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LA NATURE.

M. Bunelle avait à sa disposition trois courants superposés : deux d’entre eux le ramenaient vers la terre, tandis que le troisième l’entrainait vers la Baltique (voyez la figure). Un choix judicieux, fait d’après les principes que nous avons exposés dans les Voyages aériens et essayé à plusieurs reprises de mettre à profit dans des circonstances moins favorables, avait produit ce miracle. Quelquefois les surfaces qui terminent ces couches d’air sont assez sensiblement régulières pour produire de très-curieux effets de mirage, comme cela est arrivé dans l’ascension de M. Gaston Tissandier au-dessus de la mer du Nord, où il avait à sa disposition, comme M. Bunelle, les courants superposés M. N. O. (voyez la figure ci-contre). Ces évolutions aérostatiques, scientifiquement exécutées, peuvent produire des plus heureux résultats dans un prochain avenir.

W. de F.

De l’utilité des oiseaux. — Un grand nombre d’agriculteurs reconnaissent aujourd’hui l’utilité de protéger les oiseaux. Cependant, dans nos campagnes, par un préjugé fatal, on est encore souvent sans pitié pour ces petits êtres qui, loin de nuire aux cultures, les garantissent de l’invasion des insectes nuisibles.

Un couple de moineaux, avant des petits à nourrir, détruit 3 360 chenilles par semaine, 40 par heure environ, sans compter les papillons et les vers. Les rouges-gorges, rossignols font la guerre à d’innombrables quantités de vermisseaux et de moucherons.

Un consciencieux observateur, M. Baxton, raconte qu’en Pensylvanie les paysans protègent les roitelets. Ils les excitent à s’établir près de leurs habitations, en fixant une boite en bois à une perche, où ces oiseaux ne manquent pas de s’abriter. On a compté le nombre de voyages exécutés par deux roitelets ainsi installés chez leurs hôtes. Chacun d’eux exécutait en moyenne 50 voyages par heure ; le minimum était de 40, le maximum de 60 — Dans l’espace d’une heure, l’un et l’autre étaient revenus 71 fois avec un insecte à leur bec. D’après ces observations, chaque oiseau aurait détruit environ 4 000 insectes par semaine. Les mésanges, les fauvettes, les rossignols, les pics et bien d’autres oiseaux sont les protecteurs de nos cultures. Ne regardons pas à leur sacrifier quelques cerises ou quelques framboises ; nous ne faisons ainsi que leur accorder la juste rémunération de leur besogne.

Les plus petits des coquillages. — Ce sont probablement les cocolithes, espèce de foraminifères, formés par un noyau et une enveloppe de manière à offrir une forme plus ou moins analogue à celle de la noix de coco dont ils portent le nom.

Leur diamètre varie de 1 millimètre à 4 millièmes de millimètre.

On vient d’en trouver un grand nombre dans les sondages que le Trieste, navire de la marine autrichienne, a exécutés sur les côtes de la Dalmatie, dans le fond de la mer Adriatique. Ces êtres rudimentaires sont répartis en quantités véritablement prodigieuses, et ils vivaient dans les âges antérieurs comme au notre. Un géologue allemand, ayant eu l’idée de faire le dénombrement des multitudes qui se trouvaient dans des marnes, en a compté jusqu’à 360 milliards par mètre cube.

Les étés extraordinaires depuis cent ans. — Le 14 août 1773, le thermomètre de l’Observatoire royal s’est élevé à 39°,4. C’est un chiffre qu’il n’a plus jamais atteint. Le chiffre de 38° n’a lui-même été obtenu que deux fois, en 1782 et en 1793. Depuis cette époque, le maximum n’a jamais dépassé 36°,7. Le chiffre de 36° a été atteint sept fois seulement depuis lors : le 8 août 1802 et le 31 juillet 1803, le 15 juillet 1808, le 19 juillet 1825 et le 1er août 1826, le 18 août 1842 et le 4 août 1857. il est à remarquer que deux fois ces maximums exceptionnels ont été consécutifs, circonstance qui n’est point exceptionnelle. — Ainsi le maximum absolu le plus élevé connu (40°) a été obtenu en 1763, situé dans une série d’années où les maximums ont été très-élevés. Le thermomètre de l’Observatoire royal marquait 39°, le 19 août 1763, 37°,5, le 22 juin 1764 ; 40°, le 26 août 1765, et 37°,8, à plusieurs reprises dans le cours de juillet 1766. De même, la température 39°,4 du 14 août 1775 était précédée par celle de 36°,8 du 24 juin 1772 ; d’autre part, les 38°,7 du 16 juillet 1782 ont été suivis par les 36° du 11 juillet 1783. Il est digne de remarque que la moyenne des maximums d’été, qui dépassait 35° au milieu du siècle dernier, n’atteint pas actuellement 33°. Un aussi grand phénomène a des causes qu’il ne doit pas être impossible de saisir et de définir.

Les graines de peuplier à Paris. — Depuis quelque temps on a pu remarquer un grand nombre de graines, répandues particulièrement sur les bords de la Seine, et en quantité assez abondante pour frapper l’attention des personnes les moins habituées à observer les phénomènes naturels. Ces graines, soutenues par des filaments très-légers, sont produites par les peupliers tant de Paris que des environs, qui, cette année, paraissent avoir été d’une fécondité prodigieuse.

Il est impossible de noter ce fait sans rappeler les travaux de Pallas, le célèbre naturaliste russe, sur les moyens d’utiliser ces longs et soyeux filaments aux mêmes usages que ceux de la graine du cotonnier. Peut-être, a-t-on trop négligé une essence si commune dans notre France agricole, et qui vient de donner sous nos yeux une preuve saillante de sa puissance. Est-ce que le proverbe : Nul est prophète dans son pays, s’appliquerait également aux plantes ? Dans l’état actuel de l’industrie, les filaments de la graine du peuplier ne servent qu’aux petits oiseaux pour rembourrer leurs nids. Eux seuls ont trouvé moyen de profiter d’un duvet si mollet et si doux. Ne serait-il pas sage de profiter de leur exemple ?

Le grand central asiatique. — M. F. de Lesseps vient de lancer une idée dont la réalisation serait encore plus grandiose que celle du canal de Suez. Il propose au gouvernement russe de construire un chemin de fer entre l’Oural et l’Indus, afin de réunir, par un railway sans solution de continuité, l’empire russe aux possessions anglaises de l’Indoustan, et par conséquent l’Europe à l’Asie, Calais à Calcutta. De Calais à Orenbourg, la distance est de 4 430 verstes ; de Orenbourg à Pechawer, on en compte 3 505 ; de Pechawer à Calcutta, 3 220; en tout, 11 155 verstes ou 11 900 kilomètres. La première et la dernière de ces trois sections sont parcourues par les locomotives ; il ne reste plus que la seconde à exécuter, ce serait le grand central asiatique.

Nous ne pouvons nous occuper ici des obstacles qu’oppose à l’exécution d’un tel projet la situation anarchique de l’Asie centrale, ni des facilités qu’il donnerait à l’expansion des idées civilisatrices dans cette région du globe. À ne le considérer qu’au point de vue technique, on doit avouer que les difficultés sont immenses. Entre Orenbourg et Samarcande s’étendent de vastes déserts stériles, sillonnés par quelques cours d’eau. De Samarcande à Pechawer, on traverse l’Afghanistan, pays de hautes montagnes. Il n’y a, dans ces contrées, ni industrie, ni commerce, en un mot, il n’y a rien de ce qui féconde un chemin de fer.

Mais il faut bien se dire d’autre part que le Grand cen-