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LA NATURE.

qu’à Shangaï qui se trouve à l’une de ses innombrables embouchures. Le problème géographique était résolu, malheureusement M. de Lagrée avait succombé aux fatigues du voyage.

De retour en France M. Francis Garnier commença la rédaction du récit de sa grande expédition.

M. Francis Garnier était occupé tout entier à cette œuvre éminente lorsque la guerre franco-allemande éclata. Son rôle était tracé ; il reprit l’épée et contribua à la défense de la capitale. Lorsque vint la capitulation, il signa avec quelques-uns de ses camarades de la marine une protestation généreuse, mais hélas ! inopportune et même imprudente.

Lorsque la paix fut signée, M. Francis Garnier se remit à son grand travail. Il n’était pas encore terminé lorsque le ministère de la marine lui confiait une nouvelle mission qui n’était que la continuation de la mission précédente.

Il accepta avec empressement, employant au travail les loisirs de sa traversée. Les dernières lignes de sa préface sont écrites à bord du steamer l’Hoaqly, elles portent la date du 9 octobre 1872.

Un télégramme récent nous apprend que l’infortuné voyageur a été assassiné, le 7 décembre 1873, par les indigènes du Tonkin, province limitrophe de nos possessions d’Indo-Chine, avec un autre officier de marine qui l’accompagnait dans sa mission scientifique.

Lorsque M. Francis Garnier revint de son grand voyage, la Société de géographie fit frapper en son honneur une médaille d’or. Son intervention n’aura pas été inutile, car nous apprenons avec plaisir qu’une expédition d’outre-mer se prépare déjà pour aller châtier les forbans du Tonkin, et une compagnie du 4e régiment d’infanterie de marine vient de recevoir son ordre de départ.

Nous sommes certains qu’elle ne tardera pas à prendre les mesures nécessaires, non-seulement pour venger ce martyr de la science française, mais encore pour consacrer sa mémoire, et que nous apprendrons bientôt qu’une souscription a été ouverte pour élever un monument en son honneur.


L’ORIGINE DE LA POULE

D’où viennent nos animaux domestiques ?…

Il est, pour la plupart, bien difficile de répondre à cette question si naturelle ! Tout fait penser que presque tous ont suivi les premiers Aryas dans leur migration vers l’Ouest, venant de l’Inde, ou du moins du grand plateau central asiatique. D’autre part, les restes des animaux domestiques et avec eux ceux du chien se rencontrent, pour la première fois, dans les sépultures des dolmens. Nous sommes donc amenés à attribuer au premiers Aryas la construction de ces curieuses sépultures, et cela sans nous appuyer sur tant d’autres preuves, dont l’une des plus imprévues fut la découverte, sur le plateau central, d’une peuplade ayant conservé le même genre de constructions. Mais passons…

Le bœuf, la poule, le chien, telle fut la triade qui dut accompagner le premier Arya pendant ses longues courses, et animer les alentours de sa tente ou de son chariot au milieu des déserts dans lesquels il s’arrêtait temporairement. L’histoire nous a conservé elle-même le souvenir de la poule au milieu des anciens campements des hordes barbares, s’abattant plus tard sur l’Europe. Rien ne nous empêche donc d’y voir la continuation des mœurs qui régissaient les premiers émigrateurs, à une époque où l’histoire n’en a pas pu conserver le souvenir. Les peuples qui l’écrivirent plus tard n’existaient pas encore !…

Il a fallu l’époque du bronze et celle du fer pour que les premiers chroniqueurs pensassent à tracer des récits pour leurs descendants. C’est le fait d’une civilisation comparativement très-avancée.

Nous ne dirons rien de la brebis ; faisait-elle partie des premières émigrations ? Tout le fait supposer. Ce furent donc quatre animaux que nos ancêtres premiers auraient asservis, en Asie, à leurs besoins de nourriture et de vêtement.

N’est-il pas curieux que, des quatre, nous ne puissions retrouver la filiation indiscutable que d’un seul ? Le coq et la poule.

Il n’y a plus à en douter aujourd’hui : les quatre races connues du Coq des Jungles ont fourni, par leurs croisements successifs, et par une domestication se perdant dans la nuit des temps, les innombrables races de poules que nous connaissons. Ce qui s’est passé pour le coq, en Asie, s’est passé pour le canard en Europe. Nous ne pouvons douter que le canard sauvage soit la souche de nos canards domestiques ; l’oie sauvage, la souche de notre oie de basse-cour.

Mais ce ne sont-là que des domestications toutes récentes auprès de la première.

Très-moderne aussi est la constatation de la filiation du coq et de la poule : elle date à peine de ces dernières années ! Car, au commencement de ce siècle, on doutait encore. Sonnerat avait bien trouvé la poule ; mais les communications étaient encore si difficiles, les spécimens si rares, que l’on hésitait, d’autant mieux que cette race est une de celles qui a peut-être le moins marqué dans le résultat final.

Il a fallu la continuité de l’occupation indienne par l’Angleterre pour amener la capture des nombreux spécimens qui ont tranché la question. Curieux effet, bien petit, d’une fort grande cause !

On connaît aujourd’hui quatre espèces très-distinctes du coq des jungles.

La plus commune est celle qui nous vient de l’Inde centrale, et dont le mâle ressemble absolument au petit coq de combat anglais de la variété noire et rouge, mais porte la queue plus rabattue. On donne à cette espèce le nom de Gallus Bankiva ou Gallus ferrugineus. On la regarde généralement comme plus particulièrement la souche de toutes nos poules domestiques avec lesquelles le coq repro-