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LA NATURE.

branche si féconde du savoir humain ; la Physique a eu son Volta, qui a su lui ouvrir d’immenses horizons, en donnant naissance à la pile électrique. – Mais il est d’autres sciences où de semblables progrès ne peuvent se manifester tout à coup. La Météorologie, par exemple, qui a pour but d’étudier les lois du mécanisme de l’atmosphère, doit déterminer chaque jour la température, l’humidité de l’air, noter les variations barométriques, les oscillations de l’aiguille aimantée ; le domaine où elle se meut ne comporte pas des conquêtes rapides ; science d’observation, elle ne peut rien attendre des hasards heureux de l’expérience. Le rôle de ceux qui s’y consacrent consiste essentiellement à recueillir chaque jour, à toutes les heures, des chiffres exacts et rigoureux ; l’espérance qui les anime, c’est de voir se multiplier les stations d’observation sur toute la surface des continents ; ils laisseront à leurs successeurs les patientes investigations de leur existence, heureux si la corrélation, la comparaison de leurs résultats, peuvent conduire un jour à la découverte de quelques-unes des lois fondamentales qui président aux mouvements atmosphériques.

En présence de la nécessité de lire le plus fréquemment possible, et dans un nombre multiplié de stations météorologiques, les divers instruments au moyen desquels on interroge l’atmosphère, on n’a pas tardé à s’apercevoir qu’il y aurait un intérêt immense à substituer au travail de l’homme celui des machines. Comment condamner un observateur, si consciencieux qu’il soit, à lire plusieurs fois, par heure et pendant des journées entières, le degré du thermomètre, la hauteur du baromètre ; à considérer, pour les noter, les mouvements de l’aiguille aimantée et la rotation de la girouette ? – Cependant il importe, pour le progrès de la météorologie, que ces observations journalières soient exécutées avec la précision qui doit caractériser tout document véritablement scientifique. – Ce que l’homme ne peut faire, la machine l’accomplit. – Pour obtenir cette mécanique ingénieuse, capable de laisser sur un papier les traces du mouvement du mercure dans le thermomètre et dans le baromètre, à toute heure du jour et de la nuit, d’indiquer la moindre perturbation survenue dans les organes les plus délicats de nos instruments les plus précis, les savants ont eu recours à l’auxiliaire précieux de la photographie : ils utilisent l’art de Daguerre dans la construction de ces instruments de météorologie qui écrivent eux-mêmes leurs variations de tous les instants, et que l’on nomme enregistreurs.

L’idée d’employer, pour l’étude des phénomènes météorologiques, des appareils disposés de manière à marquer eux-mêmes la trace des influences qu’ils subissent, est assez ancienne ; elle remonte à Magellan, l’illustre navigateur qui, au moyen d’un mécanisme ingénieux, avait construit, en 1782, des thermomètres et des baromètres qui enregistraient tous les états par lesquels les faisaient passer les variations atmosphériques.

L’enregistrement par la photographie, tel qu’il s’exécute aujourd’hui dans un grand nombre d’observatoires, offre l’avantage de supprimer des organes de transmission compliqués que nécessiterait tout autre moyen mécanique ou électro-magnétique. Cet enregistrement est surtout utilisé pour les variations du thermomètre, du baromètre, et pour l’étude des oscillations de l’aiguille aimantée.

On sait qu’à la partie supérieure de la colonne barométrique il y a un espace vide, connu sous le nom de vide de Torricelli. Si l’on place une lumière, celle du gaz par exemple, ou encore celle d’une lampe à pétrole, derrière le baromètre, à l’aide d’une lentille on pourra projeter sur un papier sensibilisé l’image de l’espace éclairé qui surmonte la colonne de mercure ; cette image photographique variera à chaque instant avec le niveau du mercure dans le baromètre.

Le thermomètre enregistreur ou thermographe est à peu près disposé de la même manière ; seulement il est indispensable que la lampe à gaz soit placée loin de l’appareil, afin que la chaleur qu’elle émet n’agisse pas sur l’instrument ; en outre, sa lumière ne passe plus par l’espace vide situé au-dessus du mercure, mais bien à travers une petite bulle d’air qui a été introduite à l’avance dans la mince colonne mercurielle, et qui joue ici le rôle de pinnule. La lumière, ainsi transmise, produit sur le papier une marque qui offre l’aspect d’un point.

Dans ces deux instruments, le papier sensibilisé est tendu sur un tambour que fait régulièrement tourner un mouvement d’horlogerie ; il accomplit lui-même un mouvement de rotation continue, et la trace des variations de niveau du mercure, dans le thermomètre, et du baromètre, s’y trouve marquée par une ligne continue, quand on a retiré le papier et qu’on lui a fait subir les opérations propres à la fixation de l’image.

La disposition du mécanisme varie selon que l’enregistrement doit s’appliquer à tel ou tel appareil. Pour que la photographie puisse noter les variations du baromètre, on a pris depuis longtemps des dispositions ingénieuses que nous croyons utile d’écrire.

Un baromètre à cuvette ordinaire est suspendu verticalement par un collier métallique. Au-devant de cet instrument est une lentille convexe qui concentre, à sa partie supérieure, la lumière d’une lampe d’Argant ou d’un bec de gaz. Le haut du tube barométrique est muni d’une échelle transparente en verre divisée en demi-millimètres. – Le rayon lumineux traverse cette échelle, passe au-dessus du ménisque mercuriel, et pénètre dans un objectif achromatique pour projeter sur une feuille de papier sensibilisé l’image de la graduation fixe et de la surface mobile du mercure. (Voir la gravure ci-contre.)

Le papier photographique est adapté à un cadre qui se meut sur un chariot dans un plan perpendiculaire à l’axe de l’objectif. Un mouvement d’horlogerie imprime le mouvement au cadre de telle façon qu’il parcourt seulement toute sa longueur en vingt-quatre heures.