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LA NATURE.

rapportent pèsent un quart de livre. Chaque capture est récompensée par un petit morceau de poisson, que l’oiseau peut avaler malgré son collier.

Il arrive souvent que les cormorans fatigués de ne rien prendre, ou bien par paresse, essayent de se reposer : alors le maître impitoyable, frappe à côté d’eux, l’eau avec sa gaule, et les pauvres oiseaux, effrayés, s’empressent de continuer leur travail, qui n’est suspendu que de midi à deux heures. La nuit, on les laisse dormir tranquillement.

Cette pèche, qui n’est interrompue que par les grands froids, est assez productive ; vingt à trente lousse peuvent prendre plus de six francs de poissons par jour. En général, les pêcheurs aux cormorans sont associés, et les oiseaux, appartenant à chaque société, portent une marque particulière ; on a le plus grand soin d’eux, et lorsqu’ils sont malades, on leur fait prendre de l’huile de sésame. Les cormorans peuvent rendre des services jusqu’à l’âge de dix ans.

Les Chinois font une chasse active aux oiseaux d’eau, et les procédés qu’ils emploient sont si bizarres, que s’ils n’avaient été sérieusement étudiés et vus de près, on croirait qu’ils sont l’œuvre de l’imagination d’un conteur. Tantôt ils tendent à la surface de l’eau, de grands filets verticaux, à mailles larges, nommés me-tso-ouang. Lorsque les vols d’oiseaux viennent pour se poser sur la surface de l’eau, ils s’emmaillent dans les filets qui sont flottants et s’y prennent en grand nombre. Dans d’autres endroits, ils font usage de sorte de trébuchets en filets, ye-yang-ouang qui sont tenus ouverts au moyen de bambous, très-faiblement maintenus contre les bords de l’ouverture et qui tombent dès que les oiseaux se perchent dessus.

Fig. 2 — Plongeur chinois prenant à la main des oiseaux d’eau.

Ailleurs, des hommes entièrement nus, entrent dans l’eau, ne laissant au-dehors que leur tête, couverte d’une sorte de casque, percé de trous qui leur permet de respirer et de voir (fig. 2) ; sur les épaules repose une sorte de rebord sur lequel sont placées des mangeoires, remplies d’appât et qui attirent les oiseaux. Dès que ceux-ci se sont posés sur l’appareil, tcho-ye-yâ, l’homme les saisit et les place dans un filet qu’il porte suspendu au-devant de lui.

Notre fig. 3, représente un pêcheur se servant du Kia-pang-ouang, formé de deux longs bâtons à l’extrémité desquels est une double de raquette. En rapprochant les deux raquettes, l’homme saisit les coquilles et les remonte jusqu’à lui.

Fig. 3 — Pêcheur chinois recueillant des coquillages au fond d’un lac.

Le lecteur a compris que nous avons choisi, dans l’ouvrage de M. de Thiersant, quelques faits attrayants sans dépouiller le côté essentiellement sérieux et utile de son œuvre. Nous n’en finirions pas s’il fallait énumérer les innombrables ressources qu’il est possible de tirer, non-seulement de la pisciculture et de la pêche en Chine, mais de la sage et prudente législation qui les régit. Malheureusement, nous autres, Français, qui nous plaisons à railler les habitants de l’Extrême-Orient, à nous moquer de leurs préjugés séculaires, de la résistance qu’ils opposent au progrès et à l’innovation, ne sommes-nous pas souvent, par ici, aussi Chinois que là-bas ? Le mépris que nous aimons à