Page:La Nature, 1873.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
LA NATURE.

punaise, connue sous le nom d’anthocoris insidieuse, et qu’ils considèrent comme se nourrissant aux dépens des habitants de ces galles. L’anthocoris partage sa proie avec une petite coccinelle noire qui, d’après MM. Planchon et Lichtenstein, aurait dévoré le contenu de neuf galles sur dix.

Quelques hyménoptères de taille exiguë portent également atteinte à la multiplication du phylloxéra : ces insectes, aussi remarquables par leurs mœurs que par l’élégance de leurs formes et leur extrême agilité, appartiennent au vaste groupe des ichneumonides, si riche en espèces protectrices des récoltes : ils partagent avec tous leurs congénères le curieux instinct de pondre à l’aide de leur tarière, dans le corps même de leur victime, condamnée ainsi à servir de proie vivante à leurs larves. Certaines larves d’hémerobes et de syrphes, avides de toutes espèces de pucerons, paraissent seconder ces précieux hyménoptères dans leur œuvre bienfaisante.

Plusieurs espèces d’insectes carnassiers, citées par M. Riley, entomologiste de l’État du Missouri, comme vivant de phylloxéras américains, beaucoup moins dangereux d’ailleurs que les phylloxéras des vignes françaises, devraient, selon le conseil de M. Lichtenstein, être au plus tôt introduites et acclimatées en France. Ce dernier auteur propose en outre de jeter au pied des ceps malades les galles vésiculaires qu’on rencontre habituellement sur les feuilles du peuplier : ces galles, produites par le puceron à bourse, ont souvent en effet leur cavité occupée par des anthocoris et d’autres insectes carnassiers que l’on suppose capables de nuire également au destructeur de nos vignes.

M. Maximilien Cornu, un des délégués les plus actifs de la commission du phylloxéra, a découvert récemment que les pucerons de la vesce cultivée ainsi que ceux du sureau périssaient parfois sous l’action de certains champignons du genre Empusa, de la même façon que le ver à soie sous celle de la muscardine : cet habile observateur propose d’essayer d’acclimater ces parasites végétaux sur le puceron de la vigne, dans l’espoir que leur multiplication, très-rapide comme chez tous les cryptogames inférieurs, ferait bientôt équilibre à celle du phylloxéra.

2o Insecticides. — Le fort tempérament du nouvel ennemi de la vigne et sa difficile accessibilité sont deux faits qu’il ne faut pas perdre de vue dans l’application des remèdes destinés à agir directement sur lui.

M. le Dr Forel, de Lausanne, ayant placé dans un petit tube hermétiquement fermé une racine de vigne couverte de phylloxéras, a vu ceux-ci se reproduire et vivre plus de cinq semaines dans l’air confiné de cet étroit espace. Une longue exposition à un fort soleil ne semble pas davantage altérer leur vitalité. Mais c’est surtout lorsqu’ils sont dans leur état de torpeur hibernale que ces dangereux parasites se montrent capables de réagir contre les causes de destruction ; un séjour de deux semaines sous l’eau est alors insuffisant pour déterminer leur asphyxie ; mais ce qui n’est pas moins digne d’attention, c’est l’indifférence que manifestent les phylloxéras engourdis à l’égard de certaines substances toxiques parmi lesquelles se font surtout remarquer les décoctions d’aloës, de coriaria, de quassia, de staphysaigre, de tabac et même de noix vomique. Une innocuité aussi inattendue doit prévenir contre la surprise que pourrait causer l’inefficacité de certains traitements appliqués en temps inopportun.

Ce n’est certes pas par le manque d’insecticides qu’on a pu échouer dans certains cas, mais bien plutôt par la difficulté d’atteindre l’insecte dans les profondeurs du sol ; le point d’application de la substance médicatrice étant d’ordinaire à une trop grande distance des parties où le phylloxéra se tient de préférence et où il pullule le plus. Des groupes nombreux de phylloxéras s’observant en effet quelquefois jusqu’à une profondeur de 1m,75, il est indispensable que le réactif mis en usage puisse pénétrer assez facilement le sol pour atteindre les dernières ramifications des racines. Aussi, pour assurer l’effet de l’agent destructeur, faut-il prendre toutes les dispositions capables de le faire parvenir jusqu’aux points les plus reculés de l’habitat souterrain, car vu l’extrême fécondité des phylloxéras, on ne pourra prévenir le retour de la maladie qu’à la condition d’exterminer tous ces pucerons jusqu’au dernier. Cette pénétration si essentielle peut être favorisée soit par le déchaussage, soit par des trous de sonde, soit encore par l’action dissolvante et infiltrante de l’eau.

Les substances qui, ainsi appliquées, ont donné les résultats les plus encourageants sont l’eau phéniquée, la suie, les eaux ammoniacales du gaz, et les mélanges de fumier ou d’autres engrais soit avec du soufre, soit avec du plâtre ou du sulfate de fer. Le sulfure de carbone, l’huile de pétrole, le coaltar et la naphtaline ne paraissent pas agir avec une énergie suffisante. Quant à la chaux vive, elle doit être rejetée comme nuisible aux racines. Il ne suffit pas que les substances médicatrices, susceptibles d’une application générale et économique, exercent une action sûrement destructrice sur le parasite, il faut encore qu’elles soient choisies de telle sorte qu’elles ne puissent faire le moindre tort aux organes délicats sur lesquels il abonde : les meilleures sont évidemment celles qui, à l’exemple des engrais ou des mélanges que nous venons de citer, sont en état de jouer le double rôle de fertilisant et d’insecticide.

E. Vignes.

La fin prochainement. —


NOUVEAUX
MOULINS DES CANNES À SUCRE


Le sucre est connu depuis la plus haute antiquité, mais son usage ne s’est réellement répandu qu’à une