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LA NATURE.

Y a-t-il réellement avantage à substituer des électro-aimants aux aimants ? Il nous semble que poser cette question, c’est la résoudre. Supposons, en effet, que nous ayons à notre disposition un aimant d’une énergie magnétique égale à celle de l’électro-aimant qui le remplacerait, l’avantage du premier sur le second est frappant ; car l’électro-aimant n’a de vertu magnétique qu’autant qu’on l’excite au moyen d’un courant électrique, c’est-à-dire d’une dépense de force ; tandis que l’aimant garde invariablement le magnétisme qu’il a une fois reçu. Ainsi, au point de vue de la production économique de l’électricité, on voit qu’une machine à aimant dépense beaucoup moins qu’une machine à électro-aimant. D’ailleurs un électro aimant est fabriqué avec du fer très-doux et du cuivre rouge en fils recouverts de coton et soigneusement isolés ; son prix ne peut donc être aussi économique que celui d’un aimant construit par la méthode Jamin.

En résumé donc, une machine magnéto-électrique à aimant coûte moins à établir qu’une machine à électro-aimant, et la production de l’électricité avec la première coûte moins qu’avec la seconde. On pourrait encore indiquer des avantages accessoires, par exemple, celui-ci : le magnétisme de l’aimant est constant, tandis que celui de l’électro-aimant est variable avec la vitesse de la machine ; cette permanence du magnétisme donne au moins une plus grande facilité à certaines expériences.

Les applications de cette machine sont faciles à réaliser ; déjà les ateliers de M. Christophle emploient depuis six mois une machine de grande dimension qui est mise en mouvement par un moteur à vapeur ; cette machine a une résistance et une tension très faibles ; la tension est celle de deux éléments Bunsen seulement ; mais la quantité est très-grande : elle est égale à celle de 32 Bunsen ordinaires.

D’autres machines sont en construction pour la même maison, et le jour n’est pas éloigné où toute la galvanoplastie, la dorure et l’argenture industrielles se feront à la machine à vapeur. Un brûlera du charbon avec de l’air, au lieu de brûler du zinc dans des acides. L’économie qu’on réalise par ce changement de procédés est de 80 pour 100. Une première machine à lumière a été construite et a donné des résultats inattendus ; on a mesuré au photomètre une lumière égale à 900 becs Carcel, c’est-à-dire la lumière artificielle la plus intense qui ait encore été produite. Cette machine dépensait environ la force de quatre chevaux-vapeur.

Il sera facile de faire des machines moins puissantes qui ne dépenseront qu’une force beaucoup moindre. Ces appareils, d’une construction très-simple et très-solide, seront d’un emploi avantageux à bord des navires ; ils n’ont aucun des inconvénients qui ont empêché la marine d’adopter les machines de l’Alliance. Les nombreuses collisions qu’on a eu à déplorer, l’hiver dernier, dans la Manche et dans la mer d’Irlande, donnent un intérêt particulier à cette importante application. Pour ces grandes applications industrielles, ce sont des machines à électro-aimant qu’on a employées jusqu’à présent.

Les petites machines à aimant ont trouvé aussi de nombreux usages. Les médecins ont déjà reconnu que la machine Gramme pouvait suffire à tous les cas dans lesquels ils emploient l’électricité. Elle permet la cautérisation au moyen d’un fil de platine rougi. Elle se prête à la décomposition électro-chimique des tissus, qui se pratique dans la résolution de certaines tumeurs. Elle fournit un courant continu et peut être mise en mouvement par le malade lui-même, dont on soumet un organe à l’action du flux électrique continu. Enfin elle donne des chocs violents chaque fois qu’on rompt le circuit et peut remplacer les appareils d’induction voltaïque qui sont si employés dans la pratique médicale. En effet, l’extra-courant de rupture du courant de la machine a une tension relativement considérable, parce que la source est un fil enroulé un grand nombre de fois sur un noyau de fer doux.

On construit dès à présent des machines d’une grandeur moyenne qui se meuvent à la main et qui permettent de faire la plupart des expériences des cours de physique ; ces appareils sont également utiles dans les laboratoires de recherches de physique ou de chimie, pour toutes les expériences qui ne sont pas de longue durée ; ils épargnent l’embarras de monter une pile Bunsen, opération qui prend un temps assez long et qu’on hésite souvent à faire quand on songe que l’expérience poursuivie ne durera que quelques minutes ou quelques secondes. Il va sans dire que, dans tous les cas, l’emploi de la machine Gramme fait réaliser une économie notable d’acides et de zinc, sans parler du temps des aides ou préparateurs. D’ailleurs pour une foule de recherches, il est intéressant de savoir au juste quelle est la force du courant au moment où il produit un phénomène déterminé ; avec l’appareil en question, il suffit pour cela de mesurer exactement la vitesse à un instant précis, ce qui se fait aisément au moyen d’un diapason dont les vibrations s’écrivent sur un plateau partageant le mouvement de l’anneau. Jusqu’ici on n’a pas réalisé d’appareil télégraphique proprement dit, fondé sur l’emploi de la machine Gramme ; mais les inconvénients très-grands des piles qui doivent être transportées, donnent à penser que les armées emploieront de préférence le courant des machines Gramme, que l’opérateur fera mouvoir soit au pied, soit au moyen d’un moteur à ressort ou à poids.

Pour terminer, nous indiquerons un dernier point de vue auquel il est intéressant de considérer la machine Gramme. On a beaucoup cherché deux problèmes, qui sans doute présentent tous deux un vif intérêt ; on s’est proposé :

1o De transformer l’électricité en force mécanique, c’est-à-dire de construire des moteurs électriques.

2o De transformer la force mécanique en élec-