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LA NATURE.

et chaussées, qui exposa en quelques mots son projet de canal d’irrigation dérivé du Rhône et ayant spécialement pour but l’inondation des vignes pour arriver à la destruction du phylloxéra. Dans la séance du lundi, M. F. de Lesseps indiqua, malheureusement d’une manière trop vague, la question du chemin de fer qui doit relier l’Europe à l’extrême Orient ; le docteur Bertillon, président de la Société d’anthropologie, présenta un mémoire sur la mortalité en France, mémoire qui, pour être utile aux auditeurs, aurait gagné, croyons-nous, à être simplifié de manière à ce que les conclusions fort intéressantes puissent frapper l’esprit davantage ; enfin, M. F. Papillon lut un travail sur les rapports de la science et de la métaphysique.

Nous pensons que, cette année, les séances n’ont pas été aussi utiles qu’on pourrait le désirer et si elles ne devaient pas avoir à l’avenir un programme dont la composition expliquât mieux la réunion de tous les membres, il serait préférable de les supprimer et de les remplacer par des séances de sections. C’est, en effet, dans ces séances que réside réellement l’intérêt scientifique du congrès ; c’est là seulement que peuvent être présentés les travaux sérieux et complets, c’est là que peuvent avoir lieu de fructueuses discussions.

Les conférences qui ont lieu pendant la durée du congrès ne sont pas exclusivement destinées aux membres de l’association ; par leur nature, elles ont un caractère de vulgarisation qui les rend intéressantes et attrayantes pour ce public, maintenant si nombreux, qui dans les grandes villes éprouve le besoin de s’instruire, le désir de savoir. Aussi ces conférences, qui ont lieu le soir, sont-elles publiques et gratuites ; à Lyon, elles avaient lieu dans la grande salle de la nouvelle Bourse, spécialement disposée à cet effet et brillamment éclairée par des nombreux lustres. Outre la conférence de M. C. Vogt, dont nous avons parlé, il y eut également une conférence de M. Aimé Girard, professeur au Conservatoire des arts et métiers, sur les Progrès récents des industries chimiques : le sujet était des mieux choisis, car à Lyon nombre d’industries s’appuient sur la chimie ; la teinture en particulier est une application en grand des procédés étudiés dans les laboratoires. M. Janssen, membre de l’Institut, fit une conférence sur la constitution physique et l’avenir du soleil ; cette séance dut avoir lieu à la salle de l’ancienne Bourse, à cause des expériences de projection qui l’illustraient ; M. Janssen était connu et fort apprécié à Lyon, où il était venu à plusieurs reprises pour faire des conférences très-suivies ; aussi la foule qui se pressait pour l’entendre était-elle grande. Nous n’avons pas besoin de dire que M. Janssen traita parfaitement et d’une manière fort intéressante le sujet qu’il avait choisi et sur lequel il a une compétence spéciale.

Les excursions qui ont lieu pendant la durée d’un congrès ont un double but : elles permettent d’aller voir sur place des usines, des mines, des coupes géologiques, des stations anthropologiques, etc. ; mais en outre, bien que généralement elles soient la cause d’une véritable fatigue physique, elles n’en constituent pas moins, pour les membres du congrès, un délassement qui vient couper d’une manière agréable et instructive la série des séances fatigantes qui constituent la partie la plus sérieuse de la session ; elles fournissent, en outre, aux savants des diverses sections, l’occasion de se rencontrer, de se connaître, et souvent dans des conversations qui s’y établissent des discussions y prennent fin, des travaux s’y ébauchent.

La première excursion, cette année, avait pour but la visite de la station préhistorique de Solutré, près Mâcon : les excursionnistes, au nombre de 175 environ, partis par un train spécial, furent reçus à Mâcon par une délégation du conseil général de Saône-et-Loire et par le bureau de la Société académique. Il fallut presque aussitôt prendre place dans les voitures rassemblées non sans peine pour parcourir les 10 kilomètres qui séparent Solutré de Mâcon. À Solutré, des drapeaux flottaient aux fenêtres, des arcs de triomphe de verdure étaient dressés sur la route que nous devions suivre : à côté de l’emplacement des fouilles, s’élevait une tente sous laquelle on avait dressé une table autour de laquelle nous prenions place un peu plus tard pour faire honneur à un repas magnifique, préparé par les soins du Comité local de Lyon. La station de Solutré offre au savant des foyers préhistoriques sur lesquels on trouve des squelettes vraisemblablement contemporains de ces foyers (un squelette de femme fut trouvé dans une fouille en présence des membres du Congrès) ; en outre, il existe des os de cheval en quantité considérable ; on n’évalue pas à moins de quarante mille les chevaux dont on trouve les restes : ces animaux ont tous à peu près le même âge, et certains savants qui ont étudié la question pensent qu’ils devaient être domestiqués. Il y a là des problèmes intéressants, mais il faudrait, pour les indiquer d’une manière complète, posséder des connaissances que nous regrettons de ne pas avoir.

Avant de rentrer à Lyon, le train qui nous portait s’arrêta à Neuville, où les excursionnistes furent reçus d’une manière splendide par un membre fondateur de l’Association, M. Guimet ; une table de 200 couverts au moins était dressée dans une salle de spectacle appartenant à M. Guimet, amateur sérieux de musique. Pendant la durée du repas, des solos et des chœurs, dont quelques-uns étaient l’œuvre de notre amphitryon, furent exécutés et ajoutèrent un charme de plus à cette réunion. Disons tout de suite que, le dimanche soir, M. Guimet, offrait une fête splendide aux membres du congrès, dans le parc de la Tête-d’Or. M. Guimet doit à l’application de la science, la fortune dont il jouit (il est propriétaire du bleu-Guimet, découvert par son père) ; mais, on le voit, il sait rendre à la science les honneurs auxquels elle a droit. À l’étranger, de semblables réceptions pendant les congrès scientifiques ne sont