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LA NATURE.

analogues. Il y a juste un siècle, presque jour pour jour, les contrées atteintes aujourd’hui étaient assez fortement ébranlées. L’illustre naturaliste Faujas de Saint-Fond nous rapporte qu’en 1773, pendant un mois de suite, les rivages du Rhône tremblèrent violemment dans les environs de Châteauneuf, et cela dans le courant du mois d’août. Quelques mois auparavant, en janvier 1773, le petit village de Clausayes, perché au sommet d’une colline, fut entièrement détruit par le mouvement de la terre. Les habitants, sur l’ordre d’un commissaire envoyé par le gouvernement de la province du Dauphiné, quittèrent le village et campèrent dans la plaine.

D’après ces souvenirs historiques, on conçoit que les événements actuels sont bien faits pour jeter l’alarme parmi les habitants de la Drôme et de l’Ardèche, et surtout parmi les riverains du Rhône. Ne doivent-ils pas aussi exciter notre compassion, en même temps que notre curiosité ? Rien ne semble devoir être plus épouvantable, en effet, que cette colère des feux souterrains, contre laquelle on est si fatalement impuissant. Quand la terre, notre mère et notre appui, nous fait défaut, quand elle s’agite convulsivement, l’homme doit se sentir aussi faible qu’un enfant ; n’est-il pas incapable de fuir, de combattre ou d’implorer ? Sa vie n’est plus soumise qu’au hasard de réactions qu’il ne connaît pas et qui s’accomplissent, à son insu, sous ses pas : que la croûte terrestre se soulève seulement de quelques millimètres de plus, il sera impitoyablement écrasé, lui et les siens, avec sa demeure et sa ville tout entière !

Il ne faut pas oublier toutefois que le temps des grandes convulsions géologiques est passé ; tout semble prouver que les anciens cataclysmes géologiques ne se renouvelleront plus. Ces mouvements du sol contemporain indiquent bien que les forces naturelles qui ont façonné le relief terrestre, soulevé les montagnes et découpé les continents, ne sont pas anéanties. Elles travaillent sans cesse, dans le fond des océans, comme dans les entrailles de notre planète, mais elles accomplissent aujourd’hui leur œuvre, lentement et progressivement. Les oscillations brusques du sol, les mouvements violents, peuvent être considérés de nos jours comme une lointaine réminiscence des anciennes convulsions du globe, rares exceptions parmi les sublimes harmonies de notre monde.

Gaston Tissandier.

LE CIEL AU MOIS DE SEPTEMBRE 1873

Aucun phénomène céleste remarquable n’est calculé ou prévu pour les nuits de ce mois. Mais les observateurs attentifs, qui ne sont pas enchaînés à une besogne forcée par les observations régulières des grands établissements scientifiques, n’en devront pas moins explorer le ciel, toutes les fois que les brumes et les nuages n’en couvriront pas la surface. En leur recommandant le mois dernier l’étude du passage de l’essaim météorique du 10 août, nous avons oublié de les prévenir qu’une circonstance particulière ne permettrait pas à leurs recherches, même dans l’hypothèse d’un très beau temps, d’être bien fructueuses. En effet, il y avait pleine lune le 8, et par conséquent les plus brillants des météores pouvaient seuls, pendant les nuits voisines de cette date, vaincre en intensité la lueur lunaire et être aperçus : les nombres recueillis dans le but de constater soit l’affaiblissement, soit la recrudescence du phénomène, devaient perdre ainsi toutes leur signification. Toutefois, était-ce une raison de s’abstenir absolument, ainsi que l’a conseillé le Bulletin de l’Association scientifique de France ? Ce n’est pas notre avis. Il y a toujours tout à gagner à suivre avec persévérance une série d’observations commencées, et nous allons motiver notre manière de voir.

Compter le nombre des météores filants, dans les nuits successives qui caractérisent cette période, est sans doute une fort bonne chose. Si la nuit est à la fois très-sereine et très-obscure, on aura un résultat qui, au point de vue de l’observation, sera considéré comme un maximum. Mais n’y a-t-il pas néanmoins intérêt à noter les météores, moins nombreux qui se montrent dans un ciel illuminé par l’astre des nuits à l’une quelconque de ses phases ? En comparant ce nombre restreint à celui des météores des années antérieures qui affectent la même grandeur apparente, on peut en conclure le nombre probable de ceux que l’illumination du ciel n’a pas permis de voir. En outre, le nombre des météores n’est pas le seul élément du phénomène à considérer ; il y a la direction des trajectoires, les éléments de parallaxe aux cas d’observations simultanées, et ce sont surtout les plus gros météores qui sont favorables à ce genre de recherches. Il y a enfin les particularités physiques qui ne sont pas à dédaigner dans une branche de la science encore si peu avancée.

Dans le mois de septembre, il n’y a guère, jusqu’à présent, d’essaims bien accusés. Cependant, dans une liste des points radiants dressés par Alexandre Herschel, pour les essaims d’étoiles filantes, nous voyons les dates du 6, du 12, du 17 et du 19 septembre comme celles d’apparitions antérieurement observées. θ de la Baleine, α de Cassiopée ; α, β, δ du Cocher, la Polaire sont les positions approchées des points radiants de ces essaims. Il y a évidemment intérêt à vérifier si de nouveaux flux de météores se représenteront à ces diverses dates.

Il y a un autre phénomène céleste à observer dans ce mois. C’est la lumière zodiacale dont le fuseau conique et incliné à l’horizon est ordinairement visible à l’orient, le matin, une heure ou deux avant le lever du soleil. En septembre, les lueurs crépusculaires ont le matin et le soir une faible durée et peu d’intensité : c’est à cette circonstance et à l’inclinaison moindre du fuseau zodiacal à l’horizon qu’est due la plus grande facilité d’observation du phéno-