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LA NATURE.

tant s’occuper très-prochainement. Nous compléterons les renseignements qui précèdent en rappelant que, le 26 juillet 1872, l’Assemblée nationale a accordé au ministre de l’instruction publique un crédit additionnel de 100 000 francs, pour la confection des instruments d’observation dont doivent se servir les différents savants français, placés sur plusieurs points du globe, lors du passage de Vénus. Les gouvernements russe, anglais, américains, allemand, ont pris des dispositions plus importantes encore. Les États-Unis ont donné à leurs observateurs une somme sept fois plus considérable que celle qui a été mise entre les mains de nos savants. Nous sommes en mesure de donner des détails complets sur les dispositions que prennent nos voisins d’outre-Manche.

préparatifs en angleterre.

La Société astronomique de Londres a entendu dans sa séance du 14 novembre un rapport de sir George Airy, directeur de l’Observatoire de Greenwich, sur l’organisation des stations anglaises.

L’illustre astronome a annoncé que les Anglais auraient cinq stations et donne des détails sur les préparatifs qui se font à Greenwich afin de dresser aux observations les jeunes gens qui prendront part à ces travaux. Leur nombre sera considérable car, plusieurs de ces stations sont, à proprement parler, des groupes d’observatoires situés dans une même région géographique et quelquefois reliés télégraphiquement. L’expédition photographique opérera dans le nord de l’Indoustan. Les îles Sandwich seront semées de plusieurs observatoires anglais. Les savants britanniques ont également jeté leur dévolu sur les îles Marquises et renoué à ce propos avec le gouvernement français des négociations commencés du temps de l’empire, et qui furent brusquement interrompues par les catastrophes de l’année terrible.

La détermination à prendre pour les observatoires des îles Kerguelen est ajournée, comme nous l’avions déjà annoncé, jusqu’à la réception des nouvelles du Challenger, qui doit avoir quitté Bahia à l’heure qu’il est et qui, si nos nouvelles sont exactes, se dirige actuellement vers cette station. Ce navire y fera toutes les observations préalables nécessaires pour l’établissement des savants pendant la belle saison des régions antarctiques, qui répond à notre hiver, comme chacun le sait.

M. Airy a protesté contre un article très-violent écrit par M. Proctor, auteur très-connu de l’autre côté du détroit, et déclaré que c’était par erreur que cette attaque contre les autorités astronomiques d’Angleterre avait paru dans le journal de la société.

Les travaux de la commission de l’Académie des sciences pour le passage de Vénus ne tarderont point à être publiés. Nous apprenons par sir George que le nombre des stations françaises sera définitivement de cinq ; les Allemands n’en auront que quatre. Les Américains en organisent huit, et les Russes un nombre beaucoup plus grand, mais qui n’est point encore connu.

Hâtons-nous d’ajouter que les observateurs anglais adopteront la méthode de notre compatriote M. Janssen, qui a imaginé de ne photographier que la partie du disque solaire où le phénomène se produira. Les autres parties, inutiles pour l’objet des recherches, seront cachées à l’aide d’une plaque mobile. Cette détermination des savants anglais est fort honorable pour notre illustre compatriote, car elle n’a été prise qu’après de mûres et solides réflexions.


LE PIC-VERT CONDAMNÉ À MORT

C’est toujours un grand chagrin que d’apprendre qu’un être qu’on a aimé, estimé et considéré comme utile, vient d’être condamné à mort. On se demande, tout d’abord, comment cela se peut faire, on passe en revue toutes les qualités de l’ami qu’on va perdre, on accuse ses juges, on crie contre l’injustice et l’ignorance des hommes. Cependant, vous disent les uns, il faut bien qu’il ait commis quelques méfaits ; on ne condamne pas à mort les gens pour le plaisir de les condamner. — Vous ne connaissez pas, disent les autres, la vie intime de votre ami, vous ne savez donc pas qu’il a fait beaucoup de mal, qu’il a donné la mort à grand nombre de travailleurs, qu’il a détruit quantité de fourmis et d’abeilles, tous êtres laborieux et bienfaisants. Votre pic-vert, enfin, n’est qu’un égoïste, un esprit pointu, qui cherche toujours la petite bête, un ravageur des forêts, un destructeur d’arbres et d’insectes utiles.

Aussi, ne faut-il pas s’étonner que les agriculteurs et les forestiers de tous les pays du monde, réunis à Vienne à l’occasion de l’Exposition universelle, aient rayé le Pic-Vert de la liste des oiseaux utiles, et que, dans le récent arrêté du roi des Belges, le Pic-Vert ne se trouve plus sur la liste des oiseaux insectivores considérés connue utiles à l’agriculture, oiseaux qu’il est défendu de prendre, tuer, exposer en vente, acheter, transporter, colporter, ainsi que leurs œufs et couvées.

La Belgique, l’Allemagne et quantité de savants de tous pays ont donc condamné le Pic-Vert à mort. Et maintenant voici les détracteurs qui se déchaînent contre un malheureux oiseau qui n’est pas si coupable qu’on veut bien dire, car il ne détruit que pour vivre, comme nous faisons tous.

C’est M. d’Esterno, un de nos honorables collègues à la Société des agriculteurs de France, un ennemi acharné des loups, qui ouvre la campagne contre le Pic-Vert. Et voici quels sont les griefs contre l’oiseau nuisible.

Les amis et les ennemis du Pic-Vert, dit-il, sont d’accord sur ce point qu’il ne peut vivre que d’insectes. Tant que dure la belle saison, il trouve partout une grasse pâture ; mais quand la bise est venue, les insectes ont disparu. Le Pic-Vert n’émigre pas ; il lui faut vivre ou mourir sur place et il s’arrête invariablement au premier de ces deux partis.