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LA NATURE.

miel, ce qui est certainement un signe de faiblesse. J’ai pu constater combien, sous l’influence du froid et de la famine, la vitalité peut être diminuée chez ces insectes, car j’eus beau leur offrir d’excellent miel, elles n’y touchèrent pas, mais, en revanche, celles qui s’étaient abattues sur mes rideaux les avaient maculés ; elles s’étaient vidées, comme on dit en terme d’apiculture. Je compris tout de suite que la population de cette ruche était trop faible et sa provision insuffisante, qu’elle ne passerait pas l’hiver, je me hâtai donc de suivre les conseils de M. Hamet, le professeur d’apiculture, qui ne cesse, avec raison, de répéter que pour conserver ses ruches pendant l’hiver, il faut de fortes populations et une abondante nourriture. Je remportai ma ruche, qui est une ruche à hausse, et après avoir étalé un peu de miel sur les rayons, j’allai la poser sur une autre ruche, dont j’avais préalablement débouché l’ouverture supérieure, de façon à établir une communication entre les deux ruches superposées. Le lendemain je les visitai et je vis avec plaisir que toutes les abeilles de la ruche inférieure, alléchées sans doute par l’odeur du miel, attirées par la présence des abeilles qui étaient au-dessus d’elles, s’étaient transportées à l’étage supérieur. La réunion était faite, j’avais une population forte, et les conditions de chaleur, car plus les abeilles sont nombreuses moins elles ont besoin individuellement d’absorber de miel pour produire de la chaleur. Il est démontré, en effet, que les fortes populations ne consomment pas plus et par conséquent fatiguent moins que les populations faibles, pour entretenir la même température qui, dans une ruche, ne doit pas descendre au-dessous de 20 à 24 degrés.

Non-seulement il importe de développer la chaleur intérieure, mais il faut aussi faire en sorte qu’elle se conserve en ayant de bons paillassons, des plateaux assez élevés au-dessus du sol, et en ayant soin que l’air ne puisse pénétrer en trop grande quantité dans la ruche, car, dans les hivers longs et très-rigoureux, le miel en réserve se cristallise et alors les abeilles ne peuvent plus s’en nourrir. On prévient cet inconvénient en rétrécissant raisonnablement les entrées, en lutant exactement le contour entier des ruches pour en boucher toutes les fentes et tous les interstices ; c’est du reste ce qu’elles font elles-mêmes autant que cela leur est possible. Avec ces précautions, non-seulement on conserve une température suffisante, mais on se garantit des mulots, qui trouvent bon, pendant l’hiver, de venir établir leur nid entre le paillasson et la ruche et n’ont qu’à descendre, quand l’entrée n’est pas bouchée, pour aller grignoter les gâteaux de cire.

Quant à la nourriture des abeilles, si elle n’est pas suffisante, il faut la compléter. Cette nourriture est d’autant meilleure qu’elle se rapproche du bon miel. Plus elle est sucrée, plus elle convient. On peut donc, au miel fondu, ajouter du sirop de sucre et aussi du sirop de fécule, mais dans ce cas il ne faut pas en mettre plus d’un tiers. Le sirop de sucre peut s’administrer sans mélange, néanmoins avec un peu de miel on allèche mieux les abeilles. Le sirop, quel qu’il soit, doit être déposé sur un vase le moins profond possible et sur lequel on a eu soin de mettre des brins de paille, pour que les abeilles puissent se poser dessus sans qu’elles s’engluent. Il faut administrer les plus grandes quantités possibles de nourriture à la fois, soit un, deux, trois et, même quatre kilogrammes. Il faut poser le vase d’aliments sous la ruche de façon que ses bords touchent aux rayons. Il doit être placé le soir, et si la population est forte, il se trouve vidé le lendemain matin. S’il ne l’est pas entièrement, il faut veiller à ce que les pillardes n’y aillent mettre le nez, ce qu’on évite en rétrécissant l’entrée et en calfeutrant les autres issues.

En prenant toutes ces précautions, on est certain de conserver l’existence à ces laborieuses ouvrières qui, au printemps prochain, se mettront ardemment au travail et amasseront assez de miel pour elles et pour nous.

Ernest Menault.

LES MERVEILLES DE LA PHOTOGRAPHIE[1]
Par M. Gaston Tissandier.

Nous emprunterons à ce nouvel ouvrage que vient de publier la librairie Hachette, dans la Bibliothèque des Merveilles quelques passages qui ont trait aux diverses parties de l’art photographique. Après un premier livre sur l’histoire et les origines de la photographie, l’auteur aborde dans une deuxième partie les procédés et les opérations photographiques ; il s’efforce de donner au lecteur des renseignements précis et pratiques avec les ressources de nombreuses illustrations (fig. 1).

La troisième partie comprend les applications si nombreuses de l’art de Daguerre. C’est là qu’est surtout exposé le côté merveilleux du sujet : héliogravure, photogravure, émaux photographiques, appareils enregistreurs, photographie astronomique, etc., offrent une série de chapitres, où les faits abondent. Une large place est donnée aux si étonnantes dépêches photographiques du siège de Paris, dont la figure ci-jointe donne un fac-similé très-précis.

Nous rappellerons en quelques mots ces souvenirs ineffaçables de la photographie microscopique utilisée à l’aide des pigeons voyageurs.

On imprimait à Tours toutes les dépêches privées ou publiques sur une grande feuille de papier in-folio qui pouvait contenir 300,000 lettres environ. M. Dagron, sorti de Paris en ballon, réduisait cette véritable affiche, en un petit cliché, qui avait à peu près le quart de la superficie d’une carte à jouer. L’épreuve était tirée sur une mince feuille de papier, et plus tard sur une pellicule de collodion, qui, quoique ne pesant guère plus de 5 centigrammes, renfermait la matière de plusieurs journaux. Plu-

  1. 1 vol. in-18, illustré de 65 gravures et d’une planche photoglyptique. L. Hachette et Cie.