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2e ANNÉE. — N° 27
6 DÉCEMBRE 1875
LA NATURE
REVUE DES SCIENCES
ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET À L’INDUSTRIE

le
SYSTÈME NERVEUX ET L’ÉLECTRICITÉ
nouvelles expériences de mm. dewar et mac hendrick.

L’étude du système nerveux a toujours eu le privilège d’attirer l’attention et l’on remplirait facilement un volume avec les titres seuls des travaux qui ont été faits sur ce sujet. Le rôle du système nerveux dans notre organisme est des plus importants : Bichat le considérait comme une des bases du trépied vital et, depuis Bichat, on a plutôt augmenté que diminué son importance. D’autre part, les questions qui se rattachent au système nerveux touchent à la fois à la physiologie et à la psychologie et par suite à tous les problèmes qui ont captivé l’esprit de l’homme, aux facultés de l’intelligence et à la vie du corps ; aussi ont-elles été souvent étudiées et l’art est arrivé à des connaissances certaines sur quelques points. L’anatomie du système nerveux est, sinon complète, du moins fort avancée ; on a pu à l’aide du microscope acquérir des notions exactes sur l’histologie du cerveau et des nerfs ; sur bien des points, le rôle physiologique des divers organes a été déterminé, rôle beaucoup moins simple qu’on ne l’avait cru d’abord. On sait maintenant que les nerfs se trouvent dans un état électrique spécial, état électrotonique ou électrotonus ; on connaît le temps exigé pour qu’une sensation perçue à la périphérie parvienne à l’organe central, ou pour qu’un ordre émané de celui-ci arrive aux muscles qui doivent lui obéir. Les progrès de la physique ont aidé aux recherches de la physiologie ; sans le microscope, le Dr  Luys eût-il pu continuer ses beaux travaux sur la constitution anatomique du système nerveux ? sans les appareils d’induction M. Duchenne (de Boulogne), eût-il pu étudier les actions spéciales des nerfs ? etc. Nous ne pouvons, d’un autre côté, passer absolument sous silence les considérations théoriques d’ordre philosophique autant que physiologique et relatives à l’action du système nerveux. Nous voudrions parler des travaux récents de M. le Dr  E. Fournier et de M. Bain, travaux intéressants à tous égards, mais il faut nous borner et nous désirons seulement appeler l’attention sur des expériences et une théorie dues à des savants d’outre-Manche et qui sont presque autant du domaine de la physique que de celui de la physiologie. Peut-être ni l’une ni les autres ne sont-elles destinées à faire avancer les sciences d’une manière notable ; cependant elles méritent, à ce qu’il nous semble, d’être vérifiées et discutées, car elles peuvent servir de point de départ à des recherches importantes.

Le cerveau est l’organe dans lequel se produisent les perceptions ; mais il n’est pas affecté directement par le monde extérieur, et ce sont les organes des sens qui reçoivent l’action des agents, corps matériels ou éther, à l’occasion desquels ont lieu ces perceptions. Il ne suffit pas que l’organe récepteur et que le centre nerveux soient intacts l’un et l’autre, il faut qu’ils se trouvent reliés par un conducteur, qui soit également dans toute son intégrité : il est incontestable que la modification, quelle qu’elle soit, subie par l’organe récepteur produit dans le nerf un changement particulier qui se transmet de proche en proche et cause à son tour dans le cerveau un état spécial auquel correspond une perception déterminée.

A l’époque où les fluides étaient à la mode, on admettait un fluide nerveux circulant dans les nerfs à peu près comme le gaz d’éclairage dans les tuyaux de conduite : ce fluide mis pour ainsi dire en mouvement sous l’influence du corps qui agissait sur l’organe, arrivait au cerveau et y causait la sensation. Peut-être ce fluide, existe-t-il, on ne sait ; mais dans le cas de l’affirmative, son mouvement doit amener des changements dans l’état du nerf, de telle sorte que, dans un cas comme dans l’autre, il est naturel de rechercher la nature des modifications qui se manifestent dans un nerf lorsqu’il transmet au cerveau