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en continuité, sont écartées verticalement de quantités qui peuvent être considérables. De plus la surface de ces failles montre les traces de frictions énergiques ; elle est polie, cannelée et striée. De même les météorites présentent, dans une foule de cas, des failles véritables avec rejets et polissage. La figure 3 montre par exemple un fragment de la chute d’Aumières (Lozère, 4 juin 1842), où une faille en recoupe une autre, qu’elle rejette de plusieurs centimètres. Cette seconde faille se présente en haut, à gauche de la figure, dans une situation à peu près horizontale, et se continue en bas, à droite, parallèlement à sa première direction, mais descendue par la grande faille oblique, à plus de cinq centimètres. La pierre d’Aumières est constituée justement par cette roche grise dont nous avons parlé, comme fournie par la chute d’Aumale, et qui jouit de la curieuse propriété de devenir noire sous l’influence de la chaleur. Or, on conçoit que les glissements qui ont eu lieu le long des failles et en ont poli les surfaces, ont dû développer de la chaleur : il en résulte que les points voisins de ces surfaces ont subi un vrai métamorphisme qui, de gris qu’ils étaient, les a colorés en noir. Aussi les failles apparaissent-elles, de loin, comme de fines lignes noires tracées à la plume. En comparant divers échantillons on voit que plus les rejets sont considérables, et par conséquent plus l’effort mécanique a été grand, plus la ligne noire est épaisse. Son épaisseur permet donc de se faire une idée de l’énergie des actions dynamiques subies par la pierre ; et la roche grise d’Aumale et d’Aumières nous apparaît comme une sorte de thermomètre extrêmement sensible de nature à rendre de grands services dans l’étude des météorites.

Par exemple, nous avons vu, dès le début de ces études, que l’intérieur des masses météoritiques est extrêmement froid, imprégné du froid de l’espace. Eh bien, grâce aux remarques précédentes, relatives au métamorphisme météoritique on peut se demander si la mesure de la température, jusqu’ici inconnue de l’espace, n’est pas de nature à devenir l’objet d’une mesure expérimentale. Les météorites, en effet, permettraient peut-être d’en faire un cas particulier de la méthode des mélanges. Il suffirait de les refroidir assez pour qu’une application subite de chaleur à l’extérieur reproduisît la croûte noire et mince, pour qu’on fût en mesure d’apprécier la température qui règne dans les régions interplanétaires. Mais ce sujet est encore trop vague pour que nous y insistions davantage.

Revenons aux phénomènes géologiques dont les météorites nous offrent des traces. Les failles terrestres sont très-fréquemment remplies par des minéraux concrétionnées dont l’ensemble constitue les filons métallifères. Chez les météorites, on retrouve des filons de même nature, filons qu’il ne faut pas confondre avec les filons éruptifs cités tout à l’heure. Le fer de Pallas, représenté dans un précédent article, constitue un type des plus nets de filon météoritique concrétionné. Il contient, comme on se le rappelle, des cristaux de péridot, noyés dans une sorte d’éponge métallique. Quand on scie cette météorite pour la soumettre ensuite à l’expérience de Widmannstætten, on reconnaît que la matière métallique s’est concrétionnée lentement autour des cristaux pierreux, exactement comme dans certains filons terrestres où l’on voit de la galène déposée peu à peu sur des cristaux entiers ou brisés de barytine.

Un autre exemple, peut-être plus instructif encore, est fourni par le fer du désert d’Atacama, en Bolivie, qui consiste aussi en une éponge ferrugineuse enveloppant des fragments pierreux. Ici, ces fragments ne sont plus des cristaux, ce sont des débris irréguliers de la roche que nous avons citée sous le nom de dunite, et qui consiste dans le mélange du péridot granulaire avec le fer chromé. Cette météorite, au point de vue des actions auxquelles elle est due, et du mécanisme de sa formation, est la reproduction rigoureuse de certains filons du Harz, appelés par les mineurs filons en cocardes, et qui consistent dans des fragments irréguliers de roches schisteuses, enveloppées de couches concentriques de divers minéraux concrétionnés tels que le quartz et la galène.

Enfin, c’est aussi sur les failles que prennent naissance, dans l’écorce terrestre, les phénomènes volcaniques. Sans affirmer qu’il y ait eu, parmi les météorites, de véritables volcans, on ne peut contester qu’il n’y ait plusieurs roches cosmiques identiques à celles qui sur la terre ne se rencontrent que parmi les éjections de bouches ignivomes. Du nombre sont les météorites alumineuses, comme celle de Juvinas et de Jonzac, tout à fait identiques à certaines laves et, par exemple, à celles de certains volcans islandais. — On peut citer aussi la météorite singulière tombée en 1855, à Igast, en Livonie, et qui est semblable à une ponce quartzifère. — On peut citer la météorite de Chassigny, Haute-Marne (1815), tout à fait pareille à la dunite, si fréquente à l’état de fragments empâtés dans les basaltes de l’Ardèche et de l’île Bourbon. — Enfin, on peut ajouter que les météorites charbonneuses manifestent des analogies intimes avec certaines matières bitumineuses d’origine volcanique.

En résumé, les météorites offrent au géologue :

Des roches normales ;
Des roches clastiques (brèches) ;
Des roches métamorphiques ;
Des roches éruptives ;
Des roches filonniennes concrétionnées.
Des roches volcaniques.

On ne peut qu’être frappé de l’analogie que présente tout cet ensemble avec celui des roches terrestres. En outre, comme conséquence nécessaire de ce rapprochement, on est conduit à se demander si les masses cosmiques, dont nous venons d’étudier les principaux caractères, n’occupaient pas, dans ce gisement commun d’où elles dérivent, des positions relatives analogues à celles qu’affectent les roches terrestres dans l’épaisseur de notre globe. Mais c’est