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LA NATURE.

venons de parler. Le phylloxéra en s’attaquant avec cette énergie à des organes aussi essentiels, tarit la principale source d’alimentation de la plante et amène bientôt ainsi l’atrophie et le dépérissement des parties aériennes.

Fig. 1. — 1. Suçoir. — 2. Antenne. — 3. Patte de Phylloxéra. — 4. Radicelles malades avec nodosités.

Au fur et à mesure qu’on se rapproche du centre d’invasion du vignoble, c’est-à-dire des pieds les plus anciennement atteints et complètement détruits depuis un temps plus ou moins long, les racines se montrent dans un état d’altération de plus en plus avancé, et présentant tous les degrés jusqu’à la pourriture complète. Ces mêmes racines sont, en outre, de moins en moins riches en phylloxéras, car ces parasites ne restent jamais sur les parties qui menacent de se décomposer ; ils quittent les points épuisés pour se transporter sur des racines saines, seules capables de leur fournir en abondance l’aliment dont ils sont avides : de sorte que la marche de la maladie est la marche même du phylloxéra.

III

La part du phylloxéra dans la nouvelle maladie de la vigne, a été l’objet des mêmes discussions que celle des scolytes, dans la destruction des arbres fruitiers et des arbres forestiers.

La présence du phylloxéra est-elle en effet la cause première de la destruction de nos vignobles, ou n’est-elle pas plutôt un simple phénomène consécutif, une cause d’aggravation d’un état pathologique antérieur, provoqué par les intempéries ou le mauvais état du sol ?

Plusieurs auteurs se refusent à admettre que le phylloxéra puisse s’attaquer à des vignes qui ne soient pas déjà affaiblies. L’épuisement du sol est considéré par eux comme une des circonstances qui prédisposent le plus les ceps à l’attaque du parasite.

Les conditions d’existence des végétaux cultivés sont, disent-ils, très-éloignées de l’état normal, et la terre se fatigue à la longue d’alimenter constamment la même plante. Jamais, dans la nature, une espèce n’occupe indéfiniment, et à elle seule, des espaces considérables ; les types les plus divers vivent pêle-mêle sur le même sol. Il y aurait donc avantage à user de plantations intercalaires, ainsi qu’on le fait, d’ailleurs, depuis longtemps dans les potagers, et à entremêler aux vignes des plantes herbacées. Le fourrage indemniserait de la diminution que la vendange subirait par suite de la réduction de l’espace occupé par les ceps ; de plus, ce tapis d’herbes annuelles ou bisannuelles, pourrait être enfoui en vert pour restituer au sol sous forme de principes plus directement assimilables, les matériaux de diverse nature qu’elles lui auraient empruntés. Les vignes, ainsi ravitaillées, referaient peu à peu leur constitution et deviendraient aptes à mieux réagir contre les diverses causes de destruction et, en particulier, contre les attaques des parasites.

Mais on peut objecter que la multiplication si effroyablement rapide des phylloxéras défie les meilleures constitutions, et qu’on a vu maintes fois les vignes les plus robustes vaincues par les hordes de pucerons qui s’étaient abattues sur elles, attirées qu’elles étaient par l’abondance de la sève. En outre, ces redoutables parasites tuent aussi bien les ceps plantés dans les terres vierges, que ceux qui occupent, des sols depuis longtemps viticoles. Enfin, les deux pays classiques, sous le rapport de la culture de la vigne, l’Espagne, et l’Italie, où les plantations sont nourries par le même sol depuis un temps presque immémorial, ont la bonne fortune d’ignorer le phylloxéra.

La culture intensive, forcée, obligeant la vigne à donner chaque année le maximum de récolte, doit, selon d’autres auteurs, altérer la vitalité des ceps et les conduire à un état anémique, qui les désarme contre toute circonstance défavorable : pour peu que les parasites abordent ces vignes surmenées, l’affaiblissement atteint bientôt ses dernières limites, et le phylloxéra achève l’œuvre commencée par la trop grande exigence du viticulteur.

Les mutilations fréquentes auxquelles la vigne est soumise, l’excès du développement de son arborescence, l’abus des bouturages, les marcottages indéfinis, l’usage constant de la taille courte et de l’ébourgeonnement sont pour les mêmes observateurs autant de circonstances capables de provoquer l’état de dégénérescence favorable à l’installation de la nouvelle maladie. Mais l’observation a démontré que