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LA NATURE.

donné à l’arum une odeur épouvantable de viande morte, de suif, de telle manière que les mouches, attirées par cette odeur trompeuse, s’approchent de la plante, s’y posent comme sur de la chair en putréfaction, pénètrent dans la spathe et y sont retenues par les poils.

En allant et venant sur le spadice pour s’en échapper, elles transportent le pollen de la partie supérieure à la partie inférieure, et la fécondation étant ainsi effectuée, le fruit et la graine ne tardent pas à se développer.

Arum muscivorum.
1. Individu complet. — 2. Détail du pistil.

L’arum muscivorum présente en outre un phénomène curieux ; au moment de la fécondation, le spadice s’échauffe d’une manière très-sensible ; ce même caractère se retrouve dans deux plantes analogues, l’arum italicum et l’arum maculatum. Ces deux plantes, ainsi que quelques espèces voisines, sont très-dangereuses ; elles contiennent un principe âcre, brûlant, peu ou mal étudié jusqu’ici, mais qui a la singulière propriété de disparaître par la torréfaction.


CHRONIQUE

Bouée de sauvetage lumineuse. — M. Nathaniel Holmes a inventé un fanal qui prend feu instantanément et brûle pendant 45 minutes, par le seul fait de couper la pointe supérieure et de jeter l’appareil à la mer. Ce fanal se compose d’une forte boite cylindrique en étain, de 7 millimètres de diamètre, et de 10 centimètres de hauteur. À l’un des fonds s’élève un cône dont la pointe est percée, mais hermétiquement close, avec une coiffe en métal mou. Le cylindre est traversé dans son axe par un tube métallique percé de trous. C’est dans la partie vide qui entoure le tube à l’intérieur, que l’on place de la chaux chauffée dans un creuset avec une certaine quantité de phosphore. Le phosphure de calcium formé, mis au contact de l’eau, s’embrase et projette une belle flamme bleue au dehors.

Si un homme tombe à la mer par une nuit obscure, on jette cet appareil aussitôt l’accident. L’homme se dirige vers ce fanal, point commun du ralliement avec l’embarcation envoyée à son secours, qui, guidée ainsi, ne s’égare pas en recherches infructueuses.

La valeur d’une pomme de terre. — M. Tyndall, l’illustre savant populaire de l’Angleterre, a le don, comme autrefois Arago, de frapper l’esprit de ses auditeurs par des faits saisissants. Pour donner une idée de la reproduction des espèces végétales, il suppose qu’il n’existe plus qu’une seule pomme de terre. À elle seule, elle va suffire à repeupler le monde de ce précieux aliment nutritif. Qu’une fois plantée, elle reproduise dix pommes de terre, et qu’il en soit de même pour celles-ci, en dix ans on aura dix mille millions de pommes de terre, qui ensemenceront la terre entière. La valeur réelle de cette simple pomme de terre, ajoute M. Tyndall, serait telle qu’il vaudrait mieux, pour l’humanité, voir détruite la ville de Londres que de perdre ce tubercule.

Direction naturelle des aérostats. — M. Bunelle a exécuté avec le Jules-Favre une seconde ascension le 2 juin dernier. Il est parti, comme la dernière fois, de l’École des cadets. Il était accompagné par plusieurs voyageurs, au nombre desquels le délégué de l’Observatoire de Pullowa.

Cet habile aéronaute a cherché, comme dans sa première ascension, à profiter de l’alternance des courants aériens, et il est parvenu, en montant et en descendant successivement, à rester, pendant quatre heures, en vue de Saint-Pétersbourg. Les innombrables spectateurs qui suivaient les évolutions du Jules-Favre croyaient pour la plupart qu’ils assistaient à des expériences de direction aérienne.