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LA NATURE.

par les Jivaros, sont comme toutes celles des tribus guerrières de l’Amazone, de véritables trophées. « Ils laissent croître leurs cheveux, dit le missionnaire, et ils en forment une longue tresse à laquelle ils attachent le plumage d’oiseaux par eux abattus. Quand ils vont en guerre, et quelquefois aussi pendant les fêtes solennelles, ils suspendent à cette tresse les têtes des ennemis tués de leurs mains. »

L’étude de ce curieux trophée, n’offre pas seulement l’intérêt d’une simple curiosité, elle fournit, comme on l’a dit précédemment des arguments d’une valeur véritable en faveur de l’assimilation des Jivaros à la race guarani et offre à ce point de vue une incontestable importance au point de vue anthropologique.

« Les armes, dit M. Hamy, les ornements variés, les peintures, etc., que nous connaissons à ces mêmes Indiens ; la lance, la javeline et la sarbacane, le bouclier rond, la couronne de plumes ou de peau de singe, les colliers de dents d’hommes, de singes et de jaguars, les ornements en graines noires, blanches et rouges, les roseaux qu’ils se passent, dans le lobule de l’oreille pour y fixer des plumes, les peintures jaunes et noires dont ils s’ornementent le corps, tout cela est commun aux Jivaros et à la plupart des Indiens de l’Amazone, du Brésil ou de la Guyane. Nous ne pouvons pas entrer dans le détail des assimilations, qui se présentent en trop grand nombre. Bornons-nous à constater que nous sommes amenés par l’ethnographie, aussi bien que par l’étude de la nomenclature ethnique à classer les Jivaros parmi les Guaranis, et par conséquent à reporter vers l’est, jusqu’aux bords de la rivière Chincipe, la limite connue de ce grand groupe ethnique. Déjà, dans le Sud, d’Orbigny a trouvé les derniers Guaranis sur les premiers contre-forts des Andes boliviennes. Il en est de même plus au nord, et une partie des vastes régions laissées en blanc sur la carte ethnologique de Prichard peuvent, presque à coup sûr, recevoir, dès aujourd’hui sur cette carte la coloration générale attribuée aux pays de race brésilio-guaranienne. Il manque à cette délimitation nouvelle la sanction de l’anthropologie descriptive, qui, nous l’espérons, ne se fera pas trop longtemps attendre. »

Complétons ces documents si curieux, par quelques aperçus empruntés au même auteur, sur la physionomie et les mœurs de ces sauvages. « Quelque incomplètes et vagues que soient les descriptions connues des Jivaros, nous devons les reproduire avec les quelques développements, qu’ont pu leur donner les voyageurs. Ils nous montrent les Jivaros d’une taille svelte, dépassant un peu la taille ordinaire chez les hommes, plus petite que la moyenne chez les femmes. Le corps est bien pris ; les membres sont bien musclés, robustes et agiles; la constitution est forte et saine. On ne nous dit rien de la forme de la tête ; la face paraît être orthognathe ou peu prognathe ; le front est découvert, le nez aquilin, parfois un peu recourbé ; les yeux sont petits et noirs, horizontalement dirigés et très-animés ; les lèvres sont minces et les dents d’un blanc d’ivoire. Les cheveux, habituellement fort noirs, sont parfois d’un brun roussâtre ; la barbe est rare, et lorsqu’elle est plus apparente, on l’attribue, comme le teint clair de quelques individus, au croisement avec les Espagnoles.

« Il n’y a, malheureusement, dans ce portrait du Jivaro rien de bien caractéristique. Au moral, le Jivaro met au service des goûts les plus belliqueux un courage à toute épreuve et une remarquable astuce. Son caractère est indomptable, et il pousse au plus haut degré l’amour de son indépendance. Il parle généralement un des treize dialectes mentionnés par Velasco. Quelquefois, comme chez les Aguarunas, il s’y joint un peu de quechua ; il paraît même que les noms de nombre au-dessus de cinq sont empruntés à cette langue, et Mateo Paz Soldan a pu croire, avec quelques autres écrivains, que certains Jivaros auraient été jadis soumis par les Incas. »


LE PAYS DES DIAMANTS

L’Académie des sciences, dans sa séance du 27 octobre, s’est occupé de ces diamants du Cap dont l’arrivée sur les marchés européens n’a pas été sans influer d’une manière sensible sur les cours habituels. Avant de parler de la constitution et de la nature de ces diamants, il nous semble utile de donner quelques détails géographiques sur le pays où on les récolte.

Sur la côte occidentale d’Afrique, au-dessus du Cap de Bonne-Espérance, s’étend la colonie de Natal qui est devenue en peu d’années l’entrepôt de toutes les marchandises de l’intérieur et principalement des deux républiques d’Orange et du Transvaal, privées de communications directes avec la mer.

Ces deux États ont été fondés par des boërs, colons descendants des Hollandais, anciens possesseurs du pays. La république du Transvaal, qui nous occupe particulièrement, située en plein pays des nègres Betjouanas, est bornée au nord par le Limpôpo, au sud par le Vaal, affluent du Gariep, ou Orange. Avant la découverte des diamants, la population ne s’élevait guère au-dessus de 50 000 individus dont la moitié appartenait à la race blanche. Les richesses minérales sont nombreuses, ce sont le fer, l’étain, le plomb, la terre à porcelaine, l’ocre, l’alun, le salpêtre, le charbon de terre, etc. Cependant, aucune de ces richesses n’aurait été exploitée, si la découverte de l’or n’avait appelé l’attention universelle sur un pays dont le nom était à peine connu en Europe. Un voyageur allemand, Carl Mauch, fut le premier qui rapporta de ses courses aventureuses quelques échantillons de quartz aurifère. En 1867, il adressait au gouvernement de Natal un rapport favorable sur des mines d’or qu’il avait découvertes. Le bruit n’en fut pas plus tôt répandu qu’une foule d’émigrants et de mineurs venus d’Angleterre, d’Australie et d’Amérique fondirent sur le Transvaal. Les routes s’ouvri-