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LA NATURE.

gons. Tous les voyageurs étaient confondus, quelle que fût leur situation sociale. Quand les railways s’étendirent à travers tout le continent, les gens riches demandèrent non point d’être isolés de la foule du public, mais d’obtenir, contre payement un peu plus de confort.

Plan de distribution d’un
wagon hôtel du New-York
central.

BB. Banquette à deux places. — B′B′. Siéges pour les employés du train ou les domestiques. — C′C′. Compartiments à trois places. — D′D′. Paliers extérieurs. — F. Compartiment des fumeurs. — G. Fontaine d’eau glacée. — L. Lavabo. — R. Appareil de chauffage. — V. Cuisine. — W. Water-closet.

C’est ainsi que les compagnies établirent des wagons-hôtels et des wagons-restaurants. Ces derniers ont eu peu de succès, car, après tout, les trains ont toujours des arrêts obligatoires d’assez longue durée, et le voyageur préfère en profiter pour prendre ses repas tranquillement assis devant une table immobile. Les wagons à lits sont adoptés au contraire sur toutes les grandes lignes. Le jour, ils ne se distinguent des wagons ordinaires que par une installation plus luxueuse ; le soir, les banquettes disparaissent pour faire place à des couchettes superposées deux à deux comme dans les paquebots. Ce sont des lits avec draps, couvertures, oreillers et rideaux. Le matin, chacun va à tour de rôle faire sa toilette au lavabo commun. Puis le domestique du wagon remet tout en place pour la journée.

À certaines époques, il y a eu de ces wagons-hôtels qui partaient deux fois la semaine de New-York pour Francisco. On pouvait monter en wagon à New-York et ne descendre qu’à San Francisco, six à sept jours après.

Le lecteur se demande sans doute à quel point une pareille organisation devrait être imitée en Europe. Notons d’abord que le besoin ne s’en fait guère sentir. Pour les voyages de courte durée, la forme du véhicule importe peu, pourvu que l’on y soit commodément assis et abrité contre la poussière. Pour les trajets très-longs, il n’est pas certain que les grands wagons américains, avec leurs chevilles ouvrières, se prêteraient aux vitesses de 60 à 80 kilomètres à l’heure qu’atteignent nos trains express. La réunion de tous les voyageurs en une seule salle contrarierait bien des personnes. Nos mœurs n’ont pas toujours la discrétion nécessaire à cette vie commune, quoique nous soyons dans les relations sociales plus polis et moins rudes que d’autres. Assurément il n’y a pas de raison suffisante pour engager les grandes compagnies à transformer tout leur matériel à la mode américaine ; mais il est désirable qu’elles essayent pour les trains de nuit quelque chose d’analogue aux wagons-lits des États-Unis et que, pour l’hiver, elles trouvent, comme les compagnies américaines, le moyen de chauffer avec des poêles leurs wagons de toutes classes.

H. Blerzy.

LES ARTS DISPARUS

Un savant anglais, M. Wendell Phillipps, a récemment démontré dans une conférence fort curieuse que plusieurs découvertes, réputées modernes, auraient été seulement retrouvées par nous, après avoir été connues des anciens : nous serions même, dans certains cas, des imitateurs imparfaits de procédés perdus depuis longtemps.

L’invention du verre, selon Pline, serait due au hasard : des marins, débarqués sur la côte d’Espagne, ayant allumé un feu destiné à la cuisson de leurs aliments, avaient formé le foyer de pierres recueillies sur le rivage ; ils auraient vu alors ces pierres couler par l’action de la chaleur, en formant une masse transparente qui se solidifiait par le refroidissement. Plusieurs savants ont repoussé la tradition de Pline, en soutenant qu’un feu de bois allumé dans de pareilles conditions ne pouvait fournir une température aussi élevée que celle de la fusion du verre. Or le professeur Shepherd raconte que, dans une de ses excursions aux environs de Mexico, il s’était servi, pour faire du feu, d’un bois très-dur semblable à l’ébène : grande fut sa surprise, en voyant de l’argent pur couler des pierres du foyer ; il est évident que, dans ce cas, la chaleur obtenue par la combustion du bois dur eût été suffisante pour fondre du verre. Rien n’empêche, dès lors, de supposer que les marins dont parle Pline avaient pu faire usage d’un bois analogue à celui-là ; ainsi disparaîtrait le reproche d’invraisemblance adressé, au récit de l’auteur latin. On a, d’ailleurs, trouvé à Pompéi, ensevelie depuis dix-huit siècles sous les cendres du Vésuve, une maison dont la pièce principale contenait une grande quantité d’objets en verre, fondu ou taillé, et même du verre à vitres :