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LA NATURE.

nommer astronome titulaire le 22 février 1857, et chevalier de la Légion d’honneur le 15 août de la même année. Il avait bien mérité ce succès, obtenu au prix de journées et de nuits entières, consacrées, sans regret, à la science dont il était épris. Il avait toujours l’œil à la lunette, entassant des observations soignées et abondantes ; plein de zèle et d’activité, il ne connaissait pas de limites et travaillait sans cesse. Mais ce labeur excessif, joint à des craintes exagérées, le fatiguait considérablement, et sa santé en fut même gravement compromise. Il fut obligé de quitter l’Observatoire au mois de juin 1863, et se réfugia peu après à Villeurbanne, près Lyon.

Chacornac retrouve alors pour son esprit la tranquillité nécessaire, et reprend ses occupations favorites. Il construit de ses mains un télescope de 40 centimètres de diamètre et de 3 mètres de distance focale, avec lequel il continue l’étude des taches du soleil, qu’il poursuit jusqu’à sa fin : il était arrivé à cette conclusion que des séries de volcans se trouvent à la surface du soleil, et que les facules aussi bien que les taches se forment par leur éruption. Il amène la construction d’un télescope de 81 centimètres presque à son achèvement. C’est dans son observatoire particulier que la mort est venue le frapper et l’enlever à la science qu’il avait illustrée par de nombreuses découvertes et d’importants travaux.

A. Fraissinet.

LES VERS À SOIE
À L’EXPOSITION DU CONGRÈS DES ORIENTALISTES.
LE VER À SOIE DE L’AILANTE

Au milieu des incomparables richesses exposées depuis un mois au palais de l’Industrie, l’attention des visiteurs a été particulièrement attirée par les diverses espèces de vers à soie dont l’agriculture européenne a été récemment dotée, grâce aux travaux et à la persévérance de M. Guérin-Méneville. L’extrême Orient nous a donné jadis le ver à soie ordinaire, celui qui se nourrit des feuilles du mûrier ; il met aujourd’hui entre nos mains quatre espèces nouvelles, dont les produits, plus faciles à obtenir, habillent dans le Céleste-Empire des populations entières. Parmi celles-ci, les deux producteurs les plus importants de la soie à bon marché, que l’on pourrait appeler la soie du peuple, sont le ver à soie de l’ailante ou vernis du Japon, et les vers à soie du chêne. Nous reproduisons ci-dessous l’aspect du ver à soie de l’ailante, accompagné de son beau papillon, et nous donnons à son sujet des intéressants détails que nous empruntons à l’Économiste français, d’après les précieux documents de M. Guérin-Méneville. Ce ver à soie de l’ailante est le seul qui ait été expérimenté chez nous sur une grande échelle et qui s’y soit naturalisé. Indiqué, il y a plus d’un siècle, par le père d’Incarville, il fut envoyé en Europe par des religieux italiens en 1870, et dut à M. Guérin-Méneville d’être presque aussitôt connu en France.

Le ver de l’ailante présente deux avantages considérables : il vit en plein air, n’exige par conséquent ni les soins, ni les dépenses d’une magnanerie, et ne court pas les risques des épidémies résultant presque toujours des variations de température ; l’ailante, d’un autre côté, pousse avec une extrême facilité dans les terrains les plus ingrats et se maintient vert et frais quand tous les autres arbres jaunissent et s’effeuillent. Nous en avons la preuve dans ceux qui garnissent le boulevard des Italiens, dont la verdure tranche si vivement sur la sécheresse hâtive de leurs voisins. L’ailante est le faux vernis du Japon. Il a été introduit en France par nos missionnaires, dans la seconde moitié du dix-septième siècle. C’est un grand arbre de la famille des térébinthées, dont le nom, dans l’idiome indien, signifie arbre du ciel. Il croît avec vigueur dans le centre de la France. Il a réussi dans les terrains où rien ne pousse, même la mauvaise herbe. Nous n’avons aucun arbre dont la croissance soit plus rapide, et comme aucun animal n’y touche, il constitue la meilleure essence des reboisements de montagnes et de pentes.

Cependant la nouvelle industrie a rencontré des difficultés dans les habitudes prises, dans les préventions toujours si puissantes chez nous et surtout dans la qualité inférieure de la soie produite par le bombyx cynthia. Cette soie ne pouvait pas, dans le principe, se dévider en soie grége au moyen des appareils employés pour celle du mûrier. Cela tient à ce que la chenille du bombyx se ménage une issue dans son cocon pour la sortie du papillon et brise ainsi la continuité de son fil. Ces cocons ouverts devaient donc être traités comme leurs similaires du ver de mûrier, et on ne pouvait en tirer que de la bourre de soie. Mais depuis quelques années cette difficulté a été résolue par la création de nouveaux appareils, et le bombyx de l’ailante produit aujourd’hui de la soie grége avec autant de facilité que celui de nos magnaneries. Les vitrines du palais de l’Industrie contiennent plusieurs échantillons de cette soie grége et des étoffes qu’on peut en tirer.

Aussi la culture de l’ailante et du bombyx cynthia va-t-elle prendre une grande extension. Essayée avec le plus grand succès en Algérie, en Provence, dans la Sologne et dans la Champagne, elle nous apparaît aujourd’hui comme la ressource providentielle des terres impropres à toute autre exploitation. L’expérience a prouvé qu’elle réalise des bénéfices inattendus dans les localités abandonnées jusqu’ici pour leur stérilité. Divers agriculteurs en on fait l’objet d’essais considérables qui tous ont parfaitement réussi. M. le comte de Lamotte-Baracé avait commencé dès 1859 cette acclimatation industrielle de l’ailante, dans son domaine de Coudray-Montpensier (Indre-et-Loire). Il a été imité depuis par MM. Givelet, Cherny-Linguet, Maillet, etc., en Champagne ; par M. de Milly, dans les Landes ; par madame Brevant, née de Morteuil, dans la Côte-d’Or, et par vingt autres personnes qu’il