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LA NATURE

duit librement. On l’a redomestiquée avec la plus grande facilite.

Quoi qu’il en soit, cette race n’est pas la seule dont les produits sont entrés dans la civilisation ; elle se croise aussi bien avec les suivantes qu’elle se reproduit sur elle-même. C’est à ce point de vue que toutes sont intéressantes, parce qu’elles ont produit toutes les espèces et les variétés connues.

La seconde race des Jungles est le coq de Sonnerat (Gallus Sonneratii), qui vient de l’Inde méridionale. On le reconnaît surtout aux tuyaux aplatis des plumes de sa collerette, qui le font paraître comme couvert de taches de cire à cacheter jaune. De même que la précédente, fréquemment introduite maintenant en Europe, cette espèce s’est reproduite et croisée à volonté ; mais, en plusieurs endroits, faute de premier sang pour remonter la race, les hybrides se sont bientôt perdus dans la masse des volailles domestiques. En Angleterre, cet oiseau est très-recherché, non-seulement par les marchands, mais surtout par les fabricants de mouches artificielles pour la pêche des truites et saumons.

Une troisième espèce est le coq fourchu (Gallus furcatus) ou (Galtus varius), qui se distingue spécialement par les plumes de sa collerette, larges et arrondies à leur extrémité, et qui sont revêtues d’une splendide couleur vert métallique. Les plumes du dos sont colorées en orange vif avec le milieu noir. Les deux plumes du milieu de la queue sont recourbées extérieurement et fourchues, ce qui lui a valu son nom. Sa crête est arrondie dans son contour général, et il n’a qu’un barbillon médian au lieu des deux que portent toutes les autres espèces. On le tire de Java et des autres îles de l’archipel malais. Il reproduit bien en Europe et donne de beaux métis.

La quatrième race de coqs des Jungles est renfermée dans l’île de Ceylan, et malheureusement on l’apporte trop rarement vivante en Europe. Celui-ci est non-seulement remarquable, parce qu’il est propre à cette île, mais parce qu’il est commun dans toutes les parties qui ne sont pas cultivées et où le jungle n’est pas trop haut.

Quoique spécialement habitant des plaines basses, on le rencontre souvent en très-grand nombre sur de hautes collines, où il est attiré par l’abondance du nilloo ; c’est le nom d’une espèce de cornière qui croît à 2 000 mètres environ d’altitude. Les botanistes savent mieux que nous si les graines des acanthacées contiennent un poison narcotique ou énervant quelconque ; mais, ce qui est certain, c’est qu’après que notre coq a mangé le nilloo pendant un certain temps, il devient comme à moitié aveugle et stupéfié, si bien qu’on le tue alors à coups de bâton. Sont-ce bien les graines du nilloo qui produisent cet ahurissement, cette espèce d’ivresse profonde ? On est disposé à en douter quand on sait, d’ailleurs, que ces fruits sont absolument inoffensifs pour les autres animaux et l’homme. Il semblerait plus probable que ce serait quelque plante autre, quelque champignon ou lichen, poussant au moment de la fructification du nilloo, qui enivrerait ainsi le coq des Jungles.

C’est au point du jour qu’on l’entend pousser ses plus grands cris, et pendant une heure ou deux après le lever du soleil. Si ces oiseaux sont un peu nombreux, on les entend alors se répondre de toutes parts. À ce moment, si l’on se tient parfaitement immobile entre deux coqs qui se défient réciproquement et s’approchent peu à peu l’un de l’autre, on peut les tuer en même temps d’un coup de fusil.

Quelques chasseurs parmi les naturels sont d’une adresse incroyable pour appeler les coqs des Jungles, en frappant un pli flottant de leur vêtement, de manière à produire exactement le bruit d’ailes de l’oiseau qui s’abat. Il ne faut pas perdre de temps pour tirer en ce moment, parce que les coqs découvrent la supercherie, en jetant un coup d’œil autour d’eux, et à l’instant ils fuient en courant, la queue basse, comme les faisans.

Il n’est, au reste, pas difficile, dans un jungle convenable, d’approcher le coq qui chante jusqu’à bonne portée de fusil. On le trouve généralement se pavanant de côté et d’autre sur les branches horizontales de quelque arbre, élevant et baissant la tête, et poussant de temps à autre son cri, que l’on a rendu, en anglais, par les syllabes suivantes : george, joijce ! george, joijce ! précédées de ek ! ek !

Ce nom populaire lui est resté.

Lorsque l’animal est bien rassuré et dans son canton, on voit quelquefois le coq paître avec ses poules, mais c’est rare. Ordinairement, les poules sont extrêmement farouches, et l’on parvient à en tuer très-peu.

Dans les villages du pays, ces coqs reproduisent avec les poules domestiques, et l’on y voit souvent des petits coqs de jungles, nés sous des poules ordinaires, courant avec les petits poulets. Ils se montrent cependant toujours plus sauvages et, invariablement, perchent au dehors des portes du poulailler. Tôt ou tard, à moins qu’ils ne soient tués avant leur départ, ils regagnent les jungles. Cependant on en a élevé avec un peu plus de soins qui sont devenus complètement apprivoisés.

Le mâle a la crête jaunâtre bordée de rouge vif, les barbillons et les joues plus ou moins jaunes, mais tirant toujours sur le rouge ; la dimension de ces parties varie avec l’âge de l’animal.

Bec brun ; devant sale ; mandibule inférieure jaune pâle ; iris chamois ; pattes jaune pâle ; plumes du dos d’un bleu brillant et légèrement bordées d’orange.

Cet animal ne vit pas longtemps en captivité ; pour le faire arriver sûrement en Europe, il faudrait commencer par le bien domestiquer sur place, dans sa patrie ; ce qui ne semble nullement difficile.

Les jeunes coqs, par leur premier plumage, ressemblent aux poules, les plumes secondaires de leurs ailes étant barrées transversalement de bandes de brun vif et foncé ; les plumes du cou sont panachées ; ce n’est que plus tard que pousse la livrée masculine. Les poules ressemblent, plus que toute autre race,