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LA NATURE.

mètre est de 10 mètres, il est de grandeur suffisante pour enlever deux voyageurs, et la plupart des ballons qui s’élèvent dans les fêtes publiques n’ont pas une dimension supérieure. Le ballon du milieu a 14 mètres de diamètre, il mesure 2 000 mètres environ c’est le type des aérostats du siége de Paris, dont la force ascensionnelle était suffisante pour enlever, dans la nacelle, le poids de huit ou dix voyageurs. Le plus grand enfin, représente l’étonnant ballon captif de Londres ; son diamètre est de 27 mètres, son volume de 10 500 mètres cubes. Ce gigantesque aérostat gonflé d’hydrogène pur, enlevait à 500 mètres de hauteur, trente-deux voyageurs, retenus à terre par un câble, qui ne pesait pas moins de quatre mille kilogrammes. C’est, un ballon semblable et de même grandeur, le Pôle-Nord, que nous avons conduit dans les airs, le 26 juin 1869.

1. Ballon de 650 mètres cubes. — 2. Ballon du siége de Paris (2 000 m.c.). — 3. Aérostat captif de M. Giffard (11 500 m.c.).

M. H. Giffard, en construisant ces admirables globes aériens dans des conditions nouvelles de solidité, d’imperméabilité, a ouvert à l’aéronautique de nouveaux horizons. Grâce à de persévérantes études, cet habile ingénieur est parvenu à établir des aérostats immenses, capables de conserver indéfiniment le gaz hydrogène dont on les remplit. L’aéronaute américain a le projet de prendre modèle sur le ballon captif de Londres. Il pourrait avoir à sa disposition un navire aérien, doué d’une force ascensionnelle de 20 000 kilogrammes environ, s’il employait l’hydrogène pur ; mais comme il se servira du gaz de l’éclairage la force ascensionnelle de l’aérostat, atteindra seulement 14 000 kilogrammes. En admettant que le matériel complet (ballon, filet, soupape, cercle, nacelle, bateau de sauvetage, cordes d’arrêt, ancres, vivres, etc.) pèse 6 000 kilogrammes, il restera, comme poids disponible, 8 000 kilogrammes pour le lest et les voyageurs.

Voilà dans quelles conditions le départ s’exécutera de New-York, vers la fin de ce mois. M. Wise prétend qu’à une altitude de 3 000 à 4 000 mètres, il existe, dans l’atmosphère des courants réguliers, et qu’un fleuve aérien, dont le cours serait pour ainsi dire immuable, le lancera au-dessus des mers jusqu’à la surface de l’Europe. Nous laissons à l’aéronaute toute la responsabilité de cette hypothèse qui nous paraît n’être basée que sur de vagues conjectures ; nous aurions un peu plus de confiance dans les ressources qu’il prétend trouver au-dessus du gulf-stream. Ce fleuve chaud qui traverse l’étendue de l’Atlantique, doit entraîner avec lui, un fleuve d’air, que le navigateur aérien pourrait mettre à profit.

Nous n’entrerons pas dans la discussion de ces questions météorologiques, et nous passerons sous silence les détails de construction que donnent les journaux américains, sur la confection de l’aérostat. Disons toutefois que ce grand ballon sera muni d’une barque insubmersible, chargée de vivres pour trente jours au moins. Il sera pourvu d’un aérostat additionnel destiné à emmagasiner l’excès de gaz fourni par la dilatation.

Malgré le volume considérable de l’aérostat, malgré le poids de lest, dont ce navire aérien sera pourvu, la tentative de M. Wise a-t-elle quelque chance de succès ? Ne présente-t-elle pas au contraire les caractères d’une folie, d’une extravagance… ou d’une mystification ?

Nous ne mettons pas en doute la bonne foi de l’aéronaute, qui a déjà fait preuve d’audace et de courage ; mais nous croyons qu’il n’a pas assez mûrement médité les conditions du problème qu’il se propose d’aborder. Pour passer de New-York en Europe il faut que l’aéronaute parcourt un espace de 5 500 kilomètres environ. Supposons qu’un hasard exceptionnel le favorise, qu’un bon vent, d’intensité moyenne, ayant une vitesse de 10 mètres à la seconde, souffle régulièrement, sans déviation, de l’ouest à l’est, il est indispensable qu’il séjourne dans l’atmosphère six à sept jours, au minimum, puisque le chemin qu’il parcourra en 24 heures sera, dans notre hypothèse, de 864 kilomètres. Or un aérostat, si volumineux qu’il soit, construit dans les conditions actuelles, et malgré son imperméabilité complète, peut-il séjourner dans l’atmosphère pendant 7 jours ? C’est à quoi nous répondrons, en toute certitude, par la négative. En effet, quand un ballon quitte terre, quand il s’élève, une partie du gaz qu’il renferme est d’abord expulsée par la dilatation due à la diminution de pression de l’atmosphère ; mais l’aérostat va se trouver plongé bientôt dans des milieux où la température est bien inférieure à celle des couches d’air terrestres qu’il a quittées. Le refroidissement va contracter le gaz…, le ballon perd sa force ascensionnelle, il descend. Pour le maintenir au niveau qu’il a atteint, il faut diminuer son poids, l’aéronaute jette du lest. S’il passe une première nuit à de grandes hauteurs, il est certain qu’il sera obligé d’alléger ainsi presque continuellement son navire aérien. Le lendemain matin, au lever du soleil, les rayons ardents, brûlants, vont échauffer le gaz contenu dans l’aérostat. Le ballon, en partie dégonflé pendant la nuit, va s’arrondir, son étoffe flasque va se tendre comme la peau d’un tambour, il montera dans les hautes régions atmosphériques. C’est à ce moment qu’il faudrait à l’aéronaute une partie du lest qu’il a été obligé de jeter