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LA NATURE.

terrestre, le métal céleste laissa apparaître un réseau admirablement dessiné, que l’habile crayon de M. Jahandier a su reproduire figure 1, et qui doit son origine à ce que divers alliages, inégalement attaquables, occupent les uns vis-à-vis des autres des situations très-régulières. En poussant l’attaque à un degré convenable, la surface primitivement lisse du fer se transforme en un véritable cliché d’où l’on peut tirer des épreuves comme d’une planche gravée. Les divers alliages qui sont associés dans la figure de Widmannstætten sont, comme nous l’avons dit, parfaitement définis ; on a pu les isoler, les purifier, les analyser, et c’est alors seulement qu’il a été possible de classer les holosidères, c’est-à-dire de séparer ceux qui sont réellement différents les uns des autres et de rapprocher ceux qui sont analogues. En opérant ainsi, on a vu, par exemple, les 70 chutes de fer météorique, que possède le Muséum, se répartir entre 11 types parfaitement définis, dont chacun a pu se présenter à diverses reprises.

Nous insistons sur cette dernière remarque qui reviendra pour d’autres météorites et qui sera fertile en enseignements. Pour montrer comment des fers de chutes différentes peuvent être rigoureusement identiques, il suffira de dire que précisément les trois plus gros blocs de notre grande collection nationale appartiennent à un même type. Le moins volumineux, pesant 104 kilogrammes, et remarquable par sa forme conique, a été découvert au Chili en 1866, par don Lisara Fonseca, propriétaire dans les Andes, qui voyageait dans le but de découvrir des filons métallifères. Il avait avec lui plusieurs mineurs et 25 mules. Après trois mois des recherches les plus pénibles et d’ailleurs complètement infructueuses, il ne lui restait plus, le 15 novembre 1866, que 14 mules qui pouvaient à peine marcher, quand, traversant un endroit sablonneux et aride, dans la région la plus élevée des Andes, entre Pœdernal et le Rio Juncal, son attention fut attirée par un gros bloc, qu’il ne se décida à emporter que parce qu’il le crut d’argent natif. Ce n’est qu’à très-grand’ peine qu’il parvint à l’amener à Nantoco, dans la vallée de Copiapo, où l’on reconnut sa véritable nature.

Fig. 2. — Syssidère découvert en 1776, à Krasnojarsk (Sibérie), par le naturaliste russe Pallas. Cette météorite consiste en une éponge de fer métallique englobant de petits cristaux de péridot. On l’appelle souvent fer de Pallas. (Demi-grandeur naturelle).

La seconde masse en poids de fer météorique du Muséum est célèbre dans la science pour avoir été découverte en 1828, par Brard, à la porte de l’église du petit village de Caille (alors Var, aujourd’hui Alpes-Maritimes). On la connaissait, dans le pays, sous le nom de la pierre de fer, et on prétendait qu’elle avait été trouvée 200 ans auparavant sur la montagne voisine d’Audibert, à la suite d’un violent orage. Elle pèse 540 kilogrammes. C’est un petit fragment de ce fer que représente notre figure 1. Enfin la plus grosse de toutes, du poids de 780 kilogrammes, a été rapportée de Charcas, Mexique, en 1866, par l’armée expéditionnaire. Ce fer était enchâssé dans le mur de l’église, où on lui vouait un culte particulier ; les femmes surtout lui étaient dévotes, croyant fermement qu’il pouvait, en échange d’offrandes, les soustraire à l’horreur de la stérilité. Nos soldats ont pris le fétiche, on l’a placé au Muséum sur un socle avec une étiquette, on l’a scié, poli, analysé, — et l’on ne dit pas que le chiffre de la population mexicaine ait sensiblement baissé.

On a vu, tout à l’heure, que la seconde division des météorites consiste en fer, renfermant çà et là des grains pierreux : ce sont les syssidères. Or certains fers proprement dits, renfermant à l’état microscopiques des cristaux de nature pierreuse, établissent, entre les deux premières divisions, une transition insensible. Du nombre peut être cité le fer trouvé à Tuczon, au Mexique, en 1846, et qui contient plus de 5 % de petits cristaux de péridot disséminés dans sa masse. Les véritables syssidères sont beaucoup moins nombreux que les fers proprement dits. Pour les étudier, la méthode décrite pour ces derniers est applicable. Leur portion métallique se prête à l’expérience de Widmannstætten, et l’on reconnaît souvent alors qu’elle consiste en