic-Vert, que c’est cet oiseau qui nous a donné les premières leçons de percussion. On sait, en effet, que le Pic-Vert frappe à coups de bec le tronc des arbres, et au son rendu par le bois, il reconnaît les endroits creux où se nichent les vers qu’il recherche, ou bien une cavité dans laquelle il puisse se loger lui-même et disposer un nid.

J’espère que M. d’Esterno prendra en considération notre défense et qu’il reviendra sur son arrêt de mort, ou nous serons forcés d’en appeler auprès des savants et de tous ceux qui sont convaincus que tout être dans la nature a le droit de vivre et a son utilité dans l’harmonie universelle.

Ernest Menault.

DEUX MERVEILLES DU CAP

Des diamants sujets à faire explosion d’eux-mêmes ; des tortues pourvues de dents de chien, voilà des productions bien dignes de l’Afrique, cette « terre des monstres ! » Les tortues sont fossiles et se rencontrent dans les mêmes couches du sol que les diamants. Nos lecteurs pourront les voir, les uns et les autres, associés presque comme dans la nature, dans la galerie de géologie du Jardin des plantes, où nos gravures ont été faites d’après les échantillons.

Le diamant encore engagé dans sa gangue est représenté ci-contre de grandeur naturelle. Il provient des mines exploitées depuis peu, au cap de Bonne-Espérance, et déjà célèbres par les trouvailles qu’on y a faites. C’est un octaèdre très-arrondi, d’une limpidité un peu grasse. La roche qui l’empâte est une espèce de conglomération de grès à grains fins.

On aura une idée de la richesse des champs diamantifères du Cap par ce fait qu’une seule exploitation a fourni en moyenne, d’après M. Desdemaine Hugon, plus de trois mille diamants pendant huit mois passés. Les mines appartiennent à deux catégories très-distinctes. Les premières dites sèches, situées au milieu de plaines unies, consistent en couches où la pierre précieuse est mélangée avec des