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LA NATURE.

nous parvenions à étaler l’eau qui entrait dans la cale et le baromètre remontait à vue d’œil, par saccades. À 2 h. 10, il était encore à 698mm, comme dans le centre ; mais à 3 h. 15, il remontait à 705mm ; à 3 h. 40, à 715mm ; à minuit, à 732mm. Dès ce moment, on pouvait se considérer comme sauvé ; et, en effet, le baromètre continua à remonter rapidement ; à 6 h. du matin, il était à 757mm. Pendant cette terrible nuit, on ne s’occupa que de vider l’eau qui entrait à torrents de tous les côtés. À chaque moment, il semblait que le bâtiment allait s’entr’ouvrir sous les chocs furieux de la lame.

« Quand enfin le jour vint nous éclairer, quel affligeant spectacle il offrit à nos regards ! Partout des désastres et un incroyable désordre. De toutes nos embarcations il ne restait plus que la chaloupe à vapeur. Les manœuvres s’entrelaçaient dans tous les sens avec les débris hachés des mâts et des parois. Ces cordages retenaient encore des tronçons de mâts flottants, qui formaient bélier contre les flancs du navire à chaque coup de roulis. On s’empressa de se délivrer de ces dangereuses épaves, on déblaya un peu le pont, et on travailla immédiatement à installer un gouvernail de fortune. Par un bonheur inouï, nous n’avions perdu qu’un seul homme, un Annamite, qui s’était réfugié sous la chaloupe et avait été écrasé par sa chute. Notre situation était grave. Nous n’avions plus de mâts, plus de gouvernail, plus d’embarcations, et les voies d’eau étaient toujours à craindre, avec le fort roulis qui nous secouait par suite de l’absence de mâture. La machine, heureusement, n’avait pas trop souffert, et c’est en elle que nous mettions tout notre espoir. Nous nous trouvions à 180 lieues de Saint-Thomas, terre la plus voisine. Le plus beau soleil brillait sur nos têtes ; on respirait avec joie l’air calme et tiède. » Le 17 octobre, après six jours de nouvelles fatigues et d’inquiétudes, l’Amazone entrait à Porto-Rico, où arrivèrent bientôt la frégate la Magicienne et l’aviso à vapeur le Talisman, de la station des Antilles, qui devaient l’escorter jusqu’à la Martinique. Le 30, elle mouillait de nouveau sur rade de Port-de-France. Les typhons de l’océan Indien et des mers de Chine sont précédés par les mêmes signes et accompagnés par les mêmes phénomènes que les cyclones de l’Atlantique, dont ils ne diffèrent que par quelques particularités peu importantes. Quoique ces ouragans soient surtout fréquents dans la zone torride, ils apparaissent aussi quelquefois dans nos climats tempérés. Après la relation qui précède et qui nous permettra de mieux préciser nos indications, nous avons maintenant à dire quelles règles doivent guider les navigateurs engagés dans le dangereux tourbillon des cyclones, et quelle lumière la science moderne a jetée sur le ténébreux chaos des forces terribles que nous venons de voir à l’œuvre.

F. Zurcher.

La suite prochainement.


REVUE AGRICOLE
LA QUESTION DES SUBSISTANCES, ÉCONOMIE À RÉALISER, PRODUCTION À AUGMENTER.

La grande préoccupation de la saison a été celle des subsistances. Si le déficit de la récolte a été souvent exagéré, il n’en est pas moins vrai que, d’après les documents très-sérieux publiés par la maison Barthélemi Estienne, de Marseille, il n’y a pas en 1873 un seul département où la récolte ait été très-bonne. Ou en comptait 43 dans le cas contraire, l’année précédente.

Le tableau suivant permet de se rendre compte des différences que présentent les quatre principales espèces de grains.

Évaluation de la récolte dans les départements :
(Blé) (Seigle) (Orge) (Avoine)
Très-bonne » » 18 32
Bonne 8 8 39 24
Assez bonne 13 5 12 19
Passable 52 20 13 5
Médiocre 12 21 4 »
Mauvaise 1 20 1 2

On voit, d’après ce tableau où les chiffres représentent le nombre des départements, que la récolte de blé a été passable dans 52 d’entre eux. Si l’on tient compte des surfaces cultivées en blé, dans chaque département, et si l’on apprécie par le chiffre 18 la récolte bonne, le chiffre 14 la récolte assez bonne, le chiffre 12 la récolte passable, le chiffre 10 la médiocre et le chiffre 6 la mauvaise, on arrive, en faisant la somme des produits et en la divisant par la surface totale, à apprécier l’ensemble de la récolte par le chiffre 11.5. Or on sait que le chiffre 20 correspond à une récolte de 120 millions d’hectolitres, c’est-à-dire au chiffre le plus élevé que, dans l’état actuel de notre agriculture, nous puissions obtenir. Pour avoir ce résultat de la récolte de 1873, il suffit donc d’établir la proportion entre le chiffre 11.5 de la récolte actuelle et celui de 20 ; on aura pour résultat 69 millions d’hectolitres. Or on mange 72 millions d’hectolitres de blé, les semences en consomment 14 millions, le déficit serait donc de 17 millions d’hectolitres, mais, comme l’a fait observer M. Barral, dans toutes les années de rareté, la consommation diminue, le pain de froment est remplacé par d’autres nourritures. Et il est très-probable qu’un complément de 8 à 10 millions d’hectolitres pourra certainement suffire.

L’Algérie est rangée, pour le blé, l’orge et l’avoine, dans les régions où la récolte a été passable ; l’Alsace-Lorraine dans la région où la récolte a été passable pour le blé, bonne pour l’orge et l’avoine, mauvaise pour le seigle. En ce qui concerne l’étranger, voici comment la récolte de blé peut être appréciée :

  • Angleterre, récolte moyenne.
  • Écosse, au-dessous de la moyenne.