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LA NATURE.

avec la portion poreuse et insoluble du guano, qu’il faut des agents très-énergiques pour les détruire. L’eau mise en contact de la matière se sature de sel soluble, et n’enlève rien de plus, ce qui est extrêmement intéressant au point de vue agricole, puisqu’il en résulte que le guano déposé dans la terre peut dépenser petit à petit sa substance active, au lieu de l’abandonner tout d’un coup. En présence de l’importance des faits de ce genre, il y a lieu de s’étonner, avec M. Chevreul, que les chimistes aient jusqu’ici attaché si peu d’attention à l’affinité capillaire, et l’on doit croire que son étude réserve à la science toute une série de découvertes. En passant, M. Chevreul signale l’état particulier dans lequel se trouvent les oiseaux qui se sont fossilisés au sein des couches de guano. À première vue, il semblerait que ces oiseaux étaient rachitiques, pendant leur vie : leurs os, en présence de l’eau, s’écrasent, sous une baguette de verre, en grumeaux floconneux, et divers échantillons, plus ou moins transformés, ont permis de suivre les phases de cette modification particulière. Au microscope, ces os manifestent leur structure normale et se montrent tout couverts de petits cristaux, qui rappellent ceux qui prâlinent les fibres des viandes salées. Ces cristaux sont encore formés du sel d’ammoniaque cité tant de fois dans ces recherches. Quant à la nature de ce sel, M. Chevreul annonce qu’il en a extrait l’acide sous la forme de magnifiques cristaux de plus de cinq centimètres de long ; toutefois, il ne veut pas s’avancer et remet à une autre communication de dire quelle est la composition de cette belle substance.

Apparition du phylloxéra aux environs de Cognac. — Dans la précédente séance, M. Lecoq de Boisbaudrand avait adressé à l’occasion des échantillons de racines et de feuilles de vigne qu’il croyait atteints par le phylloxéra. M. Milne Edwards, à qui ces échantillons avaient été renvoyés, vient confirmer les craintes de M. de Boisbaudrand. La vigne porte réellement le phylloxéra sous ses différents états et présente ces excroissances caractéristiques de la présence de cet insecte. M. Cornu, pensant que les remèdes ont plus de chance de réussir sur un point où l’infection est localisée, se propose de partir immédiatement pour Cognac, où il répétera les expériences déjà faites aux environs de Montpellier. — À cette occasion, un ingénieur parisien, M. Belval, fait remarquer que, depuis près d’un an, il a signalé le sulfure de carbone (employé tout récemment avec succès par M. Monestier), comme devant donner contre le phylloxéra, des résultats favorables. — Le secrétaire présente une sorte de tarière perforée dans toute sa longueur, et destinée à porter directement le liquide anti-parasitaire sur les racines de la vigne. — Un auteur, dont le nom nous échappe, pense que le remède au phylloxéra consisterait dans l’injection, autour des racines, du gaz de l’éclairage : le gaz portatif pourrait servir à cet usage. Peut-être cependant est-il certaines localités vinicoles où les voitures circuleraient fort malaisément. C’est à peu près aussi pratique que cette idée d’un anonyme qui propose, pour préserver Paris du choléra, d’établir sur Montmartre, sur les buttes Chaumont et sur le Trocadéro, d’énormes machines à vapeur qui puiseraient l’air par des hauteurs pour l’injecter sous forme de vent, plus ou moins vif, dans les quartiers populeux de la ville. — Toujours est-il qu’on peut voir par cette énumération que la question du phylloxéra continue à passionner les chercheurs.

Nouvelle méthode de représentation des observations météorologiques. — Le directeur de l’observatoire d’Alger, M. Bulard, expose des tableaux destinés à rendre facilement visibles le résultat des observations météorologiques. Pour ce qui est, par exemple, de l’état du ciel, il représente, par les chiffres de 0 à 10, la quantité de nuages que contient le ciel depuis l’état de pureté jusqu’à l’état opposé, puis il affecte des teintes spéciales aux diverses formes de nuages : le blanc représente les cirrus ; le gris les cumulus, etc. Grâce à ces conventions, il trace des tableaux extrêmement expressifs de l’état du ciel, pendant une journée, un mois, une année. En terminant, l’auteur exprime le désir de voir le gouvernement venir en aide à l’observatoire pour la publication des douze années d’observation, dès ce moment prêtes à paraître ; il se félicite d’ailleurs de l’appui qu’il a toujours trouvé auprès de M. le général Chanzy, gouverneur de l’Algérie. — C’est ici qu’il faut mentionner la nouvelle communication de M. de Magus sur la détermination chronométrique des longitudes en mer. Les résultats, conformes à ceux déjà publiés, montrent que la méthode est extrêmement précise. Ceci est tellement l’opinion des astronomes, que l’auteur vient d’être chargé, par la commission du passage de Vénus, d’exécuter toutes les mesures de longitudes. — M. Émile Duchemin adresse une petite boussole dont l’aiguille est remplacée par un cercle d’acier aimanté, dont chaque moitié correspond à un pôle. Il paraît que les corrections sont beaucoup plus faciles avec cet instrument qu’avec les autres.

Phénomènes volcaniques dans l’Archipel. — L’île de Mysiros, dans l’Archipel, a été, le 10 juin, le siège d’une éruption volcanique. D’après M. Gorceix, le commencement de l’année avait été signalé par diverses manifestations volcaniques dans ces parages, et spécialement par des secousses de tremblement de terre. L’île est entièrement constituée par des laves ; Strabon parle de sa formation volcanique et beaucoup de voyageurs l’ont visité. Elle contenait deux solfatares dont M. Gorceix avait étudié chimiquement les émanations. Malheureusement ce chimiste n’était pas sur les lieux au moment de l’éruption et il demande que l’Académie lui facilite une nouvelle expédition.

Stanislas Meunier.

LES NAVIRES CIRCULAIRES
DE L’AMIRAL POPOFF.

L’idée des navires à flottaison circulaire n’est pas absolument nouvelle. Il y a quelques années, un projet de bâtiment de ce genre, soigneusement étudié, fut présenté par M. John Elder à l’amirauté anglaise, mais sans succès. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de l’originalité de l’invention, c’est à l’amiral Popoff, de la marine impériale russe, qu’appartient l’honneur de l’exécution du premier navire de cette forme étrange. Ce type de garde-côte, sur lequel les Russes fondent de grandes espérances, est jusqu’ici fort peu connu, et on ne lira pas sans intérêt, croyons-nous, les détails suivants sur ces deux navires (le Kiew et le Novogorod), dont la mise à l’eau s’est effectuée il y a quelques semaines à Nikolaïef.

Ces bâtiments, d’un diamètre de 30m,25 sont construits en fer et bordé en bois et doublage en cuivre ; leur tirant d’eau est de 3m,70 environ, et le pont supérieur se trouve en abord à 0m,65 au-dessus de l’eau. Le déplacement à ce tirant d’eau est de 2 530 tonneaux. Les fonds sont complètement plats, au lieu de présenter une arête saillante comme sur