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LA NATURE.

plante sont alors dissous et entraînés, il ne reste plus que la partie ligneuse, réduite à l’état de bouillie d’une couleur foncée. On la lave, on la blanchit et on la traite comme la pâte de chiffons. Mais seule, la pâte de sparte serait trop cassante, on est donc obligé le plus souvent de la mêler avec de la pâte de chiffons.

Le développement rapide que prit en peu de temps cette nouvelle fabrication força bientôt les commerçants anglais à s’adresser à notre colonie algérienne. L’exportation, qui n’était en 1862 pour l’Algérie que de 450 tonnes, montait cinq ans plus tard à 4 120 tonnes, pour atteindre en 1870 43 218, en 1871 60 943, en 1872 44 007 tonnes. Le prix de vente à cette époque était en moyenne de 14 francs les 100 kilog., tandis que le chiffon atteint aujourd’hui 85 fr. les 100 kilog. Si, relativement à la quantité colossale de papier qui se fabrique en Europe seulement, chaque année, ces chiffres semblent faibles, on peut toutefois se rendre facilement compte des progrès accomplis en dix ans et prévoir quelle source inépuisable de richesse l’alfa doit être pour notre colonie. Jusqu’en 1869, l’Angleterre a été seule à se servir de l’alfa, et ce n’est qu’à partir de cette époque que la France et la Belgique ont commencé à s’en servir pour la fabrication du papier, car l’essai tenté, en 1862, par M. Carbonnel, qui avait pris un brevet pour le blanchiment et la préparation de la pâte à papier provenant du sparte, n’avait pas produit de résultats sérieux.

Tout d’abord les Arabes et les quelques colons adonnés à cette culture ont exploité les points les plus rapprochés du littoral et desservis par des routes carrossables ; mais grâce au développement et à l’extension qu’elles ont pris, les cultures se sont éloignées des côtes et se trouvent reléguées dans des cantons difficiles, à une grande distance des ports d’embarquement. Pour obvier à cet inconvénient, MM. Debrousse et Cie étaient depuis plusieurs années en instance auprès du gouvernement français pour obtenir la concession d’un chemin de fer de Saïda à Arzeu, c’est-à-dire de la frontière méridionale du Tell oranais à la mer. Cette convention vient, paraît-il, d’être signée entre le gouverneur général de l’Algérie et MM. Debrousse et Cie qui ont dû recevoir, au lieu d’une subvention en argent, une concession de 300 000 hectares de terres propres à la culture de l’alfa, qui seront mis en communication avec la Méditerranée par une ligne ferrée de 250 kilomètres. Enfin le Moniteur de l’Algérie annonce au même moment que, dans la province d’Alger, une puissante compagnie va commencer des études pour la construction d’un chemin de fer qui mettrait en communication avec la préfecture les terres à alfa du sud de la province, et qui se relierait à Aflreville, au chemin du fer d’Alger à Oran. Malheureusement, si l’alfa est de plus en plus recherché par les Anglais, appréciateurs éclairés des qualités qu’il possède pour la fabrication du papier, s’il a été particulièrement remarqué au milieu des productions de toute sorte envoyées à l’Exposition de Vienne par notre fertile colonie algérienne, il n’a pas eu jusqu’ici le même succès chez nous, qui ne voulons rien changera nos habitudes routinières et qui nous traînerons bientôt, grâce à cette apathie, à la remorque de nations plus actives, plus ingénieuses, qui marchent à grands pas dans la voie du progrès et de la prospérité.

Gabriel Marcel.

LES RADEAUX IMPROVISÉS

L’année 1873 a été, comme on le sait, exceptionnellement féconde en naufrages. D’après le Journal du Havre et le Shipping Gazette, le nombre des sinistres enregistrés à la fin de décembre dépassait 2 200, tandis que la moyenne ordinaire n’est que de 1 200. Cette triste période fut ouverte par le grand naufrage du North-Fleet, rencontré près du Dungeness par le Murillo. Nous n’avons point à revenir sur cette horrible tragédie, dans laquelle le capitaine espagnol fit preuve d’une barbarie digne des temps sauvages, abandonnant lâchement ceux qu’il venait de couler bas, afin d’ensevelir dans l’Océan toutes les conséquences de sa fausse manœuvre. Ces scènes révoltantes excitèrent de l’autre côté du détroit un sentiment de réprobation universelle, en même temps qu’un vif désir de protéger la vie des marins à la mer. Le lord-maire se mit à la tête d’une souscription en faveur des victimes du North-Fleet. Mais ce n’était point assez de soulager tant d’infortunes, il fallait encore diminuer les chances du retour de ces grandes catastrophes ; il fut donc décide qu’on organiserait à Mansion-House une exposition payante de tous les moyens de sauvetage. Des expériences pour signaux furent instituées sur la Serpentine River.

Parmi les idées nouvelles qui excitèrent quelque intérêt, nous signalerons la fabrication des radeaux instantanés, à l’aide des débris de la passerelle servant aux commandements du capitaine, et qui viennent d’être le nouvel objet de l’attention publique en Angleterre. Nous n’avons pas besoin d’entrer dans de longues explications à ce sujet, car les vignettes que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs nous dispenseront de tout commentaire. On voit d’un côté les parties du navire qui sont destinées à constituer ce radeau, et, de l’autre, le radeau flottant à la surface de l’eau, On peut même, comme l’indique notre gravure inférieure, le garnir de voiles de fortune permettant de tenir une certaine direction à la mer.

La vitesse avec laquelle les navires disparaissent dans les abîmes océaniques, dans le cas de collision notable, oblige à se préoccuper de procédés de ce genre. Il faut augmenter systématiquement, et sans nuire à la solidité des manœuvres, le nombre des pièces de bois susceptibles de flotter et de maintenir des hommes nageant à la mer. Le poids d’un homme