Page:La Nature, 1873.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.
vii
PRÉFACE.

aurait un grand intérêt, à les franchir pour jeter les yeux sur les principaux événements scientifiques dont les nations civilisées sont le théâtre.

Une de nos préoccupations constantes a été de bannir de notre œuvre, les questions de rivalités et de polémiques, évitant de froisser toute susceptibilité, mais avec la ferme volonté de ne rien sacrifier à la vérité. Le domaine de la science n’est pas un champ de combat, il devrait se présenter, au contraire, comme le plus sûr terrain de la conciliation. Il ne manquerait pas de l’être toujours, si tous ceux qui s’y réunissent abandonnaient à l’avance les rancunes et les préjugés des partis, pour ne songer qu’au travail et aux progrès qui en dérivent.

Un grand nombre de savants français professent une regrettable indifférence pour les ouvrages de science vulgarisée ; ils les traitent volontiers d’inutiles ou de futiles. Nous croyons qu’un tel jugement n’est pas justifié. Nous ferons remarquer que les savants les plus illustres des nations voisines ne croient pas s’abaisser en se faisant comprendre de tous, en descendant au niveau commun, pour faire goûter aux esprits les moins préparés les bienfaits de la vérité scientifique. Faraday a écrit l’Histoire d’une chandelle, où il semble prendre plaisir à se faire entendre de ceux qui possèdent à peine les plus élémentaires notions de la chimie et de la physique. Le professeur Tyndall sait rendre la science amusante ; il ne néglige rien pour transformer une conférence en un spectacle, et faire d’un traité de physique ou de géologie un livre offrant les séductions d’un roman. Il y a là un but philosophique très-élevé, que cherchent à atteindre nos voisins d’Angleterre ; ils comprennent que la grandeur d’une nation dépend du nombre d’esprits cultivés qu’elle peut compter ; ils n’ignorent pas que répandre les lumières et dissiper les ténèbres, c’est non-seulement travailler pour la science, mais c’est contribuer directement au bien du pays. Aussi ne négligent-ils rien pour accroître le nombre des travailleurs et pour attirer sans cesse de nouveaux adeptes dans le grand temple de la Vérité.

Puissions-nous, en France, suivre ce mouvement salutaire, et nous efforcer de faire comprendre à tous que le sol de l’investigation scientifique, loin d’être aride et froid, est au contraire fertile, hospitalier, — véritable terre promise, toujours accessible à l’esprit laborieux !

Plutarque nous rapporte quelque part, dans ses écrits, que l’astronome grec Eudoxus, lassé de chercher en vain dans le ciel les mystères de la constitution des astres, se prosterne devant les dieux de l’Olympe et les supplie de lui laisser voir de près le soleil, quand bien même il devrait payer de sa vie la contemplation de la vérité. Le grand historien semble déguiser ainsi, sous une forme allégorique, la passion dominante de l’humanité,