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LA NATURE.


bois ; le mécanicien, en prenant les plus grands soins de ne rien déranger, construit, pour maintenir chacun des os, des bracelets à charnières ou des colliers plus ou moins complets qui sont tous raccordas et ajustés sur six tiges principales, dont quatre supportent les membres et deux la colonne vertébrale.

La grande difficulté, dans ce travail extrêmement compliqué, consister dissimuler autant que possible les nombreux embranchements de fer et à réserver le moyen de pouvoir démonter aisément, au besoin, le squelette dans son ensemble ou dausquelques-unes de ses parties.

Ce sont là des dispositions qui sont rendues nécessaires, et pour les besoins possibles de l’étude, et pour obvier au défaut de consistance des os fossiles, qui ne peuvent être ni percés ni soutenus intérieurement par des tiges métalliques, et enfin, pour assurer la possibilité du déplacement d’un squelette colossal.

C’est vraiment quelque chose de curieux que de voir, lorsque l’animal est démonté, ce que l’on peut appeler le squelette de fer du mégathérium, avec toutes ses pièces si compliquées, si nombreuses et si bien exécutées pour se dérober à la vue lorsque les os sont remis en place.

Après avoir eu connaissance de ces détails, on ne sera pas surpris d’apprendre que le mégathérium, qui est aujourd’hui une des pièces les plus intéressantes et les plus remarquables de notre grand musée national, a été l’objet d’une dépense d’au moins 35,000 francs, dont quinze seulement pour le montage ; mais l’argent employé au profit de la science n’est jamais à regretter et l’on ne peut qu’applaudir à un pareil emploi des fonds publies.



LES ILES SOULOU

Un différent analogue à l’affaire du Virginius s’est dernièrement élevé entre l’Espagne et l’Allemagne. Des croiseurs espagnols ont saisi des bâtiments chargés de contrebande de guerre pour les îles Soulou et lrclés par des Allemands établis aux Philippines. Si nous connaissons fort peu la géographie do notre propre paysf nous ignorons complètement celle de l’extrême Orient, il ne sera donc pas sans intérêt de donner quelques détails sur un archipel peu fréquenté des navigateurs et dont les Allemands en quête de colonies semblent avoir le dessein de s’emparer.

L’archipel des Soulou s’étend de l’extrémité S.-O. de Mindanao, la plus méridionale des Philippines, à l’extrémité N. —E. de Bornéo, entre 4 et 7° de latitude nord et 116 et 120° de longitude est. Ces îles, au nombre dû cent vingt, d’après M. Domeny de Rienzi, qui les visita au commencement du siècle, forment une chaîne de 100 lieues de long sur 20 lieues de large. La plus grande est Bassilan qui a donné son nom au détroit, puis viennent Tawi-Tawi, Siboutou, Siassi, Tapoul, Pata, Pangoutarau, Cagajan, Dassaan, Gouham, les îles Ariston, du

Tribun, etc. Cet archipel de formation madréporique et volcanique est très-boisé ; parmi les essences qui garnissent les flancs des montagnes, va rencontre le tek, lesagoutier, le camphrier, le cocotier, le sandal, tandis que les plaines très-fertiles produisent le riz, le cacao, la canne à sucre, le coton ainsi que le raisin, les mangues, le lancoun, excellent fruit de la grosseur d’une noix, le bolona, qui a quelque rapport avec la prune et qui a l’apparence du coing, l’orange, l’ananas et la plupart des fruits tropicaux. Sur la terre, les chevaux, les bœufs, les chèvres, les daims, les singes, les porcs sauvages ; dans la mer les cauris, les perles, la nacre, les tortues, et sur les rochers battus par les vagues ces nids de salanganes si recherchés par les Chinois, telles sont les principales productions de ces îles, dont la population est évaluée par les uns à 00, 000 et par les autres à 200, 000 habitants.

Lu trop petit nombre_d’obscrvations a été fait sur les Suulouaus pour qu’on soit bien fixé sur leur ethnographie. Cependant Dumontd’Urville, qui visita cet archipel en 1839, voit dans cette race un mélange de fiouguis, de lîissayas, de Malais et d’insulaires de Mindanao, réfugiés pour échapper au joug espagnol. Le caractère de ces peuples est mieux connu ; do tout temps adonnés à la piraterie, ils montrent la plus insigne main aise foi dans les rares relations commerciales qu’ils entretiennent surtout avec les Espagnols et les Portugais ; chez eux le vol, la perfidie, les guets— apens sont choses habituelles et les bâtiments qui relâchent à Soulou sont forcés de prendre les précautions les plus sévères contre les tentatives que les Soulouans ne manqueraient pas do faire, s’ils supposaient pouvoir réussir sans danger. Aussi le gouvernement espagnol est-il obligé d’entretenir un certain nombre de chaloupes canonnières qui font la police de l’archipel et courent sus à ces praos rapides, armés do petits canons do bronze qui se réunissent quatre ou cinq pour attaquer les bâtiments de commerce. A Soulou surnommée la Mecque orientale, règne sous le nom d’islamisme un matérialisme sensuel et grossier ou pour mieux dire une absence générale de religion ; on y voit, en effet, les mosquées en ruines, le vin, les liqueurs et la viande de porc en honneur ; quoique la polygamie soit hors d’usage, l’unique épouse est plus maltraitée que dans les pays étrangers à toute civilisation.

Chose étrange et contraire aux habitudes de l’Orient, pays d’absolutisme, le sultan n’a sur ses sujets qu’une puissance purement nominale, et son autorité n’est même pas suffisante pour faire respecter les traités qu’il a pu conclure avec les puissances étrangères. Le véritable pouvoir est entre les mains d’une sorte de conseil composé de quinze Datous ou nobles, tous parents plus ou moins proches du sultan, qui perçoivent les impôts et ne marchent qu’entourés de gardes. Leur méfiance réciproque, leurs titres à peu près égaux au pouvoir suprême, en les maintenant divisés, empêchent le renversement du sultan actuel. Quant à la capitule de ces