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LA NATURE.

pension : chaque lit, composé d’un cadre en bois, recouvert d’un matelas solidement fixé, est accroché, par de fortes courroies en caoutchouc, à des anneaux de même matière insérés aux parois du wagon à l’aide de crochets en fer. L’élasticité du caoutchouc amortit les secousses imprimées par la marche, au point de les rendre presque insensibles pour les malades. Ces lits sont superposés, sur trois rangs en hauteur, de chaque côté de la voiture, suivant une disposition analogue à celle usitée sur les paquebots.

Les wagons de ce système, comme tous ceux employés en Amérique, sont à couloir central, et munis d’une plate-forme avec escalier à chaque extrémité ; la caisse est divisée en trois compartiments : le premier forme cabinet pour le médecin, avec table et lit-canapé ; cette pièce renferme la pharmacie et tous les instruments nécessaires ; le second contient les lits des malades, et le troisième est destiné à chauffer, au moyen d’un poêle, le dortoir et la chambre du médecin. Ces voitures, en raison de leur longueur exceptionnelle, ne sont pas montées sur des essieux fixes ; un système de quatre roues, réunies par un plancher mobile autour d’un axe vertical, supporte chacune des extrémités de la caisse, de manière à permettre le passage dans les courbes les plus prononcées. Par l’emploi de ce mode de traction, il a été construit des wagons d’une dimension telle qu’ils pouvaient réunir tous les éléments nécessaires au service de l’ambulance : dortoir, cabinet du médecin, salon d’opérations, cuisine et pharmacie. Celui dont nous donnons deux figures en perspective et en coupe, a été construit en Russie ; il est à deux étages, l’un destiné aux malades, et l’autre contenant seulement la chambre du médecin, des réservoirs à eau et à glace, et les collections d’instruments de chirurgie, ainsi que les thermomètres, baromètres, etc. À l’étage inférieur, on trouve successivement, installés avec un confortable parfait, la cuisine, le laboratoire de pharmacie, et le dispensaire pourvu d’une table à opérations ; le reste de la voiture appartient à l’ambulance proprement dite ; les blessés y sont pourvus de lits moelleusement suspendus, de chaises longues articulées et de fauteuils ; la température y est entretenue à un niveau constant au moyen d’un appareil à circulation d’eau tiède, réglé par l’électricité ; enfin, des ventilateurs maintiennent l’air intérieur à un état de pureté satisfaisant. Ce wagon, construit à Moscou, par les élèves de l’École technique Komissaroff, a été offert à l’impératrice de Russie pour la Société de secours placée sous son patronage. Les frais de construction se sont élevés à près de 38 000 francs. Nous ne pouvons oublier de mentionner, en terminant, un intéressant progrès accompli par la France dans la question qui nous occupe. La Société de secours aux blessés vient d’envoyer à l’Exposition de Vienne un train complet de wagons-ambulances, construits dans les ateliers d’Ivry. Chacune des voitures composant ce train a une destination bien définie et porte un titre indiquant son usage spécial : approvisionnement, cuisine, réfectoire, ambulance, médecin, magasin.

Cette installation admirablement organisée et si bien faite pour soulager les blessés fait le plus grand honneur à la Société française et à son honorable président.

P. de Saint-Michel.

CHRONIQUE

Le météorite d’Hull. — Le 7 juillet dernier, la ville d’Hull, dite aussi Kingston-upon-Hull, située en Angleterre (York), au confluent de l’Humber et de l’Hull, a été mise en émoi par le passage dans le firmament d’un météore d’un éclat inusité. L’aérolithe a décrit dans le ciel une courbe majestueuse, s’étendant sur un arc de deux ou trois degrés ; malgré l’heure avancée de la nuit (1 h. 10), un grand nombre d’habitants ont pu observer cet imposant phénomène. La lumière projetée par le météore était d’une vivacité extraordinaire ; elle a fait sentir son action pendant plus de cinq minutes. La trace lumineuse, d’un blanc éblouissant, paraissait traverser le carré des étoiles de la constellation de la petite Ourse.

Les torpilles prussiennes. — Nous avons récemment parlé des constructions navales de la Prusse (voyez p. 79). Un des derniers numéros de la Gazette d’Augsbourg nous donne des renseignements sur une nouvelle torpille offensive, qui a été expérimentée d’après les ordres du gouvernement impérial. Celle torpille est lancée par une chaloupe canonnière dans la direction voulue, et fait explosion à un moment donné quand elle a été dirigée vers le navire ennemi qu’il s’agit d’atteindre. De nouvelles expériences vont être exécutées en pleine mer, et la division des torpilles de la marine prussienne attend un plein succès de ces essais.

Ascensions aérostatiques. — Dans le courant des mois de juin et juillet, M. Eugène Godard a fait une série de campagnes aérostatiques fort intéressantes. Le 26 juin, le célèbre aéronaute a exécuté une fort belle ascension à Dijon, avec son ballon le Météore. Il est descendu tout près de la gare de Langres, après avoir atteint l’altitude de 3 000 mètres, hauteur à laquelle les voyageurs ont contemplé un admirable coucher du soleil ; l’astre disparaissait majestueusement dans un océan de brumes aussi rouges que le sang, et dont l’éclat était tellement intense qu’on eût dit des plaques de fer incandescent. — Le 6 juillet, M. Eugène Godard s’élevait dans les airs devant les habitants de Troyes, et le 16, il recommençait une troisième ascension à Reims. — L’aérostat dans ce dernier voyage a été saisi à 2 800 mètres d’altitude par un vent violent qui l’a entraîné avec une vitesse de 1000 mètres à la minute. Le ballon, en effet n’a pu rester en l’air qu’une demi-heure, et il est descendu à 30 kilomètres de Reims à Saint-Germainmont, canton d’Asfeld, arrondissement de Rethel.


ACADÉMIE DES SCIENCES

Séance du 21 juillet 1873. — Présidence de M. de Quatrefages.

Tout chemin mène à Rome. M. Ferdinand de Lesseps arrive à l’Institut par le canal de Suez. La première classe s’est honorée en s’adjoignant le célèbre ingénieur qui a fait de la plus grande traversée du monde