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LA NATURE.

météorologie, convoqué à Ostende par l’illustre Maury, n’aurait point eu lieu, si la France n’avait secondé la grande initiative du grand Américain. Nous avons le regret de dire que nous ne pourrons nous vanter d’avoir contribué au succès de celui qui s’est ouvert à Vienne le 2 septembre, car de toutes les puissances civilisées, y compris la Chine et le Japon, la France est la seule qui ne se soit pas fait représenter. Malgré cette abstention, le Congrès a décidé que le compte rendu des séances serait publié en français aussi bien qu’en allemand. Il est probable qu’une édition anglaise sera également faite, mais ce sera aux frais du gouvernement britannique, et par les soins de M. Scots Russel, directeur du service météorologique qui était son représentant. Une résolution de la plus haute importance a été adoptée. Le Congrès a décidé que l’on choisirait une heure relative au méridien de Greenwich, pour organiser des observations instantanées dans tous les observatoires météorologiques du globe. Cette heure sera probablement 9 heures du matin, qui répondra à une heure de la soirée à New York et à une heure avancée de la nuit à San Francisco. Grâce à cette sage détermination, nous serons à même d’avoir un tableau de l’état du globe au même moment physique, élément inestimable pour servir de base à toutes les comparaisons.

M. Donati, qui représentait le gouvernement italien, s’est fait remarquer par son zèle à défendre cette utile proposition, dont mieux que personne il pouvait apprécier l’importance, car il venait de publier son grand mémoire fondamental sur la météorologie cosmique dans le premier volume des annales de l’Observatoire d’Arcetti. Mais se sentant pris soudainement d’indisposition, il fut obligé de quitter Vienne avant la clôture de la session, à laquelle il avait pris une part si active lors de ses débuts. C’était le 12 septembre qu’il expirait à Florence dans les bras de quelques serviteurs et de quelques amis. Une question qui avait été soumise au Congrès n’a point été résolue comme offrant trop de difficultés. Il s’agissait de déterminer la place que les thermomètres doivent occuper afin de prendre la température de l’air, et de ne point se laisser influencer par les objets environnants. Elle sera de nouveau étudiée. Le Congrès a examiné également la question de la prévision du temps. Il n’a point été favorable à la publication de probabilités et a recommandé de se borner à l’annonce des phénomènes susceptibles de propagation dans un sens déterminé. Peut-être cette interdiction est-elle trop radicale. En tous cas, il serait raisonnable, comme on le fait en Amérique de publier chaque jour un état comparatif des prédictions qui avaient été faites et de la manière dont elles se sont trouvées réalisées. En pareille matière, un contrôle ne saurait être évité si l’on veut être utile non point à la réputation d’infaillibilité de tel ou tel astronome, mais à la science du temps. Nous croyons savoir qu’un illustre astronome avait été désigné par la voix publique comme le représentant de la France, mais qu’il n’a point voulu accepter cette mission, parce que l’administration n’a point mis à sa disposition les moyens de représenter dignement notre nation. Le ministre n’a pas jugé convenable de faire un autre choix.


ACADÉMIE DES SCIENCES
Séance du 6 octobre 1873. — Présidence de M. de Quatrefages.

Condensation du gaz par le charbon pur. — Le fait saillant de la séance est la présentation par M. Dumas d’un travail de M. Melsens sur la condensation des gaz par le charbon pur. On sait que, pour obtenir le charbon pur, on le soumet, sous l’influence d’une température convenable, à l’action d’un courant de chlore ; toutes les matières étrangères sont entraînées et un coup de feu final enlève le chlore lui-même. Dans cet état, le charbon peut condenser son propre poids de chlore, ce qui dépasse de beaucoup tout ce qu’on a vu jusqu’ici dans cette voie. Les autres gaz volatils, cyanogène, ammoniaque, acide chlorhydrique, acide carbonique, etc., sont condensés en proportion analogue ; au contraire, la condensation est très-faible pour les gaz insolubles, tels que l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, etc. C’est en partant de ces faits que M. Melsens modifie une expérience célèbre de Faraday et rend facilement visible la liquéfaction de certains gaz. Voici comment il opère : un tube de 1 mètre de long est rempli de charbon pur que l’on sature de gaz, de chlore, par exemple. Ce tube portant, à sa partie supérieure, une petite branche recourbée, et fermée, on le soumet dans un manchon à la température de 100°, tandis que la petite branche est plongée dans un mélange réfrigérant. Sous l’action de la chaleur, le chlore se dégage ; il distille vers la portion froide, et là, se comprimant lui-même, il passe à l’état liquide ; en quelques moments on a ainsi de 0m,15 à 0m,20 de chlore liquéfié, et il suffit d’arrêter l’expérience pour que ce liquide se volatilisant, sa vapeur soit de nouveau absorbée par le charbon, toute prête à se dégager de nouveau par la même manipulation. Le froid extrême déterminé par cette volatilisation est rendu sensible par le givre qui se dépose sur l’appareil.

L’affinité capillaire du charbon pur pour certaines vapeurs est si grande qu’elle développe souvent une notable élévation de température : du brôme à 20 degrés étant versé sur du charbon à la même température, on observe un échauffement instantané pouvant dépasser 45 degrés. On a une autre preuve de cette énergie d’affinité dans ce second fait que les vapeurs absorbées par le charbon ne se dégagent que bien au-dessus du point thermométrique où bout le liquide dont elles proviennent. Ainsi du charbon saturé d’alcool ou d’éther n’abandonne ces substances, cependant si volatiles, que vers 100 degrés.

Météorologie fossile. — Voici une idée ingénieuse émise par M. Charles Cros. On sait que les arbres dicotylédonés acquièrent chaque année une nouvelle couche ligneuse, de façon que le nombre de ces couches indique l’âge de chaque tronc. Or il suffit d’une observation superficielle pour reconnaître que ces diverses couches n’ont point la même épaisseur, la même dureté, les mêmes caractères, en un mot : ce qui doit tenir à ce que les diverses années qui se succèdent pendant la vie d’un arbre ne sont pas également favorables à son développement. En comparant divers troncs contemporains et en y retrouvant la même succession de couches minces et de couches relativement épaisses, on arriverait peut-être à reconstituer la météorologie des époques auxquelles ces arbres étaient en végétation. Il faudrait aussi arriver à faire la part dans ces observations de ce qui revient à la température de l’été, à l’état hygrométrique, au vent, à l’état électrique, etc., mais ceci résulterait d’études préparatoires fertiles sans doute en faits intéressants. Enfin, les bois fossiles ayant souvent conservé tous les détails de leur structure, on comprend que le nouveau mode d’investigation météorologique s’appliquerait également aux périodes géologiques. Il y a là, sans doute, un sujet très-digne d’exercer les efforts d’observateurs sagaces, et il faut espérer que M. Cros trouvera lui-même le moyen de mettre, son ingénieuse idée à exécution.

Encore le phylloxéra. — Dans les sciences, le progrès