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LA NATURE.

M. Th. Rousselot, a singulièrement perfectionné le moulin à cannes, il a construit des appareils formidables, dont la solidité et la puissance les mettent à l’abri des ruptures si fréquentes dans un grand nombre de machines défectueuses usitées dans les sucrières coloniales.

Notre gravure représente un des nouveaux moulins à cannes de M. Rousselot ; la dimension de cet appareil est formidable ; il atteint environ trois mètres de hauteur. Cette machine est formée de trois cylindres, véritables laminoirs, où s’engagent et se broient les cannes à sucre. Le jus sucré extrait par la pression s’écoule sur le plan incliné représenté en avant de notre figure. Contrairement aux appareils employés auparavant, les cylindres de ce moulin gigantesque mis en action par la vapeur ont un écartement constant ; enfin, sa construction permet de le démonter très facilement, afin de vérifier le fonctionnement de ses différents organes.

Nous avons représenté ci-contre le nouveau moulin, avec une roue d’engrenage, séparée du corps de l’appareil ; on voit que, pour la remettre en place, il suffit de rajuster une pièce en fer et de la consolider facilement par quelques boulons. Toutes les autres parties de la machine se séparent aussi aisément.

Le système Rousselot est employé à l’usine de Saint-Pierre, à la Martinique, où il donne les résultats les plus satisfaisants ; il est certainement appelé à exercer la plus heureuse influence dans nos autres sucreries coloniales.

L. Lhéritier.

CHRONIQUE

Première ascension du Cotopaxi, volcan de l’Amérique du Sud. — Le Cotopaxi est le volcan le plus élevé et le plus terrible de ceux qui ouvrent leur cratère à la surface du globe terrestre. En 1802, Humboldt et Bonpland, en 1831 M. Boussingault, en 1870 M. Wagner, n’avaient exécuté dans cette montagne que des explorations incomplètes. L’Evening-Post, de New-York, nous apprend que le Cotopaxi a été gravi jusqu’à son sommet, pour la première fois, par un intrépide voyageur, le docteur Reiss. Sous les ordres de ce savant géologue, le 27 novembre de l’an dernier, une caravane formée de onze personnes, partit de Mulolo, pour gravir le versant sud-ouest du cratère. Des spectacles admirables, et bizarres, allaient successivement se présenter aux yeux des voyageurs, au milieu d’une route hérissée d’obstacles. Ils franchissent d’abord la rivière de Cutucha, dont l’onde glisse à travers des campagnes dénudées, entièrement couvertes de cendres volcaniques ; ils atteignent bientôt la pampa de Ventanillas, dont le sol poreux ressemble à de la pierre ponce ; ils se mettent enfin en mesure de franchir les premiers échelons du gradin volcanique. Arrivés à l’altitude de 16 000 pieds anglais, ils embrassent d’un seul coup d’œil le versant ouest du Cotopaxi ; c’est un immense désert aride, dénudé, formé d’une cendre sèche, friable, et d’un sable noirâtre, dont la profondeur augmente de pas en pas. Plus loin, une fissure profonde s’ouvre devant eux, et des torrents de lave encore fumante s’y précipitent avec fracas.

Après un repos d’une nuit, le docteur Reiss et ses compagnons se remettent en marche ; ils arrivent enfin au but tant désiré, conquis au prix de si grands efforts. Il fallut pour atteindre le cratère, traverser des mers de glace hérissées d’aiguilles et d’aspérités, longer le bord d’abîmes où la lave incandescente dégageait en abondance du gaz sulfureux, vaincre en un mot les obstacles les plus difficiles. Le cratère s’offrit aux yeux des voyageurs sous l’aspect d’un vaste entonnoir, dont ils ont évalué la profondeur approximative à 500 mètres, et d’où s’échappaient des torrents de produits gazeux, à une température très élevée. Le baromètre indiquait, au sommet du Cotopaxi, une altitude de 19 660 pieds anglais, qui dépasse le chiffre adopté jusqu’ici, pour la hauteur de ce pic escarpé.

Nouvelles du Challenger. — Le Challenger, navire chargé d’exécuter des sondages dans toutes les mers du monde et qui a quitté l’Angleterre à la fin de 1872, vient d’arriver à New-York, où il a excité la plus vive curiosité.

Le Morning Herald et les principaux journaux de cette ville ont envoyé à bord des reporters qui ont visité les installations et décrit les premiers êtres retirés des abîmes océaniques. Le voyage durera quatre à cinq ans. Le capitaine scientifique de l’expédition est M. Wyville Thompson, qui s’est distingué dans les voyages de la Proserpine dont il a été si souvent parlé. Les sondages ont lieu avec des appareils perfectionnés, et des machines à vapeur sont employées pour relever les sondes. Nous rendrons compte des opérations qui ont eu lieu depuis l’Angleterre jusqu’à Saint-Thomas en passant par les Bermudes, et depuis Saint-Thomas jusqu’à New-York.

Une grande croisade scientifique. — M. Richard Proctor, secrétaire de la Société astronomique de Londres, auteur d’un grand nombre d’ouvrages très-populaires de l’autre côté du détroit, et lui-même astronome très-distingué, a reçu d’Amérique une invitation pour faire une campagne de conférences à l’instar de celles du célèbre Tyndall. On nous apprend que M. Richard Proctor a accepté. Nous sommes certain qu’il ne trouvera point un succès moins enthousiaste que l’illustre successeur de Faraday. En quelques mois, Tyndall a recueilli près de cinquante mille francs de bénéfice, qu’il consacrera à une institution destinée à rappeler le souvenir de son voyage triomphal. Un comité s’est formé pour recueillir des souscriptions destinées à augmenter ce fonds.

Un nouvel argument contre Darwin. — M. Max Müller, le célèbre philologue allemand qui a montré tant d’animosité contre la France pendant la guerre, et qui fait un si mauvais usage de son talent en essayant de populariser la nouvelle Académie allemande de Strasbourg, a senti le besoin d’attaquer vigoureusement la théorie de Darwin. L’argument de M. Max Müller est développé dans une série de lectures que publie en ce moment une des principales revues mensuelles de Londres. Il est assez curieux pour que nous le résumions rapidement.

M. Darwin, admettant que l’homme n’est qu’un singe transformé, a été conduit à soutenir que le langage humain n’est qu’un langage bestial également transformé ; mais l’analyse des éléments fondamentaux de toutes les langues connues permet de remonter à des éléments en quelque sorte irréductibles, qui semblent identiques dans