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LA NATURE.

bre de ces dessins sous les yeux, faits à des époques bien différentes ; le nombre, et la position, la largeur, l’éclat des bandes y varient de toutes les façons, mais toutes sont, à fort peu de chose près, dirigées suivant une ligne parallèle au grand diamètre de la planète, diamètre qui coïncide à la fois avec l’équateur et avec la projection de l’orbite. Les premiers observateurs constatèrent pareillement ce fait, et, bien qu’Arago s’étonne que les écrits de Galilée ne fassent aucune mention des bandes, que le père Zucchi aurait vues le premier à Rome, en mai 1630, il est très-probable qu’elles n’échappèrent point à l’illustre astronome. Les Éléments d’astronomie de Cassini II en font foi. « Aussitôt que Galilée l’eut observé (le globe de Jupiter) avec des lunettes, il y aperçut plusieurs bandes obscures et à peu près parallèles entre elles, suivant la direction de la route qu’il décrit par son mouvement propre. » Cassini ajoute aussitôt : « Le nombre de ces bandes obscures n’a pas toujours été le même ; quelquefois il y en a eu jusqu’à huit ; dans d’autres temps, il n’y en a eu qu’une, et on en distingue trois pour l’ordinaire, celle que l’on a toujours aperçue est plus large que les autres, située dans la partie boréale de son disque, tout proche de son centre. »

On voit que la variabilité du nombre des bandes a été dès l’abord remarquée tout aussi bien que leur parallélisme. À dire vrai, quand on examine le disque, à ce point de vue, il n’est pas toujours aisé, si le grossissement de l’instrument est assez fort pour que les détails de forme soient nettement visibles, de distinguer et de compter les bandes qui se subdivisent souvent en traînées plus étroites. Ce qui est certain, c’est qu’elles changent d’une époque à l’autre, c’est que le disque en est plus ou moins recouvert et qu’ainsi les zones brillantes formant les intervalles des bandes obscures ont une étendue variable. La large bande obscure, dont parle Cassini, existe en effet assez généralement dans la moitié boréale, limitée au sud par une ligne qui est très-voisine du centre de la planète ; mais ce n’est pas toujours la plus large ; c’est ce que prouvent les mesures faites en novembre 1810 par Arago de la largeur des deux principales bandes obscures qu’on voyait alors près du centre de Jupiter ; la bande boréale était la plus petite.

La permanence d’une bande centrale, telle que la mentionne Cassini, est donc toute relative et ce qu’il faut retenir des nombreuses observations auxquelles nous nous référons, c’est que les bandes obscures de Jupiter varient, suivant les époques, en nombre, en position, en étendue. Ajoutons qu’elles ne présentent pas toutes ni toujours la même teinte. La description que nous avons donnée plus haut, d’après M. Tacchini, de l’apparence présentée en janvier dernier par le disque de Jupiter, prouve que ni les bandes obscures, ni les bandes brillantes n’ont la même couleur. Un dessin de M. W. Lassell, reproduit dans les Monthly Notices (janv. 1872) de la Société astronomique de Londres, donne, sur ce point, d’intéressantes indications, ainsi que deux autres dessins dus à M. John Browning et insérés dans le même recueil. À l’équateur se trouve une large zone dont la teinte est d’un brun orangé selon M. Lassell (brown orange), bronzée (tawny-coloured), d’après M. Browning. La différence des instruments et des appréciations individuelles suffit pour expliquer la légère différence des nuances ainsi indiquées. Les bandes sombres, situées de part et d’autre dans les deux hémisphères, ont une teinte pourprée ; entre l’une d’elles et la bande équatoriale, M. Lassell marque une large zone dont la lumière était vert d’olive (olive green). Enfin, les régions voisines des pôles étaient, selon M. Browning, d’un gris bleuâtre, la teinte bleue étant d’autant plus prononcée qu’on considérait des parties plus rapprochées des pôles mêmes.

Des observations faites, en 1869 et 1870, par le second des savants que nous venons de citer, prouvent que les changements de couleur des bandes concordent avec les variations de position ou d’étendue. Ainsi, en octobre 1869, la bande équatoriale que des observations antérieures avaient montrée incolore et plus brillante que tout le reste du disque, était devenue plus sombre que deux bandes blanches situées au nord et au sud et colorée d’une teinte jaune verdâtre.

Amédée Guillemin.

La suite prochainement.


CHACORNAC

Jean Chacornac, l’astronome bien connu, est mort le 6 septembre dernier. Chercheur infatigable, il s’était fait un nom parmi les observateurs qui enrichissent la science du ciel par la découverte d’astres nouveaux. Travailleur assidu, il avait abordé avec les plus consciencieux efforts toute une série de labeurs, dont les résultats publiés pour la plupart témoignent de la grande activité de son esprit.

Chacornac, né à Lyon le 21 juin 1823, dut, jeune encore, se placer dans le commerce ; nous le trouvons employé successivement dans plusieurs maisons de cette ville, d’où il vint à Marseille. Il était là commis dans un bazar, lorsqu’il fit la connaissance du directeur de l’Observatoire, M. Valz, qui lui permit de fréquenter cet établissement et laissa une lunette de quatre pouces à sa disposition. Chacornac commence alors ses observations sur les taches solaires, à la date du 4 mars 1849, et s’adonne avec ardeur à l’exploration du ciel. Ses efforts ne sont pas infructueux, car, le 15 mars 1852, il rencontre une comète nouvelle, dont le directeur de l’Observatoire annonce de suite la découverte à l’Académie, au nom de J. Chacornac, élève-astronome.

À partir de cette époque, on peut donc le considérer comme complètement engagé dans la carrière astronomique qu’il doit parcourir avec succès. Il amasse dès le début des matériaux considérables