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LA NATURE.

avec elle. Que conclure de là ? D’après l’auteur, que, sous l’influence de la fatigue, les militaires ont fabriqué du sulfate de chaux aux dépens du soufre contenu dans les tissus de leur corps et que, cela fait, ils subissent l’action malfaisante de ce plâtre qu’ils ont fabriqué à si grand’peine, comme ils subiraient celle de gypse apporté par de l’eau. — Comme on voit, cela est très-joli. Mais M. Larrey déclare avoir maintes fois assisté à ces épidémies de goître dans l’armée, et cela, non pas sous l’influence de certaines eaux, mais tout simplement sous l’action mécanique d’un col d’uniforme très-dur qui détermine l’inflammation du corps thyroïde. Le général Morin raconte, à son tour, un cas dont il a été à la fois acteur et spectateur et qui confirme pleinement cette conclusion ; de façon que l’épidémie stéphanaise, malgré les savantes théories de M. Bergeret lui-même, ne paraît pas concerner le goitre, proprement dit, mais une affection beaucoup moins grave, que l’on guérit en desserrant sa cravate et que l’un peut désigner sous le nom de thyroïdite.

Stanislas Meunier.

L’EXPLOITATION DE LA TOURBE EN ÉCOSSE,
POUR REMPLACER LE CHARBON.

Les grèves qui ont dernièrement jeté la perturbation dans les mines de charbon de toute l’Angleterre viennent d’avoir pour résultat direct une recherche plus active de la tourbe, combustible abondant sur le sol écossais. Le prix du charbon est doublé depuis un an et l’industrie souffre de la rareté de ce pain quotidien. La tourbe des marais : peat, a été dédaignée jusqu’ici, à cause de sa consistance insuffisante et de son caractère pulvérulent. Celle que l’on extrait en France, dans la vallée de la Somme, est filamenteuse ; elle s’extrait facilement en mottes qui, séchées à l’air libre, sont transformées en briquettes compactes, consommées en partie dans le pays pour différents usages, en partie à Paris pour le chauffage du bitume des trottoirs.

La nature de la tourbe d’Écosse ne permet pas un mode d’exploitation aussi simple ; il faut avoir recours à des procédés mécaniques pour transformer cette terre spongieuse en une briquette solide et résistante, d’abord afin de faciliter la manutention préalable et le séchage, et ensuite, dans le but de laisser une libre circulation d’air dans la masse incandescente du foyer. Depuis à peine un an que l’industrie écossaise s’occupe de résoudre ce problème, plusieurs machines ont été inventées. Elles préparent la tourbe, comme les déchets de charbon de terre, qui étaient restés inutilisables avant qu’on les transformât en briquettes. Le système Eichorn, déjà appliqué avec succès en Allemagne et en Suède, où il y a aussi beaucoup de tourbières inexploitées, est celui qui semble être le point de départ de la réforme future de cette industrie. Avec ces machines on obtient des briquettes de différentes formes du poids de 100 à 500 grammes.

On commence par malaxer la tourbe humide comme une pâte molle, jusqu’à ce que ses divers éléments soient bien amalgamés ensemble. L’appareil consiste en une hélice tournant dans un cylindre avec une vitesse qui est en rapport avec la résistance de la matière et la densité que l’on veut donner au combustible ; ainsi réduit à l’état de pulpe, il passe, par l’extrémité inférieure du cylindre, dans une ouverture de 0m,12 de diamètre. Le cordon que l’on obtient ainsi est ensuite recoupé comme la terre dans les machines à fabriquer les briques. On obtient ainsi des cylindres, que l’on fait passer dans un tambour agitateur dont l’axe subit une déviation constante ; ceci a pour but de leur donner une forme sphérique bien préférable dans la combustion, parce que l’air passe à travers tous les interstices laissés libres entre les petites boules. La tourbe est ensuite placée sur des planchers mobiles dessiccateurs formés de lattes juxtaposées ; on les dispose sur des voitures spéciales destinées au transport jusqu’à l’endroit où ils doivent être exposés à l’air. En été, il faut seulement trois ou quatre jours de dessiccation. La tourbe préparée par ce procédé ressemble en apparence au charbon de terre et brûle avec une flamme brillante ; le degré de chaleur que l’on obtient est à peu près le même ; la seule différence consiste dans un peu plus de lenteur pour l’allumage.

On admet que l’appareil d’Eichorn est celui qui réunit les conditions les plus avantageuses pour la fabrication des briquettes. Leur forme globulaire est un grand progrès par rapport à la combustion. Comme la machine se prête à toute compression et à tout modèle des briquettes, il est facile de l’approprier à telle nature de tourbe que l’on exploitera ; par conséquent, on n’est pas réduit, comme dans le travail à l’emporte-pièce, à choisir uniquement les couches les plus avantageuses ; en les amalgamant, on aura un combustible de bonne qualité. Il est également facile de régler le degré de compression, suivant la nature de la matière travaillée.

On s’occupe activement en Écosse de passer de la théorie à la pratique ; une compagnie vient de se former à cette intention. Les matériaux ne lui manqueront pas, car tous les fonds des vallées en contiennent des amas abondants. Il y a eu récemment à Inverness un meeting où la question a été discutée ; une machine a été mise en construction pour faire des essais dans les environs de Nairn. Deux foyers d’expérimentation avaient été allumés ; l’un à la tourbe, l’autre au charbon, avec quantité égale de combustible. La chaleur développée par la tourbe fut aussi intense que celle du charbon de terre. Les gaz du charbon donnèrent une flamme brillante, tandis que, d’autre part, il n’y eût qu’une incandescence uniforme, mais le degré de calorique développé fut équivalent, sinon supérieur.

J. Girard.

Inverness, août 1873.




Le Propriétaire-Gérant : Gaston TISSANDIER.

paris. — imp. simon raçon et comp., rue d’erfurth, 1.