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LA NATURE.

fornie pour l’espèce caprine, on trouve que 500 chèvres indigènes et quelques centaines de boucs angora représenteront au bout de dix ans, tant en chair, suif, reproductions, qu’en toisons précieuses, un capital de 2 270 990 liv. sterling, soit un peu plus de 56 millions de francs. Or il y a actuellement dans l’île, non pas 5 000, mais 10 000 chèvres, on y a déjà ajouté près d’un millier de chèvres d’Angora, toutes du sang le plus pur ; et, depuis le premier arrivage, des quantités de boucs considérables, de boucs choisis, comme étalons arrivent sans cesse ; il y en a déjà plusieurs centaines, et ils seront prochainement en proportion, remplaçant totalement les boucs indigènes, que l’on tue.

Quant à l’accroissement futur de l’affaire, il est considérable. L’ile Guadalupe offre d’immenses pâturages appropriés aux chèvres : 166 000 acres (environ 80 000 hectares) au moins, d’une terre herbeuse, c’est-à-dire le « Paradis du Pacifique. » Cela peut nourrir le nombre énorme de 75 000 chèvres. L’angora ne coûte pas plus cher là-bas à élever que la chèvre indigène, c’est-à-dire presque rien ; elle est belle, grande, vigoureuse, reproduit beaucoup, et a une inappréciable valeur, par sa fourrure, comparée à ses congénères.

Voilà ce qu’on fait en Amérique !

H. de la Blanchère.

LES TORTUES FRANCHES À PARIS

La grande tortue franche de la rue Vivienne.

MM. Potel et Chabot, les marchands de comestibles de la rue Vivienne, ont eu l’heureuse idée de se rendre acquéreurs d’un lot de tortues franches et de les exposer dans les étalages de leurs magasins. Une foule considérable de curieux stationne constamment devant ces monstrueux chéloniens trop dédaignés des gourmets. En effet, ces animaux ne sont pas seulement, comme un vain peuple pense, bons à faire de l’excellent bouillon. Leur viande, bouillie de manière à en retirer tout le suc, conserve le goût du bœuf le plus délicat. Ces morceaux que l’on dédaigne sont dignes de figurer sur les meilleures tables, tant ils sont tendres et appétissants. La viande fort abondante n’est pas la seule partie qui puisse être utilisée avec le plus grand profit. La graisse est d’une délicatesse aussi grande que celle de l’oie, les parties tendres, telles que les nageoires et les cartilages, servent à faire une délicieuse gelée ; enfin le foie qui est très-volumineux, peut se manger sauté comme du foie de veau.

Il n’y a que l’écaille qui ne puisse être utilisée dans l’espèce dont nous nous occupons et qu’on peut appeler tortue de boucherie. En effet, la taille de ces animaux est énorme. Celle que nous représentons, et qui a été dessinée, d’après nature, au moment où l’on allait la dépecer dans la cuisine, ne mesure pas moins de 1m, 45 de longueur ; elle a donc à peu près la taille d’un homme. On en a vu cependant à Paris de plus volumineuses encore. MM. Potel et Chabot en ont conservé pour preuve des écailles plus gigantesques que celles des chéloniens qui font sensation aujourd’hui.

On a capturé des tortues franches qui pesaient jusqu’à 700 kilos, tandis que le poids de celle qui nous occupe ne dépasse pas 150 kilos. Mais les déchets sont moins abondants que lorsqu’on doit dé-