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LA NATURE.

M. Jamin étendit les recherches auxquelles il s’était d’abord borné ; il voulut se rendre compte de ce qui se passe lorsqu’on approche un fer doux d’un aimant. En variant les conditions d’expériences, guidé d’ailleurs par des idées théoriques, M. Jamin arriva à mettre en évidence l’existence de ce qu’il appelle la condensation magnétique : cette action, dans le détail de laquelle nous ne voulons pas entrer, serait analogue à celle que l’on observe dans la bouteille de Leyde pour l’électricité et permet d’augmenter dans des limites assez étendues la quantité de magnétisme développé sur un aimant.

D’autre part, M. Jamin étudiait les différences dans la force magnétique que l’on peut communiquer à un poids donné de fer suivant la forme sous laquelle on le prépare : il put ainsi se rendre compte de l’avantage qu’il y a à composer un barreau aimanté de plusieurs lames minces superposées. La nature de l’acier, son degré de trempe, influent sur la force d’un aimant ; mais jusqu’à présent on ne savait rien de positif sur les conditions dans lesquelles on devait se placer. Les travaux que nous analysons sommairement ont mis en évidence ce fait remarquable que le degré de trempe, de revenu ou de recuit que l’on doit chercher à atteindre n’est pas uniforme et qu’il dépend de l’espèce d’acier employé : ainsi sont expliqués les incertitudes des constructeurs, les insuccès des uns et les réussites des autres. On saura actuellement, par la nature du barreau employé, le degré de trempe le plus convenable.

On peut se rendre compte, par ce qui précède, de l’intérêt qui s’attache aux recherches de M. Jamin. Nous terminerons en disant que tous les détails de la fabrication des aimants furent travaillés avec soin et que M. Jamin put présenter dernièrement à l’Académie des sciences un aimant, construit d’après les indications fournies par ses travaux et qu’il estime être le plus fort qui ait été construit jusqu’à ce jour : cet aimant est capable de supporter un poids de 500 kilogrammes et lui-même ne pèse que 50 kilogrammes.

Sera-t-il possible d’obtenir des barreaux aimantés d’une plus grande puissance ? Nous l’ignorons et nous ne voyons pas, dans les conditions actuelles, quelle en serait l’utilité, au moins l’utilité directe et immédiate : il nous paraît au contraire fort intéressant de savoir que désormais, par suite des travaux de M. Jamin, on pourra construire rationnellement des aimants produisant le maximum d’effet dont ils sont susceptibles, et que les machines d’induction seront plus énergiques sous un même poids, ou plus légères pour une même énergie.

Il faut espérer que le savant membre de l’Institut continuera ses recherches et qu’il dépassera le but qu’il a atteint, car si nous ne voyons pas l’utilité immédiate de la production de très forts aimants, nous savons que les recherches théoriques qui semblaient d’abord les plus abstraites, non-seulement ont souvent provoqué des nouvelles découvertes théoriques, mais ont aussi été le point de départ d’applications pratiques dont quelques-unes ont eu une influence considérable sur le développement de la civilisation. Qui peut prévoir toutes les conséquences que l’on pourrait déduire de la production d’aimants d’une énergie illimitée !


L’ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES.

2e session. — Congrès de Lyon. — Août 1873.

L’Association française pour l’avancement des sciences, fondée en 1872 par un groupe de savants[1], qui désiraient concourir au relèvement intellectuel de notre pays, en faisant naître sur tout le territoire une salutaire agitation scientifique, a obtenu dès la première année un véritable succès. Le congrès tenu à Bordeaux du 5 au 12 septembre 1872 réunissait près de 350 membres ; les travaux et les communications présentés ont été nombreux ; des conférences, faites par des hommes chez qui la science n’enlève rien au charme de la parole, ont réuni, en même temps que les membres du congrès, l’élite de la société bordelaise ; des excursions dont quelques-unes fort importantes (stations préhistoriques des Eyzies, travaux de défense des rivages de la pointe de Grave, hauts fourneaux de Labouheyre et mines de la Bidassoa) ont servi à établir des relations amicales entre les savants français et étrangers qui y ont participé, et ont fourni au plus grand nombre des notions exactes sur des sujets d’un intérêt incontestable.

La ville de Bordeaux avait tenu à honneur de recevoir dignement les hôtes qui arrivaient de la France entière et de l’étranger, pour assister à ces grandes assises scientifiques, et malgré quelques détails peu satisfaisants, dont la cause se trouve dans les difficultés d’une installation et d’une création, on peut dire que le congrès a contenté, à tous égards, les membres qui y ont pris part.

Le congrès n’a eu, il ne pouvait avoir, qu’une durée limitée, une semaine ; mais indépendamment des séances mêmes qui le composaient, il aura produit des résultats utiles. Parmi ceux-ci, il faut compter, en première ligne, la création, à Bordeaux, d’un groupe girondin, dépendant de l’Association française tout en ayant sa vie propre, et dont le but est d’entretenir, à Bordeaux et dans la région avoisinante, le mouvement intellectuel qu’a fait naître le congrès. Le groupe girondin a choisi pour président le docteur Azam, qui, comme secrétaire du Comité local, avait préparé avec un zèle si intelligent et si dévoué, la session de Bordeaux ; tout fait espérer que cette association prospérera. Il est à souhaiter qu’il s’en forme une semblable dans chacune des villes où se tiendront des congrès scientifiques.

  1. MM. Combes, Claude Bernard, Broca, Cornu, Delaunay, d’Eichthal, de Quatrefages, Wurtz.