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LA NATURE.

confort tout à fait impérial, mais il n’en est pas moins fort ingénieux.

Vénus prise pour une comète. — On a fait remarquer, il y a déjà quelque temps, que la prétendue comète visible le matin n’était autre que Venus, alors dans une période de grand éclat. Il n’est point inopportun d’ajouter que ce n’est pas la première fois que la même erreur est commise à Paris. Elle le fut en 1759, au mois d’août, alors qu’on attendait le retour de la comète de Halley, événement prédit pour cette année et qui se réalisa. Vénus se montrant le soir, des milliers de spectateurs se rendaient sur les quais et sur la terrasse des Tuileries afin de l’observer et croyant regarder la comète. Pour détromper le public il fallut un avis de l’Académie des sciences.

Les nuages artificiels contre la gelée des vignes. — Dans notre numéro du 8 novembre, nous avons rapporté les expériences si intéressantes de M. Fabre de Rieunègre sur les nuages artificiels et les moyens de les produire. M. Roussel, de Nice, vient d’adresser au Journal de l’agriculture une note dans laquelle il dit que pour faciliter l’exécution pratique des moyens préservatifs contre les gelées printanières, il signale à M. Fabre de Rieunègre l’emploi de thermomètres métalliques, grossièrement construits pour cet usage, suspendus en plein air et qui pourraient soit par une détente et une allumette, mettre directement le feu aux amas de matières combustibles, soit au moyen d’un fil et d’une communication électrique, signaler aux intéressés l’abaissement de la température et le danger qui menace les récoltes. Dans les deux cas, les moyens préservatifs ne seraient employés qu’à coup sûr, on éviterait une surveillance pénible et on pourrait agir à propos et sans peine. Un simple ressort à boudin en fil de fer ou d’acier, gradué à zéro, pourrait servir de thermomètre métallique avertisseur des gelées.


ACADÉMIE DES SCIENCES
Séance du 24 novembre 1873. — Présidence de M. de Quatrefages.

Double élection de correspondants. — Deux places de correspondants étaient vacantes dans la section de chimie. A l’unanimité, M. Willamson a été appelé à remplir la première ; la seconde a été donnée à M. Ginin.

Étoile double. — Au nom de M. Camille Flammarion, M. Faye communique des recherches relatives à une étoile double faisant partie de la Grande Ourse. En rapprochant et calculant les observations dont cette étoile a été l’objet depuis 90 ans de la part de Struwe, d’Herschel et d’autres astronomes, l’auteur est arrivé à représenter graphiquement son orbite. Le résultat serait que l’orbite au lieu d’être une ellipse représenterait une courbe ouverte ; cette anomalie disparait d’ailleurs si l’on écarte celle des observations qui sont les plus anciennes et, par conséquent, les moins précises.

Perfectionnement au raffinage du sucre. — Le raffinage du sucre exige, pour se bien faire, que les jus ne soient point acides et même qu’ils possèdent une légère réaction alcaline. Mais d’ordinaire on n’obtient cette condition qu’en introduisant dans le sirop une quantité considérable de sels calcaires et leur effet est d’augmenter la proportion des mélasses au détriment de la quantité totale de sucre cristallisable. Un perfectionnement notable est, à cet égard, réalisé par le procédé que M. Lagrange fait connaître aujourd’hui par l’entremise de M. Péligot. Voici en quoi il consiste :

On commence par déterminer la quantité de sel calcaire contenu dans la dissolution sucrée, et l’on précipite la chaux par addition convenable de phosphate d’ammoniaque. L’acide sulfurique provenant du sulfate de chaux ainsi décomposé est précipité lui-même presque complètement par la baryte, puis le liquide, après ébullition, est jeté sur un filtre ordinaire. Le sirop obtenu fournit un rendement de 2 à 3 % plus considérable que par la méthode ordinaire ; et cette différence est très-notable vu la masse de sucre fabriqué. Il reste sur le filtre des tourteaux de phosphate de chaux qui reçoivent, en agriculture, un emploi très-avantageux.

L’amylamine en médecine. — M. le docteur Dujardin Beaumetz signale les bons effets thérapeutiques qu’il a retirés de l’emploi du chlorhydrate d’amylamine. Cette substance, qui est un poison violent à dose un peu forte, possède en petite quantité la propriété souvent utile d’abaisser le pouls et la température.

Sondages dans la Méditerranée. — C’est au milieu des marques du plus vif intérêt que M. de Lacaze Duthiers résume, mais pour y revenir ultérieurement, les résultats de la mission qu’il vient de remplir dans la Méditerranée. Chargé du relevé hydrographique des côtes de l’Algérie, M. le commandant Mouchez demandait depuis longtemps que des naturalistes vinssent, à bord du Narwall, étudier les produits fournis par des innombrables sondages. MM. de Lacaze Duthiers et Bélain furent chargés de répondre à cet appel, le premier pour étudier les productions zoologiques des régions explorées, et le second pour contribuer à la connaissance de leur constitution géologique.

Pendant les cinq mois que dura le voyage de Gibraltar à la côte de Tunisie, M. Bélain fit régulièrement à peu près une lieue par jour, sur la terre ferme, et il recueillit ainsi de nombreux échantillons qu’il se propose de décrire dans ses communications ultérieures. En même temps, il étudia la composition lithologique des fonds sous-marins où poussent les coraux.

Ce sont, en effet, ces fonds coralligènes que M. de Lacaze Duthiers désirait particulièrement revoir. Revoir, car il les avait déjà étudiés de 1860 à 1862, mais sans les épuiser. M. Carpenter, dans son récent et célèbre travail, a avancé que le littoral de l’Afrique ne fournit rien à la zoologie sous-marine. Or, M. de Lacaze Duthiers arrive à un résultat diamétralement contraire : ces fonds, stériles pour le savant anglais, lui ont livré des monceaux de merveilles et nombre de genres nouveaux.

Un des points qui ont surtout attiré l’attention de M. de Lacaze Duthiers, c’est le développement des polypiers. On ne trouve nulle part une étude prenant l’embryon pour le suivre jusqu’à l’état de polypier. On sait que dans le calice de ces animaux on trouve des cloisons se dirigeant vers le centre et offrant, en même temps qu’une symétrie parfaite, une grande inégalité de développement. Jusqu’ici on a cru que les plus petites étaient les plus jeunes, et c’est ce qu’on a voulu exprimer en disant que ces cloisons composent des cycles successifs. C’est même d’après cette considération qu’on a établi la classification des polypiers. Or, l’auteur conclut, d’études patiemment suivies, que les choses ne se passent point ainsi. Toutes les cloisons, quelles que soient leurs dimensions et par conséquent quelque soit le cycle auquel elles semblent appartenir, ont rigoureusement le même âge. Nées en même temps elles ne diffèrent les unes des autres que par leur développement inégalement rapide. Dans le cours de ce travail, M. de Lacaze est arrivé à faire développer les coraux dans de petits aquariums où il est facile de suivre toutes les phases de l’évolution de ces