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LA NATURE.

peut se former aucune idée juste de la grandeur apparente du météore.

« Si chaque observateur estimait de la même manière les dimensions linéaires d’un objet céleste, on pourrait réellement interpréter l’expression des dimensions linéaires d’un météore. Mais cela n’est pas. Comme M. Viguier le fait justement remarquer, les personnes à vue courte et à vue longue estiment diversement la grandeur de la lune, la position de la lune modifie le jugement, l’état même de l’atmosphère influe sur l’estimation que nous faisons instinctivement.

« Mais il est intéressant d’examiner ce que l’on entend réellement en disant que la lune a 1 pied de diamètre. Je puis faire remarquer qu’on assigne souvent cette dimension à la lune, quoique plusieurs jugent qu’elle paraît plus grande. La lune sous-tend un angle d’un demi-degré environ, de sorte que, d’après cela, un demi-degré de la sphère céleste répondrait à une longueur de 1 pied. Ainsi la circonférence aurait environ 720 pieds et le rayon environ 115 pieds. Telle est à peu près la distance qu’au juger on assigne à la lune. Cette dernière manière de voir est plus exacte, vu que les estimations diverses que l’on fait des dimensions de la lune suivant sa position suffisent pour montrer que l’esprit assigne instinctivement à la voûte céleste une forme aplatie, dont la partie qui est au-dessus de notre tête semble être la plus rapprochée de nous. C’est, en effet, une opinion commune que le diamètre de la lune, lorsqu’elle est à l’horizon, paraît deux fois aussi grand que lorsqu’elle est au-dessus de notre tête, et d’après cela on assignerait à la voûte céleste la forme d’un segment de sphère qui serait moindre d’un cinquième de la surface de la sphère au-dessus de l’horizon.

« Il est bon de remarquer que nous pouvons conclure de la grandeur estimée de la lune, comparée aux intervalles qui séparent certaines étoiles, que l’esprit assigne instinctivement à la lune une distance beaucoup plus grande que celle des étoiles fixes. Par exemple, je trouve que si, lorsque la lune est au-dessous de l’horizon, l’on demandait à un observateur si la distance qui sépare les trois étoiles du Baudrier d’Orion (je veux dire la distance de ζ à ε, ou ε à δ) est plus grande ou moins grande que le diamètre de la lune, il répond qu’elle est égale à ce diamètre. En réalité, le diamètre apparent de la lune n’est que le tiers de la distance entre ces étoiles. Il suit de là que l’esprit estime la distance entre les étoiles sur une échelle qui n’est que le tiers de celle même sur laquelle il mesure la lune ; en d’autres termes, il regarde la distance des étoiles comme étant environ le tiers de celle de la lune.

« Il peut se faire que le résultat de cette comparaison indique simplement que l’esprit assigne à cette sphère céleste, vue pendant une nuit sans lune, une distance égale à un tiers seulement de celle qui nous sépare des étoiles dont l’éclat est affaibli dans une nuit où la lune est pleine. »

Ces deux réponses complètent les remarques que j’ai faites sur ce phénomène de la vision ; mais elles ne l’expliquent pas davantage. Il reste certain que nous croyons voir la lune et le soleil plus gros que nous ne les voyons en réalité.

Camille Flammarion.

LA CHÈVRE ANGORA EN AMÉRIQUE

Les journaux américains s’occupent beaucoup actuellement d’une acclimatation nouvelle, destinée à prendre encore une importance plus considérable : c’est l’élève des chèvres angora dans l’île Guadalupe.

L’île Guadalupe est située à environ 250 kilomètres de la côte occidentale de la Californie mexicaine. Elle a été achetée par une compagnie formée aux États-Unis et reconnue le 25 janvier 1873. La Guadalupe Island Company se livre exclusivement à la production de chèvres à toison, tant par l’élève de la race d’Angora pure, que par l’amélioration de la race indigène au moyen du croisement. Les explications suivantes ont été fournies sur ses travaux et ses résultats par M. Harrison Gray Otis au « Forest and Stream » de New-York.

Aussitôt en possession de son île, la « Guadalupe Island Company » y débarqua une troupe de beaux boucs angora, destinés à produire avec les chèvres indigènes des individus à toison, si faire se pouvait.

Il faut dire avant tout que l’île Guadalupe renfermait, lors de son achat, un nombre considérable de chèvres. Dans les cinq années précédentes, 32 000 avaient été tuées, rien que pour leur peau et leur suif ; il en restait encore environ 20 000. De ces 20 000, la moitié, étant mâles, seront tués, afin d’arrêter la production des individus sans toison. Les 10 000 femelles seront conservées, pour être croisées avec des boucs angora de premier choix.

Quant à la valeur de ces métis, l’expérience est faite. Le troisième croisement, ayant 7/8 d’angora, donne des chèvres à toison magnifique. Par suite du croisement répété, le sang d’angora prendra sans doute de plus en plus la prédominance ; il absorbera la race primitive, il s’y substituera ; et la belle chèvre d’Asie sera ainsi acquise à l’Amérique.

Il y a longtemps que cette conquête est l’objet d’efforts intelligents. M. Landrum, maintenant directeur du Rancho-Guadalupe, avait réussi à faire reproduire la chèvre d’Angora aux États-Unis, il y a déjà douze années ; et, depuis, il ne cessait d’en prêcher l’élève sur la côte de l’océan Pacifique : outre la grande valeur que lui donne sa toison, cette espèce ne perd rien, sous le climat californien, de ses admirables qualités prolifiques ; elle y est aussi robuste et rustique que dans son pays originel.

Veut-on savoir maintenant sur quoi repose l’entreprise de la Guadalupe Island Company ? En calculant sur un accroissement de 25 p. %, c’est-à-dire bien moindre qu’il ne l’est réellement en Cali-