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LA NATURE.

direction, disposées les unes et les autres de manière à donner lieu dans le rapprochement des mâchoires à un engrènement d’une extrême précision avec les inférieures et les supérieures. Leur extrémité radiculaire montre une vaste cavité qui annonce l’existence d’une pulpe dentaire persistante et, comme conséquence physiologique de cette circonstance, la poussée continue de ces organes ou l’équilibration parfaite entre leur usure et leur accroissement. D’après ces dispositions de l’appareil dentaire du Mégathérium, l’action de couper et de mordre sont si évidentes, qu’on n’hésite pas à admettre que le régime de cet animal était exclusivement de nature végétale. Nous croyons devoir ajouter ici que les édentés, dont le nom générique semble vouloir dire animaux entièrement privés de dents, ne sont réellement qu’en petit nombre dans ce cas. Ceux qui sont dentés n’ont jamais plus de deux sortes de dents, molaires ou canines, mais point d’incisives. Ces organes montrent entre eux une grande uniformité de structure.

L’époque géologique pendant laquelle vivait le Mégathérium est la formation post-pliocène, la partie la plus superficielle du terrain tertiaire supérieur. C’est, en effet, dans les pampas de l’Amérique du Sud qui se rattachent à cette période et dans les localités que nous avons déjà indiquées, que M. Séguin, chercheur zélé et infatigable, qui a passé plus de dix années à la recherche des ossements fossiles dans ces contrées, a découvert le squelette du Mégathérium que le Muséum possède actuellement. La formation post-pliocène, comme on le sait, a directement précédé la période actuelle ; elle est relativement peu ancienne dans les âges de la terre ; aussi n’a-t-on pas été surpris, dans l’état actuel de la science paléontologique, de voir produire l’affirmation que le Mégathérium, comme tant d’autres espèces anéanties, avait été contemporain de l’homme primitif. M. Séguin a recueilli dans quelques-unes des fouilles qui se sont opérées sous ses yeux des ossements humains enfouis simultanément, selon lui, avec les restes du Mégathérium.

Quelle a été la cause de l’extinction du gigantesque mammifère dont nous nous occupons, et des autres grands édentés qui vivaient à son époque ? Il y a tout lieu de croire qu’une immense inondation ayant subitement noyé tous ces êtres, ils auront été presque immédiatement ensevelis dans des torrents de limon, au milieu desquels leurs squelettes gisent depuis un nombre incalculable de siècles. Cette hypothèse paraît confirmée par l’observation des géologues et des paléontologistes, qui ont remarqué que les ossements du Mégathérium et de ses congénères ne se trouvent que bien rarement épars dans le sol ; habituellement l’individu est découvert tout entier et comme inhumé à la place où il est retrouvé.

En terminant, nous croyons qu’il n’est pas sans utilité d’exprimer certains regrets au sujet de l’admirable squelette du Muséum. Croira-t-on qu’une pièce d’un si haut intérêt scientifique ne peut pas actuellement être placée sous les yeux du public ? Les galeries du Jardin des Plantes sont littéralement pleines, et, faute d’emplacement, il faut loger un des plus beaux échantillons de la paléontologie moderne dans un hangar où sa conservation paraît mal assurée.


LES PLUS GRANDS TÉLESCOPES DU MONDE.
II. — LORD ROSSE EN IRLANDE — LASSEL À L’ÎLE DE MALTE.

(Suite. — Voy. p. 277.)

Après avoir assisté à la construction du grand télescope récemment installé à Melbourne, il est intéressant pour nous de compléter notre appréciation sur la valeur de cet instrument d’optique et de le comparer aux plus grands appareils analogues qui aient été construits jusqu’à ce jour.

C’est ici le lieu de rappeler à nos lecteurs la différence qui existe entre les télescopes et les lunettes. Tout le monde connaît celles-ci. On sait qu’elles se composent essentiellement d’une lentille de verre, nommée objectif, montée à l’extrémité d’un tube, à l’autre extrémité duquel il y a une autre lentille, plus petite, nommée oculaire. Ce sont là les parties essentielles de toutes lunette. L’oculaire se compose, dans les grandes lunettes, non d’une seule lentille mais de plusieurs combinées pour produire le plus grand effet optique ; c’est un petit tube de cuivre, qui se visse à l’extrémité intérieure du tube de la lunette, et s’enlève à volonté pour faire place à un autre, attendu que la lunette est susceptible de recevoir plusieurs oculaires différents, dont les grossissements sont variés. Cette pièce porte le nom d’oculaire parce qu’elle est placée près de l’œil. La grande lentille porte le nom d’objectif parce qu’elle est placée du côté de l’objet à observer.

Le télescope, bien différent de la lunette, se compose non d’une lentille de verre transparente, mais d’un miroir opaque, lequel, bien entendu, ne peut être placé de la même façon qu’un objectif, car alors il ne servirait à rien, mais est installé à l’extrémité inférieure d’un tube. L’oculaire, par conséquent, devant être comme dans la lunette, au foyer où se forme l’image, ne peut être placé qu’en avant du miroir, à moins que, comme dans le système de Cassegrain, on ne renvoie l’image vers le grand miroir percé d’une ouverture. Cette ouverture centrale faite au grand miroir n’empêche pas les images de se former complètement et parfaitement.

Le grossissement normal des lunettes est de 2 fois par millimètre du diamètre du miroir ou de l’objectif. Ainsi une lunette de 0m,11 de diamètre, instrument d’étude ordinaire des astronomes, peut supporter un grossissement normal de 220 fois. C’est-à-dire que l’objet observé est grossi 220 fois en diamètre ou 48,400 fois en surface. C’est comme s’il