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LA NATURE.

Comme l’expérience enseigne que pour un volume d’acide carbonique, décomposé par les parties vertes des plantes, il y a un volume d’oxygène mis en liberté, c’est-à-dire un volume d’oxygène précisément égal à celui que renferme l’acide carbonique et que la décomposition de ce dernier n’est, ainsi qu’il vient d’être dit, que partielle ; il faut forcément que l’eau soit décomposée en même temps que l’acide carbonique et qu’elle nous donne par sa décomposition le demi-volume d’oxygène nécessaire pour compléter celui qui apparaît au moment de l’insolation, de telle sorte que la décomposition est représentée de la façon suivante.

1 vol. acide carbonique = 1 vol. oxyde de carbone + 1/2 vol. oxygène ;

1 vol. vapeur d’eau = 1 vol. hydrogène + 1/2 vol. oxygène.

L’oxygène dégagé présente donc un volume égal à celui de l’acide carbonique décomposé, et laisse en présence de l’oxyde de carbone et de l’hydrogène en volumes égaux qui, en s’unissant, doivent fournir dans les végétaux un des produits qu’on y rencontre le plus abondamment dans le jeune âge, le glucose, qui est précisément représenté par de l’oxyde de carbone et de l’hydrogène, ou encore du carbone et de l’eau. Or ce produit n’a jamais pu être préparé directement ; il est impossible, jusqu’à présent, de l’obtenir par synthèse, et toutes les tentatives faites pour unir l’oxyde de carbone à l’hydrogène ont été impuissantes ; c’est cependant un problème du même ordre qui vient d’être résolu par MM. Thénard, et c’est là, à notre sens, un des points les plus importants de leurs nouveaux travaux. Ils n’ont pas obtenu, il est vrai, la matière organique, non encore dénommée, qui est venue se condenser sur leur tube en combinant directement l’hydrogène et l’oxyde de carbone, mais en employant l’acide carbonique et le formène, dans lesquels on rencontre les éléments en mêmes proportions ; en effet, au lieu d’avoir :

2 vol. oxyde de carbone renfermant 
1 vol. oxygène,
1 vol. vap. de carbone.
2 vol. hydrogène.

ils ont employé :

4 vol. acide carbonique renfermant 
4 vol. oxygène.
2 vol. vap. de carbone.
4 vol. hydrogène carboné renfermant 
2 vol. vap. de carbone.
8 vol. hydrogène.

dans lesquels l’oxygène et le carbone sont, comme dans le premier cas, en volumes égaux, et l’hydrogène en volume double ; on peut donc considérer l’expérience de MM. Thénard comme ouvrant une nouvelle voie à la synthèse des matières organiques, déjà si brillamment étudiée par M. Berthelot.

Appareil employé par MM. Thénard pour faire circuler le gaz dans les tubes à effluves.

Le premier appareil employé par MM. Thénard présentait un inconvénient : les gaz n’y circulaient qu’assez difficilement, leur mélange n’était pas aussi complet qu’on pouvait le désirer : on ne pouvait pas les renouveler aisément. Ils ont levé cette difficulté à l’aide de l’appareil que représente la figure ci-contre. On voit que l’électricité de la bobine se distribue dans les deux tubes à godets remplis de chlorure d’antimoine, et formant l’un le tube central, l’autre le manchon extérieur entre lesquels circulent les gaz qui sont mis en mouvement d’une façon continue, à l’aide d’un mécanisme très-ingénieux, celui d’une trompe à mercure. On reconnaîtra, en effet, à l’inspection de notre figure, que le mercure placé dans le grand vase solidement fixé en haut de l’appareil, peut s’écouler goutte à goutte dans le tube vertical de droite, et entraîner chaque fois dans son mouvement une certaine quantité du gaz emprisonné entre deux gouttes consécutives ; l’excès de mercure retombe dans la cuve dans laquelle chemine le tube horizontalement, tandis que le gaz entraîné, reçu dans un entonnoir plongeant dans le mercure, s’engage de nouveau dans l’espace annulaire où il est soumis aux effluves. On conçoit enfin que si les gaz en s’unissant donnent une matière liquide ou solide, ce qui ne peut avoir lieu que par une forte diminution de volume, il soit possible de faire pénétrer par l’entonnoir, placé sous le mercure, une nouvelle proportion des gaz qui, sous l’influence de l’effluve, doivent réagir l’un sur l’autre.

MM. Thénard, qui nous ont permis de faire prendre pour la Nature le dessin de l’appareil encore inédit qu’ils emploient à leurs recherches, l’utilisaient, au moment de notre visite, à des recherches délicates qui relient de la façon la plus heureuse les anciennes recherches de M. P. Thénard à celles qu’il