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LA NATURE.

nenient, captée à l’endroit même où elle sort de terre, et tenue par conséquent à l’abri de toute influence pernicieuse. La source de la Dhuis a été prise à Pargny, dans le département de l’Aisne ; les sources de la Vanne, rivière qui sort du département de l’Aube pour aller tomber dans l’Yonne près de Sens, étaient plus nombreuses ; on en compte jusqu’à onze : la Bouillante, Armentières, Bime-de-Cerilly, Flacy, Chigy, le Maroy, Saint-Philibert, Malbortie, Caprais-Roy, Theil et Noé. Située à 173 kilomètres 83 mètres de Paris, à une altitude qui permettrait a ses eaux d’arriver, par une pente naturelle, sur un des points culminants de Pari ?, la Yanne a emprunté, sur une partie de son parcours, l’aqueduc d’Arcueil pour parvenir jusqu’à nous ; l’on a très-habilement profité du monument de Jacques de Brosse pour appuyer ; l’immense édifice qui nous amène les sources de la Champagne. Le canal qui les guide franchit les fortifications sur un petit pont construit pour le supporter, et l’eau aboutit enfin, par une conduite en foute de 1m,10 de diamètre, débitant 1 mètre cube par seconde, dans une bâche d’où elle se déversera dans les réservoirs.

Ceux-ci seront au nombre de quatre, deux à l’étage inférieur, deux à l’étage supérieur ; ils constituent les compartiments d’un vaste édifice dont la moitié à peine est élevée, et des dispositions particulières permettront de les faire communiquer soit deux à deux, soit tous ensemble, suivant les besoins du service, les nécessités des réparations, des nettoyages, etc.

Grâce à l’obligeance de M. Belgrand, directeur du service des eaux de la ville de Paris, nous avons pu visiter l’étage inférieur du réservoir, ou plutôt la moitié de cet étage, car il y aura un autre compartiment semblable, dont la construction n’est pas encore commencée.

Aucune comparaison ne pourrait servir à rendre compte de l’impression étrange que l’on éprouve en pénétrant dans ces immenses souterrains. L’œil est quelque temps avant de se faire à l’obscurité relative qui règne en ces lieux où les pas mal assurés ne s’avancent qu’avec précaution. Au loin brillent avec un éclat presque blessant d’abord, et qui ajoute même à l’incertitude de la vision, de grands soupiraux semi-circulaires, placés à une hauteur encore difficile à apprécier. Peu à peu, cependant, les ombres s’éclairent, le pied s’assure, et, au détour d’un pilier, se révèle presque suintement le spectacle fantastique dont la planche ci-contre donne l’aspect saisissant. Ces longues rangées de piliers en rocailles, se profilant de tous côtés sous les rayons blafards d’une lumière étrange, ces ombres qui s’entrecroisent en tous sens sur un sol sablonneux et semé de débris, ces voûtes hautes et étroites, sous lesquelles retentissent au loin, dans les profondeurs de la nuit, des voix et des bruits indistincts, les coups et les efforts de mystérieux travailleurs, tout concourt à former un ensemble empreint d’une sorte de poésie bizarre, à l’influence de laquelle il est difficile de se soustraire entièrement.

Mais ces impressions singulières ne nous empêchent pas d’examiner au point de vue pratique l’intérieur de cette vaste enceinte. L’extérieur du monument, il n’en faut point parler : il offrira l’aspect d’une masse énorme, aux murs nus, percés de quelques rares ouvertures, et ne constituera, pour le quartier peu favorisé où il s’élève, rien moins qu’un embellissement.

Le sol sur lequel nous marchons est celui que recouvriront les eaux, lorsqu’elles viendront noyer ces longues avenues et baigner, jusqu’à une hauteur de 5 m, 50 les élégants piliers qui se dressent de toutes parts. Ce sol, comme les piliers, comme les murs, comme les voûtes de ce réservoir inférieur, est en pierres meulières et ciment hydraulique dit de Yassy, dont les éléments essentiels sont la chaux, la silice et l’alumine, avec mie petite quantité de feret de magnésie. L’aspect rocailleux des piliers et des murs, qui donne, grâce aux jeux de la lumière, quelque chose de si pittoresque à cet étrange séjour, ne tardera pas à disparaître sous une couche de ciment d’une épaisseur variable : 90 à 100 000 mètres carrés d’enduit de 3 cent, pour tenir l’eau, sur les parois et sur le sol ; 60 000 mètres carrés d’enduits intérieurs, plus minces, de 55 millim. à 1 cent. , destinés à conserver les piliers et autres parties sur lesquels ne s’exercera pas aussi cnergiquement la poussée de l’eau.

Nous avons dit qu’il n’y avait encore qu’un seul compartiment d’édifié, celui où nous avons pénétré. Il estd’une surface de près de 2 hectares ; l’onycornpte 900 piliers, disposés en 30 rangées égales, à une distance de A mètres d’axe en axe. Ces robustes supports, destinés à résister au poids du compartiment supérieur, où seront emmagasinés jusqu’à 50 000 mètres cubes d’eau, ont à la base 1m,07 de côté ; puis ils vont s’eflilant jusqu’à la hauteur de 5m,80, où commencent les voûtes d’arête qui les unissent tous en un système élégant, d’une solidité à toute épreuve. Chacune de ces colonnes a 30 cent, de fondation et se dresse à 30 mètres au-dessus des catacombes, où l’on a fait, bien entendu, tous les travaux de consolidation nécessaires.

A l’étage supérieur se trouvera un égal nombre de piliers, qui seront pour ainsi dire les prolongements des piliers inférieurs ; seulement, cet étage sera moins élevé que l’autre ; ses colonnes, qui n’auront pas besoin d’être aussi fortes, supporteront des voûtes également plus légères que celles des substrnetions, et bâties simplement en briquettes. Le tout sera recouvert d’une maçonnerie plus ou moins épaisse pour servir de toit.

Ces quelques détails permettent déjuger de l’importance de l’œuvre. La construction a dû être poursuivie avec des soins tout exceptionnels et dotée d’une puissance de résistance énorme ; les murs de contrefort ont 21m,80 à la base, et l’on calcule qu’il entrera dans l’édifice entier environ 75 000 mètres cubes de maçonnerie en meulière. La dépense totale s’élèvera, y compris l’achat des terrains, entre 5 et G

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